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Tribune : Le coronavirus réhabilite l’idée de nation et donne du sens à l’action publique


Dr Abdoulaye Wane
Enseignant chercheur en France
layesen@gmail.com

Rien ne sera plus comme avant. Les contours du monde d’après se dessinent clairement sous nos yeux. Le coronavirus a imposé de nouvelles règles dans la pratique des relations sociales et publiques.

Le choc, l’urgence, la méfiance et l’effroyable peur se sont emparés de tous les esprits, petits comme grands.

Mais ce qui est vrai des personnes physiques l’est aussi des pouvoirs d’autorité et de contrainte comme l’État et des institutions supranationales.

Comment décrire cette violente secousse causée par ce virus sans interroger le sens de la nation et celui de la puissance publique.

On a peut-être eu tort de considérer caduque l’idée de nation, de s’indigner parfois face à ceux qui parlent de frontières et de protection nationale. Pour peu qu’on tende l’oreille, on entend battre le cœur des nations réinventées par ces temps où la santé publique est menacée et la production au ralenti.

Convenons-en, tous les mots au relent nationaliste portent en eux la peur, du moins le rejet d’un monde mondialisé et uniformisé.

Ce « petit machin »arrive dans un contexte politique international marqué, déjà, par l’offensive politique remarquable des idées et des mouvements nationalistes. Trump a bâti sa stratégie politique sur son « America First» et ça a l’air de fonctionner.

Matteo Salvini revendiquait son nationalisme décomplexé et grâce à cela il exerça, bien que brièvement, les fonctions de ministre de l’Intérieur aussi puissant que le président du Conseil.

Partout en Europe, les partis nationalistes mobilisent et comptabilisent, élection après élection, des votes d’adhésion.

Partout en Afrique, les enjeux de sécurité réactivent la fibre nationaliste. C’est un fait.Le coronavirus a, bien sûr, marqué une pause dans le temps politique dans tous les pays sur tous les continents et mis en sourdine les ambitions politiques des uns et des autres. C’est aussi un autre fait.

L’urgence sanitaire impose un temps d’arrêt au cours duquel se révèle la vulnérabilité de notre modèle de développement.

Toutes les certitudes deviennent incertitudes. Si bien qu’on commence à douter de tout, y compris des évidences. Pour être clair, la nation ne peut exister dans une conjoncture ordinaire et banale. Le relief, c’est le propre de la nation.  L’expérience politique et l’histoire de l’humanité le démontrent. La nation ne peut s’accommoder longtemps d’une normalité sociale ou politique.

Elle est irriguée par des tensions et des crises fortes comme celle que nous traversons actuellement et qui exige, d’une part, la solidarité et, d’autre part, la protection publique.

Solidarité d’abord parce qu’il en va de la survie de chacun, individuellement, et de tous, collectivement. Ensuite protection publique parce que la force d’un État normalement constitué se mesure à sa capacité à apporter des garanties pour préserver en temps de crise son système social et sanitaire pré-crise et même faire de ce contexte exceptionnel une opportunité de consolidation ou de transformation de ce système.

Stratégies de riposte et de sortie de crise

Aujourd’hui la riposte s’organise, principalement à l’échelle nationale en Europe et dans d’autres régions du monde, à travers

la fermeture des frontières terrestres et de l’espace aérien mais également dans la mise en œuvre de mesures de confinement total ou partiel des populations. Cette stratégie de lutte contre le coronavirus ne se déploie pas sans risques.  Une partie des puissances occidentales sont entrées, déjà, dans une période de récession, à cause de l’effondrement de leurs systèmes économiques.

La France a par exemple provoqué sa propre récession en décidant de l’arrêt d’une partie de son économie, de la prise en charge de mesures d’accompagnement des salariés en chômage partiel et du report des cotisations sociales pour les entreprises fermées. Autant de décisions qui démontrent, si besoin en était, la présence de l’État et sa capacité à répondre à la crise. Il faut cependant plusieurs années pour que les puissances occidentales, sévèrement touchées par la pandémie et qui ont affecté des lignes budgétaires à la lutte contre le virus, retrouvent l’équilibre des comptes publics et la maîtrise des dépenses liées à la santé, au financement du chômage ainsi qu’à la relance de leur économie.

Qu’en est-il des pays africains dont les États sont, d’une manière générale, structurellement défaillants dans nombre de domaines ? Il est difficile à ce stade d’avoir une idée claire sur les conséquences sociales et économiques de cette crise sanitaire en Afrique. Mais on sait qu’en temps ordinaire, l’État en Afrique peine à exister pour des raisons historiquement liées à sa construction, à la superficialité de ses structures administratives et à son incapacité à assurer aux populations des conditions de vie normales. Toutefois on ne peut se fonder uniquement sur cette donnée objective pour tirer des conclusions hâtives selon lesquelles les impacts du coronavirus sur le continent seraient particulièrement déstructurant sur le plan notamment économique.

Lire aussi: Lutte contre le coronavirus : une affaire de tous

On observe par ailleurs une volonté de mobilisation des pouvoirs publics et d’assistance aux populations les plus vulnérables dans des pays comme la Mauritanie, le Burundi. Mais sur les plans économique et social, les réponses ne peuvent pas être identiques pour la simple et bonne raison qu’en Afrique le secteur informel emploie les deux tiers des actifs et que paradoxalement l’économie réalisée dans ce secteur est plus solidaire.

Or l’État africain, ayant déjà fort à faire avec ses fonctionnaires, intégrera difficilement le secteur informel dans ses nouvelles stratégies d’atténuation des effets négatifs du coronavirus. D’autant plus que les circonstances actuelles augmentent la pression sur cet État qui ne peut s’offrir le luxe d’attendre l’aide de ses partenaires occidentaux pour agir.

En tout état de cause, les scénarios de sortie de crise ou le monde d’après sont nombreux. Une seule certitude aujourd’hui, tous les pays sont exposés à cette menace d’une gravité exceptionnelle.

Dr Abdoulaye Wane

Enseignant chercheur en France

layesen@gmail.com

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