4ème Forum des entreprises africaines 2021 : Energie et TIC au menu

Le Forum des entreprises africaines, organisé par la Commission économique pour l’Afrique (CEA) a été organisé ce lundi 08 février par vidéoconférence.

La rencontre de cette année est placée sous le thème « Financement innovant : Avancer vers les ODD ». Elle se tient en marge du 34ème sommet de l’Union Africaine, a été rehaussée par la présence du président kenyan Uhru Kenyatta qui a discuté à bâtons rompus avec les cadres du secteur privé et les jeunes leaders et innovateurs des TIC présents.

Les discussions ont porté sur l’accélération du rôle du secteur privé grâce à des financements innovants pour aller de l’avant vers la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).En guise d’introduction, Amadou Mahtar Ba, cofondateur et président exécutif d’All Africa Global Media Inc et l’un des deux modérateurs de la session a noté que ce forum des entreprises est devenu un forum de l’excellence et de discussion afin de trouver les solutions idoines pour relever les défis de transformation économique et de développement du continent.Mr Bâ a souligné que malgré la Covid, la CEA a tenu à organiser cette rencontre qui va aborder deux sujets cruciaux, deux panels, à savoir le développement technologique et la question de l’énergie.

Le mot de Vera Songwe

La rencontre a débuté avec un discours de bienvenue  du Dr. Vera Songwe, Sous-Secrétaire générale des Nations Unies et Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique (CEA). Elle a remercié d’emblée le président kenyan pour sa participation aux débats, sa deuxième participation après celle du premier forum qui dit-elle avait été marqué par les échanges entre Uru Kenyata et Macky Sall du Sénégal.La Secrétaire Exécutive de la CEA a mis en exergue dans son intervention les thèmes et défis qui attendent l’Afrique.Pour le Dr Songwé, la Covid ne doit pas constituer un frein ; il faut dit-elle regarder vers l’avant. Avec la Covid 20 millions de personnes entreront dans la précarité. Qu’en est-il en Afrique, se demanda-t-elle ? Pour elle l’espoir de l’Afrique réside dans la jeunesse, les énergies renouvelables et les TIC.Pour elle c’est toujours possible de réaliser les ODD. 2,4 milliards de dollars ont été investis dans les TIC. Le commerce électronique représente 5% sur le continent. Les niveaux de financement ont augmenté de 2016 à 2019. Et sur ce plan le Kenya fait figure de destination privilégiée. En 2020 près d’un milliard a été investi dans les équipements et l’Afrique demeure très innovante à en croire Mme Songwe.Ainsi il y a des Hubs dans plusieurs pays, plus de 300 en 3 ans. La Secrétaire Exécutive de la CEA a également souligné la nécessité de protéger les innovations africaines. La question de la propriété intellectuelle est fondamentale et c’est un chantier sur lequel on travaille a assuré Mme Songwe.Elle a également insisté sur la nécessité de la centralisation en vue de réduire les coûts et assurer la protection comme l’a fait l’Union Européenne. Pour elle on doit pouvoir sauvegarder les idées du continent et de souligner que le fossé entre genre est énorme. Et c’est dans ce cadre que la CEA a lancé le Fonds d’investissement des femmes entrepreneures car dit-elle si les femmes ont accès aux financements et à la technologie, elles iront très loin. Mais cela ne sera pas possible sans un accroissement de l’accès à l’énergie qui pourrait ouvrir de larges perspectives à l’instar de General Motors qui passera à la voiture électrique en 2025.En Afrique poursuit-elle les atouts ne manquent pas car dans le cadre de la ZLECAF on a beaucoup de ressources qu’on pourrait transformer en produits finis. L’Afrique n’a que 15% du marché mondial de Cobalt, elle peut et doit faire mieux car ce marché est en pleine expansion

Avant la présentation du président Kenyan Uhru Kenyatta, la modératrice Zain Verjee, ancienne présentatrice de CNN et correspondante du Département d’État, et PDG du groupe Zain Verjee, a affirmé que l’Afrique doit saisir l’occasion de la quatrième révolution industrielle (4IR) et l’oportunité de l’économie numérique. L’Afrique doit s’inspirer du modèle kenyan, le Kenya étant au premier rang dans ce domaine. En effet, l’utilisation de l’argent mobile permet d’appuyer une série de services.

