l’édito de MFO: Le refus du futur est un déni du passé

“Il y a décidément toujours un doute dans les esprits! Je me conforme à la Constitution qui limite à deux les mandats présidentiels. Nous avons certes révisé la Constitution, mais nous n’avons jamais touché cet article. Et JE N’Y TOUCHERAI PAS.”

Ces mots plusieurs fois répétés ces dernières années par le Président de la République prennent aujourd’hui une ampleur extraordinaire. Comme si les acteurs politiques s’étaient bouché les oreilles pour ne pas les entendre. Comme si les observateurs et les leaders d’opinion n’avaient pas voulu les saisir.

Il y a quelques années, j’écrivais ici même que «2019, c’est déjà demain» pour interpeller les démocrates de ce pays, les acteurs politiques, ceux de la société civile et leur dire que 2019 est un tournant dans la vie du pays, un tournant qu’il va falloir préparer pour éviter les risques de dérive et le mettre à profit pour avancer.

Comme on sait le faire sous ces latitudes, les acteurs ont refusé le futur se contentant de trébucher incessamment dans un présent qui leur échappait à forcer de renoncer à vouloir changer le monde qui les entourait, à défaut de le remanier.

Le refus du futur est un déni du passé. Parce que le manque de perspective oblige à tourner en rond. Et c’est ce que notre classe politique nous oblige à faire depuis quelques années.

Quand le 3 août 2005, un heureux changement est intervenu de l’intérieur, proposant une véritable révolution dans les mœurs politiques, avec notamment la concertation inclusive et l’offre de neutralité exprimée par les autorités, les leaders ont été incapables d’imaginer un scénario à imposer, se contentant d’accompagner le processus, espérant arriver à le détourner pour «arriver à quelque chose». Quoi ? n’importe quoi. «Quelque chose» qui puisse réinventer le système de prédation qui a marqué la gouvernance jusque-là. C’est ce qui explique les déboires qui aboutirent au coup d’Etat du 6 août 2008 qui ne fut que la prolongation de celui du 2005. Les véritables auteurs du premier coup – celui de 2005 – refusant le retour aux affaires de ceux qu’ils ont chassés à ce moment-là.

Là aussi, et malgré les soubresauts immédiats, la classe politique allait se contenter de subir. Entre ceux qui ont applaudi «la rectification» et ceux qui s’y sont opposés avant de la «comprendre» et de l’accepter, la différence relève de la nuance. Chacune des parties entretenant le flou dans sa manière de voir et d’agir.

Ce sont les tergiversations et l’attentisme qui vont guider les pas de notre classe politique qui va finalement tout rater. Le «printemps arabe», les dialogues successifs, les élections et même les coups de pouce de la Providence comme l’épisode de la «balle de Tweyla»… aucun de ces moments majeurs ne pourra être mis à profit pour obliger à un équilibre des forces à même de garantir une relation autre que celle marquée par la haine et les ressentiments personnels.

Que reste-t-il aujourd’hui à faire ?

L’année 2018, nous ne le répéteront jamais assez, est une année politique par excellence. Elle doit nécessairement voir se dérouler des élections législatives, communales et régionales. C’est le lieu pour toutes les formations politiques de s’impliquer, de tenter de reprendre l’initiative en participant à la course politique, en occupant le terrain, en faisant entendre sa voix, en montrant sa voie…

Il y a besoin d’un discours nouveau. L’important aujourd’hui n’est pas de se positionner en fonction de la haine qu’on voue à Ould Abdel Aziz, mais par rapport au service qu’on peut – qu’on doit – rendre à ce pays, celui de préparer son avenir et de garantir ses chances dans un avenir meilleur.

Cela demande une attitude neuve. Celle qui prône la participation. Celle qui apaise les relations. Celle qui avance sur la voie d’une Mauritanie ouverte, prospère et progressiste.

Il n’y a pas besoin de dialogue pour aboutir à un processus acceptable. Il suffit pour les acteurs politiques de se corriger, de s’accepter, de briser les glaces qui les séparent…

L’Institution de l’Opposition démocratique aurait pu jouer ce rôle de facilitateur malgré l’hostilité qu’elle rencontre de la part du gouvernement qui lui refuse son statut et de l’opposition radicale qui ne la reconnait pas. Même elle se refuse à prendre l’initiative. C’est dire que c’est «un mal mauritanien» que cette logique qui impose les déchirements.

Déchirements au sein de la Majorité. Déchirements au sein de l’Opposition. Déchirements au sein de la société civile, au sein de la presse, au sein des structures religieuses, au sein des opérateurs économiques…

MFO (La Tribune)

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