Editorial : Présidentielle de juin 2024 : On n’est pas encore sorti de l’auberge !

A 2 mois du scrutin du 29 juin qui sera couronné par l’élection d’un nouveau président de la République, les dés sont jetés. Et au vu des candidatures en présence, on estime que les carottes sont déjà cuites, car le président Ghazouani, candidat à sa propre succession a toutes les chances de l’emporter.

Mais, paradoxalement, ce n’est ni grâce à son bilan qui laisse beaucoup à désirer, sur le plan économique notamment, ni à sa popularité qui est au plus bas comme l’a montré sa dernière visite à Nouadhibou où ses partisans s’étaient vus obligés de convoyer des centaines voire des milliers de personnes pour l’accueillir, une manière de cacher le vide crée par le boycott des populations de la capitale économique, qui ont encore du mal à accéder aux services de base les plus élémentaires, telles que l’eau et l’électricité, pour ne citer que les plus basiques.

Et à l’occasion de la réunion des cadres organisée à l’occasion de cette visite, le président Ghazouani a fait une déclaration qui a été très mal reçue par l’opinion.

En effet, en affirmant qu’il regrette que les populations de Nouadhibou soient encore confrontées aux problèmes d’eau et d’électricité, le président s’auto-accuse lui-même car étant le principal responsable de cette situation.

Il est comptable du fiasco de son gouvernement qui apparemment n’a pas rempli ses engagements envers les populations de Nouadhibou qui ont souffert le martyre à cause du manque d’eau et d’électricité.

Ghazouani qui a annoncé sa candidature en catimini, sans tambour ni trompette, n’a même pas jugé nécessaire de faire une déclaration solennelle comme cela était prévue, à en croire des informations distillées par son entourage. On avait parlé d’une déclaration à l’occasion d’un rassemblement populaire dans l’une des villes de l’intérieur du pays.

Mais c’est finalement par l’entremise d’une simple missive qu’il a annoncé sa candidature avec à la clé une esquisse de programme électoral dont le discours sera essentiellement basé sur les thèmes de la jeunesse et de la lutte contre la gabegie, deux questions qui furent inscrites dans son programme précédent, le fameux « Taahoudati », mais qui n’ont pas fait long feu.

En effet durant le mandat écoulé, la mauvaise gouvernance avait droit de cité et le paradoxe c’est que le président Ghazouani a gouverné essentiellement avec les hommes de l’ex président Aziz dont la plupart étaient compromis dans la mauvaise gestion du pays.

Aucune rupture avec l’ancien régime officiellement accusé d’avoir pillé le pays et plus grave encore, après la publication des rapports compromettants de la Cour des Comptes, des responsables incriminés et accusés de détournements de fonds publics ont été promus à des postes souvent juteux.

C’est à se demander de quelle lutte contre la gabégie le candidat-président va encore nous parler.

Concernant la jeunesse, la situation est encore plus alarmante avec la grave hémorragie provoquée par le départ massif des jeunes mauritaniens vers l’étranger. Ainsi, rien que pour les Etats-Unis, quinze mille migrants mauritaniens sont entrés irrégulièrement entre 2023 et 2024.

Ces jeunes dont des diplômés abandonnés à leur triste sort car n’ayant pas de bras longs pour obtenir un travail et même des fonctionnaires tirant le diable par la queue et fuyant une situation devenue intenable, ont quitté le pays contraints du fait d’un manque cruel d’opportunités.

L’on est de ce fait curieux de savoir ce que le candidat va proposer dans un contexte marqué par l’absence quasi-totale d’une politique appropriée d’insertion des jeunes dans la vie active.

De quelles recettes dispose-t-il dans son escarcelle ? L’avenir nous le dira.

Et pour revenir aux promesses du mandat en cours et aux programmes faramineux qui ont fini en queue de poisson, il convient de rappeler le Programme Prioritaire Elargi du Président lancé en 2020, avec un coût évalué à 24,1 milliards MRU.

Tout le monde a encore en mémoire le Plan National Multisectoriel de Riposte à la COVID 19 doté d’une contribution de l’Etat à hauteur de 2,5 milliards MRU.

Et à la fin du mois de juin 2020, l’ouverture du fonds à la participation des acteurs nationaux et partenaires a permis à la contribution globale d’atteindre 4,3 milliards MRU.

Où est passé tout cet argent ? Tout le monde se pose encore cette question.

Aujourd’hui la situation économique est de plus en plus intenable. Les ménages ont du mal à joindre les deux bouts. Les produits de première nécessité ont flambé.

Des produits locaux aussi essentiels que la viande et le poisson coûtent excessivement chers. Quant aux produits importés, certains ont connu une augmentation de 100 voire même 200% comme les pommes de terre et les oignons qu’on aurait pu cultiver sur place et assurer une autossuffisance si le ministère de l’agriculture avait fait quelque chose dans ce sens.

Un autre produit essentiel comme le ciment connait actuellement une flambée injustifiée et sans précédent, sous les yeux de l’Etat qui laisse faire.

Malgré tout, le candidat qui est le chef d’orchestre de tous ces échecs devrait être reconduit sans beaucoup de difficultés du fait de l’inexistence d’une opposition organisée, unie et proposant une alternative meilleure.

Toujours est-il que le futur président qui sera élu devrait s’employer à rectifier le tir en remettant le pays sur les rails.

L’accent devrait être mis sur les secteurs clés comme l’éducation mais aussi sur le secteur du développement rural car, en Mauritanie, les revenus de plus de la moitié de la population dépendent des ressources naturelles.

Le secteur de l’élevage est l’un des principaux piliers de l’économie, contribuant à près de 12% du produit intérieur brut (PIB), représentant près de 85% de la valeur ajoutée du secteur rural, et occupant environ 10% de la population active. Il joue un rôle majeur dans la lutte contre la pauvreté, et constitue la première source de revenus dans le milieu rural et un capital d’épargne pour les ménages.

Aussi, ce secteur joue également un rôle social très important dans la réduction de la pauvreté et la sécurité alimentaire en Mauritanie, d’où la nécessité de mettre en œuvre les promesses de la foire de l’élevage à Timbedra supervisée en Mars 2021 par le président Ghazouani, des promesses dont la majorité dorment toujours dans les tiroirs.

Malheureusement, en Mauritanie l’absence d’une société civile sérieuse et d’une presse professionnelle et libre constituent une aubaine pour les gouvernants qui n’ont de comptes à rendre à personne et agissent comme bon leur semble.

Les groupes d’intérêts économiques et tribaux formés autour de pontes du régime s’accaparent de tous les marchés et tiennent la haute administration en coupe réglée détenant ainsi les cordons de la bourse et ayant la haute main sur toutes les nominations aux postes civils et militaires.

Ainsi avec la reconduction du président Ghazouani, les ténors du système misent sur un second mandat, afin de poursuivre leur entreprise de sape des structures conventionnelles de l’Etat qui mène le pays directement vers le chaos.

Ce n’est donc pas un hasard si tout ce que la République compte de privilégiés, des hommes d’affaires qui sont les seuls à trouver leurs compte et à tirer leur épingle du jeu, sont sortis en masse vendredi lors d’une manifestation de soutien à la candidature de leur supposé protecteur, une curiosité mauritanienne qu’on ne verra nulle part ailleurs.

Mais dans ce pays où jouer au laudateur et jeter des fleurs sont les principaux critères pour bénéficier du moindre avantage, fut-il un droit, on s’en accommode plutôt bien.

Bakari Gueye

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