Point de Mire : La dette extérieure de la Mauritanie/Quand les difficultés ont été héritées.

Dans son édition du 6 juin 20021, notre confrère Chérif Kane place la barre d’alerte très haut : « Les observateurs craignent  une cessation de paiement de notre pays en 2022 »  Il prend pour jauge, l’aveu franc mais très  amer de Mr Kane Ousmane le puissant ministre des affaires économiques.  Donc,  situation extrêmement  difficile que nous vivons, héritée d’une gestion  financière catastrophique qui a mis tout au long d’une décennie,  les socles du réajustement structurel et les plans du  redressement économique en piteux état.

Nous sommes peu nombreux à le comprendre,  le régime actuel se bat sans relâche et d’ailleurs cela depuis deux ans maintenant  pour maintenir  la survie d’un pays laissé par l’ancien régime  en  « difficultés respiratoires financières et économiques aigues ».

Si le président Ghazouani en se rendant à Paris  partait  favori et optimiste pour  la recherche  de l’annulation de notre dette extérieure estimée aujourd’hui à 5 milliards de dollars, ce n’est pas de sa faute d’être revenu bredouille. La dette extérieure de la Mauritanie, (un cumul d’arriérés impayés), dont la majeure partie résulte de l’instauration  d’un système de gabegie  inimaginable  conséquence de  détournement des deniers publics, du  pillage des ressources naturelles et extractives, et la mise en place d’investissements à perte ou sans intérêts économiques, est  devenue pour notre pays  une véritable épine au pied.

C’est l’empreinte laissée par  une gestion dont le premier responsable, l’ancien chef de l’état était peu regardant sur l’intérêt du pays. Le président Ould Ghazouani, Ould Bilal son premier ministre technocrate  et Kane Ousmane leur stratège économique,  vont malheureusement,  avaler « solidairement » cette pilule amère qui résulte de la tentative de l’effacement de la dette vouée à l’échec.  La Mauritanie fait face au mur comme l’a si bien dit notre confrère Cherif Kane.

Si depuis aout 2019, date de la passation de pouvoir biaisée par des coups bas laissés en héritage, la Mauritanie respire encore et s’efforce à reprendre  petit à petit conscience, économiquement  et financièrement,   c’est bien grâce à la politique engagée par le nouveau régime pour  restituer  à l’état mauritanien sa  morale dans la gestion de ses faibles ressources.

Le message de Paris était  clair. Les bailleurs de fonds ne peuvent pas et ne veulent pas continuer d’annuler des dettes pour libérer l’espace à d’autres dettes  entrainées par les détournements, le pillage des ressources par des dirigeants africains au profit des cercles fermés de leurs entourages.

Notre pays fait face à une situation extrêmement difficile héritée d’un système de  sabotage délibéré  qui a étendu ses tentacules sur l’économie et les finances.  Cette situation requiert de chacun de nous  de prendre  conscience de la réalité du pays qui est  empêtré  dans  les désastres d’un  passif qui pose de nombreux obstacles à la réalisation  du programme du gouvernement actuel.

Commentant l’article de notre confrère Kane Cherif, paru dans l’édition du site électronique CRIDEM du 2 juin 2021, un commentateur  sous un pseudo « sahélien » dit « que le feu s’est déjà déclenché dans la demeure ». Il rappelle simplement que depuis des mois certaines banques commerciales internationales ont mis la Mauritanie au banc des pays auxquels l’accès aux devises fortes est restreint. Le « sahélien » affirme dans son commentaire  que la Banque Centrale de Mauritanie joue à la politique de l’Autriche et cache la réalité d’un désastre aux plus hautes autorités du pays. Mais conclut t’il, ce n’est un secret pour personne que  la banqueroute a frappé à notre porte. Il donne pour preuve que trois banques secondaires du pays sont au bord du gouffre. C’est peut être vrai. Mais il y’a des vérités qui ne sont pas bonnes à dire.

Quelqu’un qui était très proche de l’ancien chef de l’état dont la parole n’a été libérée qu’à la fin de la décennie de dictature de l’ancien régime,  affirme que l’ancien président était bien conscient des  difficultés dans laquelle il laissait le pays aux mains de son successeur. Cet état de fait constituait  un aveu de sa culpabilité de dans le « sabotage délibéré » mis en place de bout en bout au cours de ses deux mandats successifs.

Les bailleurs de fonds qui estiment pourtant que le nouveau président mauritanien pose les contours de la garantie d’une  gestion transparente des deniers publics et des ressources du pays, ont fermé la porte devant sa médiation. Ce n’est pas par mépris pour la Mauritanie mais, plus pour donner une leçon à certains  pays du Sahel qui recyclent sans cesse  l’annulation des dettes de leurs pays, mais qui, par ailleurs  ne font aucun effort pour mettre fin aux  détournements et aux mauvaises gestions de leurs propres ressources.

La Banque mondiale, dans son Global Economic Prospects de juin 2019, s’inquiétait de l’accumulation de la dette publique africaine. Elle la considérait comme problématique, en termes de soutenabilité comme de transparence des conditions d’endettement. De 2010 à 2018, la moyenne de l’endettement est  passée de 40 % à 59 % du PIB. Le ratio de la dette publique par rapport au PIB a donc plus que doublé dans plus d’un quart des pays de l’Afrique subsaharienne au cours des dernières années. La dette africaine reste élevée, malgré les annulations du Club de Paris à la fin des années 1980, l’Initiative en faveur des pays très endettés (PPTE) de 1996, ou encore l’allégement des dettes multilatérales (IADM) en 2005.

Emmanuel Macron  à l’occasion à la toute dernière conférence internationale destinée à alléger la dette de ce pays, en présence d’une quinzaine de dirigeants d’États africains, européens et du Golfe, ainsi que d’organisations internationales avait salué la révolution au Soudan. Il s’était dit favorable à l’annulation de la dette du Soudan pour aider ce pays à poursuivre sa transition démocratique et à sortir de la crise économique.

On peut s’interroger si ce choix ciblé n’est pas l’envoi d’un message « d’avertissement » pour souligner le ras-le-bol de la France face à des pays sahéliens peu coopératifs pour rembourser leur dette ?

Tout porte à croire maintenant que l’espoir d’une annulation de la dette mauritanienne totale ou partielle est mince. La solution la plus réaliste pour notre pays est celle qui conseille de serrer la ceinture pour se  lancer dans la bataille. Cette  bataille commence maintenant et ici. Les guerres intestines, les plongées sous marines politiques politiciennes, et les  critiques injustifiées doivent laisser place à un prise en conscience des difficultés réelles que vit notre pays et exiger de chacun de nous de se solidariser avec un régime ralenti dans ses efforts  par dix années de mauvaise gestion..

Le climat est favorable à un optimisme. Mais l’optimisme à lui seul ne suffit pas. Cet optimisme  a besoin d’un climat apaisé et d’une solidarité nationale pour  essayer de donner au pays une raison d’espérer afin d’amortir le choc sismique d’une décennie qui a fait des dégâts énormes sur l’économie, sur les finances et sur l’administration publique.

La Mauritanie est malade. Si nous acceptons de partir de ce constat, le traitement suivra.

Mohamed Chighali

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