Chronique des années Ould Abdel Aziz : III. Les relations financières avec l’Etranger à travers la  BALANCE COMMERCIALE  

Un déficit structurel  de la balance commerciale, malgré la flambée des produits miniers, a causé  une dépréciation de l’Ouguiya. En pourcentage du PIB, l’écart entre les exportations et les importations (ce qu’on appelle solde de la balance courante) a représenté jusqu’à -28, 3% en 2014. En 2013, il était à -22,2% du PIB.

*Dr Mohamed Ould Mohamed El Hacen

Ce déséquilibre, à priori  difficilement compréhensible dans un contexte marqué  par un boom minier, pour un pays qui exporte en grandes quantités  fer, or et cuivre, s’explique  par l’importance des  achats d’équipements des société minières et par les importations liées à la réalisation des investissements publics  auxquels il faut ajouter le rapatriement des bénéfices des sociétés étrangères.

Dans son rapport de Février 2018, la Banque mondiale révèle à ce sujet  d’incroyables vérités : entre 2007 et 2019, les importations de biens et de services des sociétés minières   ont représenté 90% des exportations de minerais. En termes de flux, ces importations représentent des sorties de devises qui contrebalancent presque entièrement les afflux créées par les exportations. De même, le rapatriement des bénéfices des sociétés étrangères et des sociétés pétrolières hors du pays exacerbe la situation. »

Cela exerce également de grandes pressions sur les réserves en devises de la Banque Centrale de Mauritanie.
Ainsi, et  comme vous le voyez, la Mauritanie n’a pas bénéficié  financièrement parlant, de  la hausse exceptionnellement forte des prix de ses minerais. Au contraire, son déficit a continué à se creuser et les autres secteurs de l’économie nationale ont, paradoxalement, participé au financement des sociétés étrangères. Je ne peux, en tant qu’expert et auditeur  financier,  que suspecter une majoration des prix déclarés  de ces importations qui dissimuleraient des transferts de devises occultes et illégaux!

On comprend, soit dit en passant, pourquoi le FMI nous apprend, dans l’un de ses  rapports, que la Mauritanie reste le pays qui aura le moins profité, durant cette période,  de ses ressources naturelles.

C’est,  de mon point de vue,  le point le plus « rouge » et le plus écœurant dans ce sinistre tableau (je préfère stigmatiser la couleur Rouge plutôt que la couleur noire à cause de la connotation raciste de cette métaphore,  en espérant que cette substitution fasse son chemin dans le monde comme notre « terme d’inclusivité »  que nous avons inventé et  introduit dans le langage politique, en lui donnant un sens tout  autre…Mais c’est là une tout  autre histoire… ).

Conséquences sur le cours de l’ouguiya

 Le retournement de conjoncture  est venu aggraver la situation, comme la goutte qui fait déborder le vase. Le choc négatif des termes de l’échange, en 2014/2015, résultant d’une baisse des prix des matières premières exportées qui fut aussi brutale que leur montée  durant les années  précédentes,  a, en effet, amplifié  les difficultés de financement, contraignant la Banque Centrale de Mauritanie à contracter, auprès de l’Arabie Saoudite, un prêt non concessionnel   de 300 millions de dollars, pour soutenir la balance des paiements et le cours de l’ouguiya.

Toutefois, à cause de  l’ampleur du déficit, l’ouguiya s’est dépréciée  de 7,4% en 2015 et le FMI considère qu’elle reste surévaluée de 14 à 21%.

Par rapport au dollar, l’ouguiya a glissé à la baisse au rythme de 9%, l’an.
Cette tendance baissière  a continué car entre, 2015 et 2017, elle s’est encore dépréciée de 4,1%.

 La dette publique mauritanienne: un Stock énorme et un grand fardeau sur le pays

L’endettement consécutif au financement des investissements  publics est devenu tellement excessif qu’il  apparente – une fois n’est pas coutume- la Mauritanie aux pays les plus développés du monde !!

Ses principales caractéristiques et évolutions

Les investissements réalisés, ces des dernières années, ont été trop importants  et ont engendré de graves déficits internes et externes, malgré les afflux financiers générés   par le boom minier, un  endettement excessif allant jusqu’à 99% du PIB dont 96% de dettes externes et en devises.
Paradoxalement, (décidément, c’est une décennie remplie  de paradoxes) durant cette période de vaches grasses, 2010/2014, la dette du pays  a augmenté  de 153%.

La Mauritanie, par son niveau d’endettement, est devenue le 32eme pays le plus endetté au monde et, sur les 32 pays, plus de la moitié sont des pays avancés.

Pire encore, elle est le 3ème pays africain le plus endetté devant le Zimbabwe qui occupe le 4ème rang.
Les dépenses de paiement de la dette ont augmenté de 10%, l’an.

Le service annuel de la dette (6% du PIB)  est  l’un des postes de dépenses budgétaires les plus importants. Le Service de la dette  est constitué par le montant du principal qui tombe à échéance chaque année plus  les intérêts échus.

Pour vous donner une idée, le montant remboursé chaque année,  par prélèvement sur nos réserves en devises et supporté par les contribuables  au titre du service de la dette, est quasiment équivalent à la masse salariale  versée  aux agents et personnels de l’Etat.

S’agissant de la nature et de la consistance de cette dette, on notera que 63% des sommes dues au titre  des conventions en cours au 31 décembre 2016 sont constituées par  des prêts générateurs de commissions et d’intérêts, contre 37 % sous forme de dons ou de  quasi- dons.
Pire que tout, certaines sources très informées  considèrent que le «Gouvernement a une nouvelle propension à contracter des prêts concessionnels et s’engage sur un endettement en devises qui excède les besoins et la capacité d’absorption de l’économie ?! ».

(A suivre)
*Dr Mohamed Ould Mohamed El Hacen est Professeur d’Economie à l’université et Consultant

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