Le Directeur de la Promotion des Filières de l’Élevage : « Avec 30 millions de têtes de bétail au total, la Mauritanie se retrouve avec 6 à 7 têtes par habitant »

Accompagné de El Habib Ould Abdel Aziz, Délégué Régional de l’Elevage au Hodh Charghi, le Dr Ahmed Salem Ould Arbi, Directeur de la Promotion des Filières de l’Élevage livre ici dans une interview exclusive avec le magazine mensuel Spécial Horizons, l’importance du potentiel d’élevage dans la région du Hodh Charghi et les grandes lignes de la politique suivi par le département afin de promouvoir et développer cette activité.

La Wilaya du Hodh Charghi est considérée comme le principal réservoir  de bétail du pays. Quel est le poids réel du secteur dans l’économie nationale ?

Selon les statistiques officielles du ministère de l’économie et des secteurs productifs, ce secteur représente 11% du PIB. C’est le 2ème employeur avec 18% de la force de travail. Et même si l’informel  est majoritaire, il est considéré comme une source de devises. Les grandes exportations sont destinées au Sénégal, à la Gambie, à l’Algérie et la Côte d’Ivoire.

Avec le Sénégal, l’opération « Tabaski » est organisée annuellement avec un accord de facilitation des exportations de moutons. Ainsi au cours de la dernière opération vers le Sénégal, le nombre de moutons recensés avait atteint 470.000 soit un chiffre d’affaires de 30 milliards MRO.

Par ailleurs, au niveau de l’abattoir de Dakar 80% des bêtes égorgées quotidiennement viennent de la Mauritanie, sans compter ce qui va vers les autres pays.

Ainsi, avec 30 millions de têtes au total, la Mauritanie se retrouve avec 6 à 7 têtes par habitant. Mais tout cela n’est pas exploité et il y a même des dangers sur le plan stratégique.

Avec la sécheresse et la grande pression sur les pâturages, le bétail migre vers l’extérieur 9 mois sur 12. Il s’agit là d’une migration de capital qui n’a pas d’impact positif sur le pays.

A cause de la rareté des pâturages et de la cherté des aliments pour le bétail les bénéfices économiques de l’élevage sont faibles ce qui explique que les gens abandonnent l’investissement.

Et quelle est la réaction des autorités pour changer la donne ?

Le gouvernement, le ministère de l’élevage est conscient de tous ces problèmes et s’emploie à leur apporter des solutions.

Il  y a des conceptions claires qui se sont dégagées  de l’exposition de Timbédra en mars 2021. Le discours prononcé par le président de la République à cette occasion a été marqué par l’annonce des politiques sectorielles pour développer l’élevage.

Il n’est pas facile cependant de changer l’héritage socioculturel. Le Plan d’Action Spécial du ministère de l’élevage d’Avril 2021 vise à traduire dans la réalité le discours du président de la République.

Le Hodh Charghi est un véritable réservoir. L’élevage constitue la principale ressource. C’est la première entrée centrée sur le bassin laitier. Il s’agit d’un pôle économique pour développer la Wilaya et le pays. Et pour ce faire il faut suivre plusieurs étapes. D’abord l’usine de lait qui est un projet stratégique. Il  y a eu des freins mais les leçons ont été tirées et les grands problèmes structurels ont été réglés. Aujourd’hui le plan de relance a été mis en œuvre. Ce projet est considéré comme une locomotive. Il convient d’assurer le marché en faisant une répartition horizontale (ente de lait assurant aux producteurs un revenu fixe et stable).

Est-ce qu’au niveau du secteur vous avez réfléchi à des solutions durables ?

Oui. D’abord il faut régler le problème de la cherté des aliments pour le bétail. C’est là la clé de la solution. Des projets sont en cours dans ce domaine. On préconise la mutualisation des efforts des éleveurs et à la vulgarisation des cultures fourragères afin que le bétail puisse rester sur place ce qui permettra de mettre fin à la migration du capital. Il faut créer une micro-économie régionale.

Pour les engagements de Timbédra ils concernent de grands projets comme la création d’une caisse de développement de la ressource, de 2 institutions, l’une pour le développement de la production animale et l’autre pour la formation des éleveurs et la gestion des pâturages. Il  a aussi les financements rendus disponibles par les banques.

La question qu’on se pose c’est comment traduire tous ces engagements dans la réalité ?

 Des mesures ont été prises pour concrétiser tout cela. Des décrets ont été promulgués. Par ailleurs il  y a 3 institutions dont le Fonds des ressources de l’élevage ainsi que des plans d’Actions. L’une de ces institutions travaille sur la gestion des couloirs de pâturages (forages de puits, énergie solaire…)

Concernant les prêts bancaires, il s’agit de prêts individuels et le dossier avance. Il  a eu au total 300 demandes de prêt au niveau des banques. Ces dossiers sont à l’étude.

On travaille aussi sur l’amélioration de l’insémination artificielle avec l’utilisation d’une nouvelle technologie d’amélioration des races. On a fait comprendre aux éleveurs  l’importance de cette technologie qu’ils se sont appropriés. Cependant il y a encore des freins car la migration n’est pas dans l’intérêt de ce type de race lié au système pastoral.

Nous avons procédé à une sensibilisation et à une campagne gratuite pour l’amélioration des races (100 à Bangou).

Suivant une nouvelle approche nous avons décidé d’avoir toujours un stock d’urgence en aliments de bétail (Un stock stratégique). C’est ainsi qu’en 2023 il a été programmé la construction de 6 silos pour aliments de bétail. Une institution spécialisée sera dédiée à cette mission d’achat des aliments pour bétail.

Un autre programme vise à développer les cultures fourragères considéré comme des cultures durables. Ce programme dont l’objectif est de maîtriser ce type de cultures a commencé en 2020 mais fait face à beaucoup de défis dont le manque d’eau.

Le ministère encourage également la culture goûte à goûte, une nouvelle technique qui nécessite la formation des éleveurs qui ne la maîtrisent pas encore.

Il  y a aussi  la mise sur pied d’un réseau de fermes modernes dont 1 à Timbedra. En 2023 deux fermes de ce type sont prévues au Hodh Charghi. Une autre est prévue au Brakna. C’est ce type de projets qui va révolutionner le secteur de l’élevage en Mauritanie. Les éleveurs doivent y investir.

Qu’en est-il du développement des filières dérivées de l’élevage ?

Sur ce plan il y a grand manque à gagner. Selon les statistiques 1.200.000 têtes de petits ruminants sont égorgés annuellement. En plus de 130 à 140.000 têtes de bovins et de camelins. Et on n’utilise que la viande. Tout le reste (peaux, cornes…) n’est pas mis en valeur. Actuellement il  a des programmes dans ce domaine mais le secteur privé doit s’impliquer et contribuer.

Pour la fabrication des peaux il y a 2 usines à Nouakchott mais elles sont confrontées à un manque de matières premières.

Aujourd’hui il y a des étrangers (maliens et autres) qui récupèrent les peaux.

L’Etat compte appuyer les bouchers et créer des magasins de stockage. Certains sont en construction. En 2022 trois magasins de ce type ont été construits.

Une nouvelle société, La Mauritanienne de productions animales va s’occuper de ce volet.

Propos recueillis à Néma Par Bakari Guèye

Source : Mensuel HORIZONS N°033/Avril 2023

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