Présentation de Uhuru Kenyatta

Le Kenya passe aujourd’hui pour être le champion africain des TIC. Quels sont les tenants et les aboutissants du miracle kenyan ?

Entamant sa présentation Kenyatta a dit que le thème des TIC  lui tient particulièrement à cœur. Pour lui les jeunes et les femmes peuvent transformer nos sociétés à l’aide des technologies numériques. Ces technologies nous permettent dit-il de brûler des étapes en faisant l’économie de certaines infrastructures physiques.

Ces technologies ajoute-t-il font partie de notre stratégie de riposte anti-Covid. Elles permettent aux entreprises de coopérer et de nouer des dialogues. Elles ont permis aux enfants de continuer leur scolarité. Mais pour Kenyatta, on doit combler la fracture numérique.

Le Kenya dit-il est une savane de Silicon. Nous sommes témoin de l’innovation numérique. Le potentiel est très grand pour développer nos économies. Nous avons un vivier de jeunes compétents ce qui nous a permis de mieux appliquer notre stratégie de développement. Nous avons créé un écosystème basé sur l’innovation. Cela a été possible grâce à l’accès à l’internet de qualité. Il y a eu la réalisation de près de 6000 lignes de réseau dans le 47 Comtés du Kenya. Au niveau du service public il y a eu une facilitation effective des services avec la création de plate-forme à l’échelle du pays (Accès au guichet unique, Passeports, enregistrement des sociétés, Etat civil, numérisation des services essentiels de l’Etat…)

Il y a aussi l’appui des entreprises électroniques.  La réussite de la plate-forme de payement mobile est remarquable (40% des entreprises). La plate-forme virtuelle assure 70% des taux de payement. En 2020, grâce aux transactions mobiles, le Kenya a transféré 47 Milliards de dollars par téléphones portables soit 130 Millions par jour.

Autre pilier de cette politique, le développement des valeurs numériques qui place le Kenya au centre des innovations tant au niveau africain qu’au niveau international.

Il y a aussi des initiatives pour encourager l’excellence comme le prix offert par le président de la République.

Pour le président kenyan il faut miser sur la technologie, sur l’éthique et les valeurs. Il faut encourager l’entrepreunariat basé sur l’innovation.Au Kenya on compte aujourd’hui 45 Hubs technologiques qui sont connus en Afrique et dans le monde.Il y a également plusieurs initiatives comme l’Initiative Smart Africa, un cartel qui comprend 30 pays.Il y a aussi le laboratoire du PNUD créé dans le cadre des ODD.Les grands groupes mondiaux comme Microsoft et IBM soutiennent un environnement favorable pour les Startup.Au Kenya +85% de la population ont accès à Internet et les startup contribuent à trouver des solutions au quotidien.Il y a aussi un système national d’adresses qui permet à des géants comme Uber de s’installer dans le pays.Il y a un système de SOS basé sur le téléphone portable. La démocratie numérique est aussi présente avec 30 Millions de kenyans sur Facebook et presque autant sur Twitter.La technologie financière connait aussi une victoire au Kenya grâce à des frais de connectivité abordables.Mais malgré tous ces succès beaucoup reste à faire selon le président kenyan.Selon Kenyatta pour que l’écosystème de l’innovation réussisse, il faut appuyer l’environnement réglementaire qui doit être favorable. Il faut aussi inviter un grand nombre d’acteurs technologiques. Du chemin reste donc à faire.Dans le cadre de la stratégie économique et de l’accord sur la ZLECAF il convient de mettre sur pied un marché intégré et dynamique des plate-formes numériques.Le président kenyan a invité le secteur privé à investir dans le secteur des TIC au Kenya et en Afrique.

