Les femmes Soninké et la Migration : une question de vie ou de mort !

La Mauritanie, pays d’à peine quatre millions d’habitants, situé entre le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest,  abrite quatre composante les maures (arabe) , les Soninké, les Wolofs et les peuls. C’est un pays  qui possède une forte tradition de mobilité interne et externe. Le mouvement régulier des  travailleurs saisonniers, la transhumance, le déplacement de riverains transfrontaliers, les migrants nationaux de retour, ainsi que la présence d’une diaspora importante  en Afrique, en Europe et dans une moindre mesure dans les pays du Golf ou aux Etats Unis.  Cette diversités culturelles et linguistiques que l’on retrouve chez les différentes composantes de la population mauritanienne  qui sont les  Soninké, les peuls, les Wolofs et les maures ( Bidan pour les blancs et Harratine pour les noirs ) a pour principal point commun, l’Islam, seule  religion  du pays.

Les migrations humaines occupent une place grandissante dans les débats de société, mais aussi dans la coopération internationale. Le phénomène de la migration est l’objet de controverses parfois vives, qui amène à s’interroger sur les fondements de tant de passions et de débats. La migration aussi et les medias est d’une actualité brulante dans le monde mais aussi en Mauritanie. Il faudrait donc que les journalistes apportent leurs compétences professionnelles et leurs qualités humaines pour entendre les voix et faire entendre les voix de ceux qui souffrent, de ceux qui s’arrachent  de leurs pays et qui migrent à la recherche d’un avenir meilleur.

Les quatre composantes de la Mauritanie, en plus d’avoir en commun la religion musulmane, partagent aussi une hiérarchisation inégalitaire basée sur un système de castes. On retrouve ainsi aussi bien chez les Maures que chez les Soninké, les Toucouleur ou les Wolofs des franges de la société dites nobles ou guerriers et d’autres plus ou moins marginalisées selon le contexte ou le rang social notamment les griots, les forgerons, les pécheurs, les cordonniers, les esclaves…

La migration concerne toute la population mauritanienne mais à des degrés différents. Ainsi la question de la migration est au centre des préoccupations des femmes mauritaniennes  en général mais aussi et surtout des femmes Soninké en particulier. Il est vrai que la communauté soninké est l’une des premières à migrer à l’extérieur du pays à la recherche du travail mais aussi elle représente une grande partie de la diaspora mauritanienne à travers le monde. Jadis les femmes soninkés n’avaient comme principale occupation que la gestion du foyer et la culture de lopins de terres familiales. L’accès à l’éducation était un difficile  pour les filles soninké mais aussi dans les autres communautés, car l’école était en général réservée aux garçons. En effet depuis leur jeune  âge, les filles sont éduquées par les mamans et les grands-mères, qui leur enseignent l’art de s’occuper du foyer, les préparent à la gestion de la famille et de la maternité. Dans un environnement strictement analphabète et loin de toute aspiration professionnelle pour une vie meilleure.  Le monde s’arrête pour  les femmes Soninkés juste à tenir correctement un foyer et à attendre le plus souvent le retour d’un mari qui s’est lancé dans une aventure au lendemain incertain en migrant vers l’étranger.  C’est ainsi qu’avec le fil du temps, les conditions de vie de plus en plus difficiles et le dépeuplement des campagnes et des villages,  les femmes soninkés sont confrontées aujourd’hui plus que jamais  aux dures réalités de la vie quotidienne. Elles evoluent dans une société très conservatrice, ou les femmes subissent encore les mutilations génitales féminines ( MGF) et la violence conjugale ou  familiale avec soumission et résignation.

Les principales activités de ces braves dames sont l’agriculture  traditionnelle, l’élevage, la teinture ou les petits commerces.  Cependant les conditions de vie ont été fortement bouleversées.  Les maris, les fils et les frères migrent  à la recherche de l’Eldorado qui représente pour un nombre considérable de ces émigrés et migrants la voie de la richesse. Pour certaines femmes qui n’ont pas eu la chance  de rejoindre leurs conjoints en Europe par regroupement familiale, les hommes partis sans revenir ou revenus sans le moindre sous après une forte désillusion et d’amers déceptions, voyant ce tableau atroce de la réalité, les femmes soninkés ont été victime d’une conscientisation forcée et accélérée pour remédier à ce grand défit aux quelles elles font face.

