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Editorial : Aziz prépare-t-il son retour sur scène ?

Aziz en liberté bien installé sur son lit en plein air à l’ombre de la Khaima dans une plaine verdoyante dans son bled en Inchiri ; il est entouré de quelques proches.

L’assistance semble absorbée par les airs grandiloquents d’un poète zélé qui rivalise d’imagination avec lui-même pour présenter le raïs sous le meilleur jour.

Les convives sont apparemment bien détendus au sein de ce « pique-nique » surréaliste.

Près d’une dizaine de véhicules 4X4 parmi lesquelles celle de l’ex président Aziz se distingue nettement par sa prestance sont garés tout autour des tentes dressés pour la circonstance.

Cette image plutôt inattendue de Aziz libre et humant l’air pur de son Inchiri natal a été tournée en boucle aujourd’hui sur les réseaux sociaux.

Avec la libération de l’homme fort de l’ex régime s’achemine-t-on vers un classement sans suite du fameux dossier de la décennie ?

On peut bien le penser à la lecture du contexte politique et de plusieurs autres signes qui ne trompent pas.

A en croire le téléphone arabe Aziz  va bénéficier incessamment de la levée du contrôle judiciaire et bénéficier de l’autorisation de voyager à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Il a d’ores et déjà reçu les clés de sa villa à Bénichaab.

Dans un communiqué laconique rendu publique le 7 septembre le parquet explique la lenteur de la transmission du dossier pour jugement devant la juridiction compétente par le nombre élevé de recours. On comprend par là que les questions les procédures pourraient encore prendre des années, aucune date buttoir n’ayant été fixée ; une façon bien politique de clore cette tonitruante affaire sans sons ni trompettes.

Et c’est finalement Aziz qui sort grand vainqueur de ce bras de fer politico-judiciaire au cours duquel notre justice aura accusé un sérieux coup. 

Et le procès du siècle tant attendu par l’opinion publique mauritanienne est en passe de se transformer en mirage, une éventualité qui avait été envisagée par les observateurs les plus avertis.

Et pourtant les « héros » de la décennie noire-plus de 300 au départ- avec à leur tête l’ex président Aziz étaient dans de mauvais draps après la publication le 27 juillet 2020 du rapport compromettant de la Commission d’enquête parlementaire. Ce rapport -qui a passé au crible les grands dossiers les plus en vue de la gabegie et des malversations à grande échelle de l’ancien régime-est d’autant plus crédible qu’il a bénéficié de toutes les expertises nécessaires, en allant de la Cour des Comptes aux grands cabinets juridiques et financiers de réputation mondiale, entre autres le groupement Taylor Wessing (aspects juridiques), /Matine (gestion technique et opérationnelle) /Gibraltar Advisor (aspects financiers)…

Les enquêtes qui se sont basées sur les auditions des principaux acteurs et sur l’analyse de centaines de documents administratifs, juridiques et comptables ont mis en évidence l’ampleur du pillage qui a mis l’économie mauritanienne à genoux.

Et vu l’ampleur des dégâts et du nombre de personnes impliquées dont des membres du gouvernement du régime du président Ghazouani et des cadres de la haute administration, on était en droit de s’attendre a du grabuge.

Toutes les institutions judiciaires et d’audit, de lutte contre la délinquance financière et économique étaient censés être en état d’alerte maximale.

L’espoir était immense au sein de la population qui espérait pour une fois voir les pilleurs des deniers publics répondre de leurs actes.

Les mauritaniens avaient besoin d’un procès exemplaire qui mettra fin aux détournements des deniers publics à grande échelle, à l’impunité et à la banqueroute de l’économie nationale.

Malheureusement, au train où vont les choses, le tintamarre provoqué par le rapport de la Commission d’Enquête Parlementaire (CEP) s’avère de plus en plus n’être qu’un feu follet.

Et d’ailleurs comment pouvait-il en être autrement au vu du caractère sélectif des accusés qui a faussé la donne dès le départ.

Aziz était certes le chef d’orchestre mais on concevait mal comment il allait accepter de jouer au bouc émissaire sachant que tous les piliers du régime étaient trempés jusqu’aux os.

Ainsi, comme on pouvait bien s’y attendre, les choses semblent évoluer vers un règlement à l’amiable du dossier et plusieurs signes ont montré que le pouvoir du président Ghazouani hésite à aller jusqu’au bout de la logique judiciaire qui, au vu des graves accusations de la CEP, ne pourrait qu’aboutir à un l’ouverture d’un procès risqué.

Ainsi il y a quelques mois on a noté cette curieuse audience accordée par le président Ghazouani à l’ex Dircab de Aziz et son farouche défenseur. Cette audience qui semble-t-il a scellé une paix des braves fut un déclic. En effet Ghazouani a également reçu l’un des hommes d’affaires cité dans le rapport de la CEP. Et les événements vont s’accélérer : un mini remaniement allait voir l’entrée au gouvernement en novembre 2020 d’un ex ministre de la justice qui est lui aussi dans le collimateur des enquêteurs et qui est placé sous contrôle judiciaire.

De ce fait, la nomination mercredi par décret présidentiel de Dia Moctar Malal comme Secrétaire Général du gouvernement a pris tout le monde de court et a eu l’effet d’une bombe.

Comment est-ce possible ? Cet ancien cacique du régime de Ould Abdel Aziz était toujours sous contrôle judiciaire depuis le mois d’Août 2020. Son passeport avait été confisqué et ses comptes gelés. Comment alors a-t-il pu échapper à la justice et catapulté du jour au lendemain au sommet de l’Etat ?

Les événements vont se suivre et se ressembler mettant jour après jour en évidence la volonté du pouvoir de se débarrasser de ce dossier encombrant.

Le dernier remaniement ministériel intervenu il y a quelques jours fut marqué par la disgrace du tout puissant Yahya Ould Ahmed El Waghef le tout puissant Ministre Secrétaire Général de la présidence de la République de la République et ennemi juré de Ould Abdel Aziz.

Aujourd’hui nous en sommes visiblement au dernier virage et le dossier de corruption n°001-2021 impliquant l’ex président Aziz et qui pèse des dizaines de milliards d’argent public volatilisé est en passe d’être enterré pour de bon.

Tant d’argent et d’énergie dépensé pour rien ; serait-on tenté de dire.

Et l’ex président dont les soutiens se font bruyamment entendre à travers les réseaux sociaux notamment sortirait grand vainqueur de cette comédie de mauvais goût. Il prépare son come-back triomphal au devant de la scène comme si de rien n’était.

Et comme toujours c’est le peuple mauritanien qui paie la note.

Bakari Gueye

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