Réponses du président aux jeunes entrepreneurs et aux représentants du secteur privé

Après une présentation exhaustive sur le modèle kenyan dans le domaine des TIC, le président kenyan a pris tout son temps pour répondre au groupe de jeunes entrepreneurs africains trillés sur le volet.

Les questions ont été posées respectivement par Crescence Elodie Nonga (Cameroun), Dominique Salvio Wambugu (Kenya), Awa Kaba (Sénégal) et Boubakar Diallo (Guinée). Elles ont porté sur la place de la femme dans les programmes de développement, la promotion de l’innovation au Kenya, et sur la stratégie à mettre en œuvre pour booster cette évolution.

En réponse à toutes ces questions, le président Kenyatta a affirmé que les femmes constituent plus de 50% de la population africaine et qu’elles sont incontournables. Leur rôle pourrait être plus décisif même que celui des hommes. Donc pour lui l’idée de fond c’est de reconnaître l’importance des femmes qui doivent être au centre des programmes de développement. Et pour lui la parité est une réalité au Kenya.30% de tout achat gouvernemental est orienté vers la promotion des femmes.

Concernant la stratégie africaine commune, le président Kenyatta dit que la ZLECAF est le plus grand acquis qui illustre la volonté partagée de travailler ensemble et d’échanger de la façon la plus directe possible. Mais il y a encore beaucoup de pain sur la planche reconnait-il.

Interpellant le président Kenyan, Alexandre Coster qui a travaillé pendant les 15 dernières années en Afrique, les opportunités sont nombreuses mais les entrepreneurs doivent se mettre ensemble. Il a lancé un appel aux entreprises africaines qui doivent trouver un pont entre tous les pays d’Afrique.

Pour le professeur Bénédicte Oramah on doit connecter nos marchés aux chaines de valeurs mondiales. A cette proposition Kenyatta dit que son rôle pourrait être décisif. Il a donné l’exemple du corridor Nord en Afrique de l’Est où les appels téléphoniques entre Nairobi et Kigali qui coûtaient très cher se payent actuellement au prix d’un tarif local. C’est un progrès énorme. Il y a aussi l’absence de passeport et de visa entre voyageurs des deux pays. Pour lui on ne doit pas avoir peur les pays du continent doivent lever toutes les barrières pour dynamiser les échanges. Il y a beaucoup à gagner note-t-il.

Pour Alain Ebossié il faut associer le secteur privé dans le développement des TIC.

Cela est nécessaire concède Kenyatta car ça va permettre au secteur public de libérer du capital et d’investir dans les zones reculées.

Notons qu’au cours de la session « Financement innovant et énergie » on a souligné que l’énergie représente 40% des TIC donc sans l’énergie on ne peut pas parler de TIC. Et pourtant l’Afrique a d’énormes potentialités (eau, vent, soleil…) et elle aura juste besoin de 500 Milliards de dollars pour avoir une énergie propre.

Pour Verra Songwe il faut voir comment créer une chaine de valeur pour libérer les énergies. Elle préconise aussi la création d’un consortium des producteurs africains d’énergie.

L’Avis de quelques autres experts

Pour Antonio Pedro du Bureau Sous Régional de la CEA en Afrique Centrale, concernant le financement innovant afin de diversifier l’économie africaine, il faut noter affirme-t-il que la plupart de nos économies sont tributaires des matières premières et pour changer cela on aura besoin d’énergie.

En septembre prochain une rencontre de haut niveau est prévue pour fixer la stratégie africaine dans le domaine de l’énergie. Cette stratégie doit reposer sur les énergies renouvelables à compter de 2025. Aujourd’hui en effet on a vu comment les énergies renouvelables pourraient façonner l’économie mondiale ? La question sera de savoir où se situe l’Afrique par rapport à la transition énergétique ?

L’accès à l’énergie demeure très faible. Ainsi en 218 la production était de 245 Gigawatts soit le ¼ de la puissance de l’Union Européenne dont la population est inférieure de 40% à celle de l’Afrique. Cette énergie est très inégalement répartie. L’Afrique australe et l’Afrique du Nord ont la part du lion et la situation de certains pays est critique.