Pour celles qui ont fait des études, elles sont souvent très basiques , donc aucune opportunité de carrière à l’horizon , de promotion a des postes de décisions ou électif que très rarement à quelques exception prés ( 1 femme sur 50 a peut prés) .Avancement professionnel très limité sauf certains secteur , tel que l’enseignement, la santé ou le secteur informel , voir presque pas d’ambition politique ( pour toute l’histoire politique de la Mauritanie, une seule femme soninké ministre ou une conseillère à la présidence) .Mais face à l’exode rural, la sécheresse et au chômage, la dépopulation des villages de ses forces vives (hommes et jeunes). Les femmes restées seules avec les personnes âgées et les enfants, s’efforcent de subsister aux difficultés de la vie quotidienne.

C’est dans ce cadre que madame Tako Diabira , présidente d’une association féminine au Guidimakha a lancé un cri et tiré la sonnette d’alarme face aux innombrables problèmes que vivent les femmes aussi bien à l’étranger dans des foyers d’émigrés ou simplement au pays entrain d’attendre 10 ou 15 ans  un mari dont le retour reste incertain voir même avec un deuxième ou troisième foyer fondé à l’étranger  et en charge . « Selon madame Diabira, les femmes soninkés doivent se mobiliser afin de freiner ce déséquilibre socio-économique qu’elles sont entrain de subir » .  Pour Ma Assa Coulibaly, enseignante le vrai problème des femmes soninkés est du à leur manque d’éducation et de formation professionnelle qualifiante et adéquate. Même si  l’une d’elle à la chance de quitter son village natal pour l’Espagne, la France ou un autre pays, elle continuera de vivre comme d’habitude, gérer le foyer, surveiller les enfants et vivre marginalisée par les hommes car ses ambitions sont quasi inexistantes. Dans la culture soninké la femme épanouie est la mère de famille qui a le grenier bien rempli autrement dit le magasin bien garni de vivre, et qui est au soin du mari et des enfants.  Pour cette femme battante et soumise l’unique combat à mener est la gestion du foyer et la surveillance des enfants en bas âge.

Par ailleurs un autre phénomène est apparu  avec cette boulimie insatisfaite liée à la migration régulière mais aussi clandestine des jeunes. C’est le phénomène de la concurrence malsaine et intéressée au sein des familles, entre coépouses, voire même entre frères.   Le fait d’envoyer son enfant coute que coute et par n’importe quel moyen (crédit bancaire, endettement, maraboutage, sorcellerie, trafiquants, etc)  est aujourd’hui la malédiction la plus désastreuse qui frappe les femmes soninké .Pour envoyer l’enfant désigné ou l’heureux élu parmi ses frères comme seul espoir de la famille et source de vie meilleur , les femmes n’hésitent pas à vendre , maison, bétail,  bijoux, et même dignité parfois pour atteindre l’objectif final qui n’est autre que le départ  vers l’étranger en passant par les couloirs les plus meurtriers du monde qui sont , la méditerranée , le Sahara ou les transis Via la Lybie.  En cas d’échec le prétendant à la migration préfère mourir en mer que de revenir, vivre en clochard ou s’exposer à la traite  et aux  trafiquant de personnes que de rebrousser chemin, revenir vers les siens ou il sera traiter comme maudit, enfant raté ou la risée de la société et de la famille. Mais aussi et surtout la stigmatisation, en étant considéré comme le fils d’une mauvaise mère. Ce que personne ne souhaiterait  être la source de  médisances et de calomnies  en vers la femme qui lui adonné la vie et sacrifié tout ses biens pour un voyage raté.

Sur le plan national, il faudrait quand même noter des avancées considérables L’Etat mauritanien  a élaboré une stratégie de gestion de la  migration en partenariat avec l’Union Européenne, ainsi que la CEDEAO. Adoptée en 2010. La stratégie nationale de la gestion de la migration fait aujourd’hui l’objet d’une réactualisation de son plan d’action.  Les constats partagés ont mis en évidence la nécessité de développer une vision globale et inclusive de la gestion des migrations basées sur les droits des migrants ainsi que la promotion d’une réelle participation des acteurs de la société civile mauritanienne et de la diaspora au développement des territoires.

Mariya Traoré

 

 

 

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