Les yeux des mauritaniens sont rivés vers le Palais Présidentiel et chacun retient son souffle avant la démission du gouvernement et l’annonce du nom du Premier ministre et de son équipe qui seront chargés de mener à bon port le bateau jusqu’à la prochaine élection présidentielle prévue dans un an.
Ce énième gouvernement intervient dans un contexte difficile et crucial à la fois.
Les élections générales remportées par le parti « présidentiel » mais vivement contestées par l’opposition ont révélé au grand jour les dissensions internes et la lutte sans merci de positionnement que se livrent les différents lobbies au sein du pouvoir.
Les désaveux observés à Kiffa, Guérou, Bir Moghrein, Timbedra, Adel Bagrou et ailleurs devraient peser sur le futur attelage gouvernemental.
A l’Est notamment dans le Hodh Charghi où le mécontentement était perceptible, il n’est pas exclu que, vu l’importance électorale stratégique de la zone, le président décide de nommer un premier ministre issu de cette région pour sauver les meubles et éviter de mauvaises surprises à la prochaine élection présidentielle.
Mais toujours est-il qu’il convient pour le président de la République d’éviter de tomber dans le piège des calculs électoralistes et de prendre en compte les grands défis économiques et sociaux auxquels fait face le pays.
En effet, la demande sociale est pressante et il convient de faire quelque chose de palpable en servant aux populations autre chose que les chiffres astronomiques et autres projets mirobolants dont on ne sent pas l’impact.
L’accès aux services sociaux de base demeure une priorité car malgré les milliards injectés une bonne partie des populations de la capitale peine encore à accéder à l’eau potable et pour l’électricité les délestages continuent.
A l’intérieur du pays ce n’est pas non plus le grand bonheur.
Autre problème préoccupant, l’emploi des jeunes. Sur ce dossier l’hémorragie que représente l’émigration de milliers de jeunes vers les Etats Unis et d’autres horizons, en dit long sur la démission des responsables de ce secteur.
Là aussi les projets ne manquent pas :stagi,mihneti et pleins d’autres machins en « i » pullulent mais pas de résultats probants à la fin.
Où sont les 6000 jeunes que les fédérations de l’Union nationale du patronat mauritanien (UNPM) avaient promis d’insérer en décembre 2019 ?
Le partenariat avec le secteur privé avec son fameux comité chargé du contrôle de l’exécution des conventions est resté lettre morte comme toutes les stratégies et autres plans d’action initiés juste pour pomper les ressources du contribuable et amuser la galerie.
Cette démission et la fuite de bras et de cerveaux qui s’en sont suivie devrait interpeller les plus hautes autorités du pays qui doivent déployer de gros moyens en faveur de la jeunesse et commencer d’abord par dépolitiser le département-et c’est valable pour les autres secteurs-et mettre à sa tête l’homme qu’il faut.
Dans le domaine des infrastructures, on a assisté ces dernières années à de graves dépassements avec des projets toujours mal ficelés et des travaux qui traînent en longueur comme ce fut le cas pour le tronçon Nouakchott-Boutilimit ; un laisser-aller qui s’est traduit par un coût humain élevé du fait de la fréquence des accidents dus aux déviations fantaisistes et au mauvais état de la route.
Les ponts des carrefours Bamako et Haye Saken financés à coups de millions de dollars restent à l’état de projet. Le second a été l’objet d’une opération de sabotage et d’escroquerie sans précédent dans les annales de notre histoire.
La question de la bonne gouvernance demeure entière. Elle demeure la priorité des priorités vu le processus inquiétant de dilapidation des deniers publics.
Le Parlement, la Cour des Comptes, l’Inspection Générale d’Etat (IGE), le Contrôle Financier, l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP), la Commission Nationale de Contrôle des Marchés Publics (CNCMP), l’Inspection Générale des Finances (IGF),la Direction de la Tutelle des entreprises publiques, la Direction de l’Audit et du contrôle Interne du Trésor, Les commissaires aux comptes , les organes de délibérations, les Comptables publics, les comités ministériel d’audit interne, les supérieurs hiérarchiques et Inspections départementales ; toute cette kyrielle d’institutions et de spécialistes gracieusement financés par l’argent du contribuable doivent jouer leur rôle et assurer la bonne gestion des ressources nationales.
Et à la veille de l’exploitation des ressources gazières qui viendront gonfler les revenus de l’Etat, il est urgent d’actionner tous les leviers de ce dispositif de contrôle.
Mais tout cela ne sera possible sans une volonté politique forte et une rupture définitive avec la routine habituelle qui consiste à nommer un gouvernement hétéroclite sur des bases subjectives et totalement en porte-à-faux avec la réalité et les exigences du moment.
On s’attend donc à ce que le président de la République nomme un gouvernement de combat, totalement différent de la pâle copie actuelle. En effet l’administration mauritanienne a cruellement besoin d’une cure de jouvence et d’une réelle modernisation qui la mettrait au diapason de l’évolution du monde.
Bakari Gueye