En 2063 l’énergie sera cruciale avec une croissance démographique forte : 2,5 Milliard d’habitants en 2050 soit plus que la Chine et l’Inde réunis.

Par ailleurs le cobalt ne sera peut-être plus stratégique à terme et il va falloir donner plus d’espace à l’entreprenariat des jeunes qui sera de nature à façonner le marché.

La mobilisation est nécessaire pour le financement de cette transition énergétique. Selon la BAD, il faut 230 à 240 Milliards à l’horizon 2025. Il faut de l’innovation et une politique intelligente pour attirer les investisseurs.

Il faudrait également penser à l’impact social et aux facteurs de bonne gouvernance.

La RDC produit 70% du Cobalt du monde entier et pourtant la RDC est à 3% au niveau de la chaine de valeur mondiale.

L’Afrique du Sud assure 80% de la production mondiale de manganèse et les Gabon fait partie des dix premiers producteurs mondiaux. Ainsi il y a une possibilité pour l’Afrique de créer une chaîne de valeur pour la production des batteries, ce qui permettra d’exploiter l’énergie solaire et produire 2000 Gigawatts.

La solution pour l’Afrique passera aussi par la mise en branle d’une politique industrielle permettant aux PME et aux Startup de s’intégrer aux chaines de valeur mondiales.

C’est aussi là l’avis de Bénédicte Oramah Président de AFREXIMBANK, sponsor officiel de ce forum. Pour lui la diversification de l’économie s’impose car aujourd’hui chaque pays africain est associé à un produit donné. C’est improductif et il faut sortir de ce schéma.

Et pour étayer sa thèse Bénédicte donne cet exemple édifiant : dans les années 1980, l’Afrique était meilleure que l’Asie au niveau des exportations mondiales ; en 2019, la part de l’Asie est de 20% alors que l’Afrique a régressé de 2,3%. L’Afrique a travaillé mais l’Asie a accéléré la cadence en diversifiant son économie.

L’AFREXIMBANK a pour objectif de promouvoir le commerce intra-africain. Actuellement  elle procède au montage d’une plate-forme monétaire pour les pays d’Afrique de l’Ouest.

Pour sa part Alain Emobissé, directeur d’Africa Fifty a noté que l’Afrique doit clarifier sa position sur la preservation de l’environnement à l’occasion de la Cop 26 actuellement en préparation à Glasgow.

Rappelons que Africa Fifty est une plate-forme d’investissement pour les infrastructures dans le domaine de l’énergie et des TIC.

Sur ce plan Bénédicte a parlé du projet solaire en Egypte, 400 MGW , l’un des plus importants au monde. Des projets similaires existent au Maroc et au Sénégal.

Pour Rolake Akinkagbé Filani, il faut encourager le contenu local en tenant compte de la nature concurrentielle au niveau mondial.

Pour sa part Linus Mafor soutient qu’il faut mobiliser le secteur privé africain pour assurer toutes ces transformations énergétiques. Cela a été dit-il possible dans le domaine des Télécoms et pourquoi pas dans le domaine de l’énergie ?

Mr Ayuk, Président de la Chambre Africaine de l’Energie a au cours de sa présentation de « Team Energy Africa » affirmé que l’énergie est le secteur de la renaissance qui va changer le paysage économique africain.

Le changement climatique nous concerne tous a-t-il martelé et nous devons relever les défis dans les secteurs du pétrole et du Gaz.

Clôturant cette riche journée d’échanges Dr. Vera Songwe, Sous-secrétaire générale des Nations Unies et Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique a assuré que l’avenir appartient à l’Afrique. Ce forum dit-elle est là pour mobiliser hommes et femmes d’affaires africains. Il faut exploiter l’opportunité que représente la ZLECAF et Songwe de conclure en un mot : « Passons à l’acte ».

Compte rendu Bakari Guèye

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