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L’Unité Nationale : Qu’est-ce que c’est ?

Mohamed Ould Abdel Aziz en meeting du 9 janvier 2019 a la place de l’ancien aéroport après la marche qu’il a conduite sur l’avenue Gamal Abdel Nasse (Photo source : http://www.tvpresse.info/)

Voilà une notion qui aujourd’hui se vend bien au marché des idées politiques. Elle est dans l’air du temps et sous-tend bien des engagements de ceux qui nous gouvernent. Mais « l’unité nationale » qu’est-ce que c’est ?

Dans l’entendement du commun des mortels, elle est la cohésion de l’ensemble des composantes humaines de la société. Elle est donc, par excellence, l’instrument primordial de l’action commune dans la Nation. S’unir sous une même bannière et choisir un destin commun.

Hélas ! Si l’on sait à quoi peut servir « l’unité nationale », facilement perceptible par le sens commun, on ne sait cependant pas comment la réaliser. Car justement, il n’en existe pas de définition.

Le sens commun « perçoit » l’intérêt de « l’unité nationale » mais ne peut dire ce que c’est. Il en est ainsi fondamentalement des politiciens. Ils emploient la notion « d’unité nationale », connaissant bien sa réceptivité par l’auditoire, mais ne s’accordent ni sur son identification, ni sur les moyens ou les instruments pour la réaliser. Et pour cause !

C’est une notion qui dans son édiction est simple mais dans sa réalisation complexe. Car composée des deux termes « unité » et « Nation », elle comporte en elle-même les germes de son insaisissabilité.

« Unité » : « Caractère de ce qui est un, unique, de ce qui est considéré comme formant un tout dont les diverses parties concourent à constituer un ensemble indivisible. Qualité de ce qui est homogène, non composite. »

« Nation » : communauté humaine ayant conscience d’être unie par une identité historique, culturelle, linguistique ou religieuse.

Où est l’erreur ? La voici : la « Nation » ne se définit pas sans son unité. Il n’y a pas de nation, là où il n ya pas d’unité !

Alors que signifie « l’unité nationale ? ». Rien ; si on accorde à cette notion la valeur d’un slogan politique. Tout ; si on lui donne le contenu socio-psychologique qui doit la sous-tendre.

En effet, la Nation se base sur une « prise de conscience » de son unité par ceux qui la composent. Ainsi, dire renforcer « l’unité nationale » est redondant. Dire renforcer « la Nation » c’est plus explicite.

Mais si l’on sacrifie à la notion « d’unité nationale », toute la question se résoudra à cette notion de « prise de conscience » que le politique se doit de véhiculer et d’asseoir. Mais la grande question est de savoir: une « prise de conscience » de quoi ? Et c’est là où le bât blesse.

La « Nation » ayant été définie comme une communauté humaine ayant conscience d’être unie par une identité historique, culturelle, linguistique ou religieuse.

Quelles identités fondent-elles alors cette Nation en Mauritanie ?

Est-ce une identité sociale avec son élément psychologique précité à savoir « la conviction d’un individu d’appartenir à un groupe social, reposant sur le sentiment d’une communauté géographique, linguistique, culturelle et entraînant certains comportements spécifiques. » ?

Cette « identité sociale » ne se vérifie pas en Mauritanie car la communauté linguistique principalement fait défaut. Et l’Etat n’a pas fondamentalement, depuis l’indépendance, œuvré au développement de l’enseignement des langues nationales et leur apprentissage par toute la communauté. Ce qui aurait permis de renforcer les relations sociales communautaires.

Est-ce une « identité historique », avec son élément affectif de mémoire partagée liant des générations de sacrifice et de combats ?

Cela ne semble pas être le cas. Puisque les communautés mauritaniennes maure et négro-africaine ne se définissent pas par un rattachement militant historiquement présent modelant un inconscient collectif de solidarité nationale. L’Etat mauritanien est d’histoire récente.

Est-ce une « identité économique », avec son lien d’interdépendance et d’échange inter communautaires à travers un tissu commercial et industriel intégré qui associe toutes les composantes communautaires à travers l’outil de production et le partage des ressources qui en résulte ?

Là encore on est loin de cette identité économique puisque l’économie ne sert pas de ciment et de lien d’interpénétration des communautés et depuis l’indépendance l’Etat n’a pas œuvré au développement de ce lien d’identification à une communauté économique. Pauvreté du tissu industriel et commercial, pillage des ressources au profit d’une minorité.

Comment alors prôner le renforcement d’une unité nationale si « l’identité » (sociale, linguistique, culturelle, économique..) qui est une condition fondamentale de sa définition, n’existe pas ou est faiblement ressentie ?

L’Etat mauritanien, depuis l’indépendance a failli dans sa mission de créer une identité nationale fondement de l’unité de la Nation. Et l’explication en est la suivante : au lieu de s’intéresser à l’homme et à sa condition, il s’est intéressé aux lois et à leur application.

En effet, jusque-là l’Etat mauritanien a bâti son approche de la « Nation », sur l’instrument juridique. La Constitution est la source de la Nation. Une nation qui est alors définie par rapport à la constitution. C’est une communauté ayant un territoire propre, organisée en Etat. C’est alors une personne juridique constituée d’un ensemble d’individus régis par une même Constitution.

Un positivisme national qui a réduit la nation à sa justification constitutionnelle. On est une Nation…par ordre de la Constitution.

Une « nation en papier » sur le papier.

Aujourd’hui, tout renforcement de cette « Nation juridique » se doit de passer par le renforcement de l’identité nationale, ciment véritable de la Nation et de l’appartenance à l’Etat qui la gère.

Pour cela, il convient de rapprocher les communautés à travers des liens linguistiques, culturels, économiques solides. En développant, l’enseignement des langues, en encourageant et en finançant les activités culturelles pluriethniques, en renforçant les relations commerciales et le partenariat inter-communautaires, en favorisant les rencontres de jeunesse à travers des œuvres nationales communes, en rehaussant le niveau de vie et en décloisonnant les communautés, les villes et les villages.

C’est à ce seul prix que les identités sociales, culturelles, linguistiques et économiques, éléments de définition de la Nation, se créeront et contribueront à renforcer « l’unité nationale ». Sans identité, il n’y a pas de Nation. Et on ne renforce que ce qui existe.

 

Pr. ELY Mustapha

Source : Essirage
Texte publié en 2011 sur le blog de l’auteur : 
http://haut-et-fort.blogspot.com/

 

 

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