Editorial : Le programme du président : une tempête dans un verre d’eau

L’arrivée au pouvoir du président Ghazwani suite à une élection contestée n’était pas pour rassurer les mauritaniens. Tout le monde a encore en mémoire le déploiement massif de l’armée dans les rues de certains quartiers chauds de la capitale, quelques heures seulement avant l’annonce des résultats. Et c’était à croire que cette élection truquée selon les différents candidats malheureux n’était qu’une énième révolution de palais comme toutes celles qui ont émaillé l’histoire politique du pays depuis le 10 juillet 1978.

En réalité c’est l’armée qui continue à gouverner le pays et la démocratie kaki imposée au gré des contingences de la géopolitique internationale n’est en réalité qu’un leurre. Ce n’est donc pas un hasard que ce sont des Généraux qui ont juste troqué le treillis contre le costume qui continuent encore à nous gouverner par un subtil jeu de passe-passe et nous n’y voyons que du feu.

Et chacun y va avec son style, tantôt avec le bâton, tantôt avec la carotte ou suivant une alchimie machiavélique qui fait recours aux deux. Mais le résultat est toujours le même : gouverner à sa guise, n’en faire qu’à sa tête, fouler aux pieds les institutions, favoriser une communauté sur toutes les autres, servir les proches, se remplir les poches, brader les ressources nationales, mettre l’économie en coupe réglée, s’entourer  d’une plèbe de panégyristes, affamer le peuple et faire de beaux discours pour amuser la galerie.

Voilà exactement dans quel contexte est arrivé le président Ghazwani qui est exactement fait dans le même moule que tous ses prédécesseurs (à l’exception de feu Sidi qui a été immédiatement destitué par l’armée lorsqu’il a voulu remettre en cause ce système inique).

L’on est ainsi amené à se demander par quel coup de baguette magique Ghazwani va oser brûler la politesse à ses compagnons d’armes qui sont en réalité les garants de son pouvoir et qui veillent au grain car il y va de leurs intérêts.

C’est là vous dire que le programme du président Ghazwani qui a suscité un grand espoir chez les mauritaniens épris de paix et de justice risque de n’être qu’une tempête dans un verre d’eau. Et rien de ce qu’il nous a encore montré ne nous garantit que Ghazwani sera meilleur que « le Président des Pauvres » qui a laissé de très mauvais souvenirs aux mauritaniens.

Il est vrai que dès son discours d’investiture le 1er Mars 2019, Ghazwani a séduit tout le monde avec son beau discours qui a séduit beaucoup de mauritaniens s’engageant à « traiter les dysfonctionnements » et à « combler les insuffisances quelles qu’elles soient ». Et ses priorités comportaient  « la multiplication des chances pour toutes les composantes de notre cher peuple », une allusion à une discrimination positive à mettre en place en faveur des Haratines, des Soninkés, des Halpoulars et des Wolofs.

La réforme de l’Éducation nationale avec l’instauration d’une école républicaine était également au centre de ce discours. Il y avait aussi la promesse de réaliser 100000 emplois soit 20000 par an. Tous ses points ont été insérés en bonne place dans le livret du fameux programme « Ta’ahoudati » (Mes engagements).

Près d’une année et demie après, tous ces engagements fondamentaux sont restés à l’état de vœux pieux.

Le mode de gouvernance est toujours le même ; les dysfonctionnements sont toujours là, à tous les niveaux ; les nominations se concentrent toujours sur le même groupe social et suivant les mêmes critères dénoncés par tous ; la mise en œuvre de l’école républicaine est toujours au point mort et on ne voit toujours rien à l’horizon. L’école mauritanienne a été frappée de plein fouet par la pandémie et le secteur privé qui assure la scolarisation de dizaines de milliers de jeunes, est dans l’agonie et attend toujours des aides promises par le gouvernement et qui tardent à venir.

D’un autre côté la gestion du dossier des malversations financières qui implique des centaines de personnes avec à leur tête l’ex président ne semble pas être à la hauteur de l’avis même de certains parlementaires qui sont à l’origine de la Commission d’Enquête. Et le retour en force dans le gouvernement de certains suspects met en doute la crédibilité de l’affaire en cours.

Par ailleurs malgré les miettes distribuées ça et là par l’agence Taazour, la plupart des mauritaniens sont dans la précarité et continuent à tirer le diable par la queue.

La pandémie du corona virus a certes un impact sur l’exécution du programme présidentiel mais cela constituerait un faux prétexte pour justifier le retard énorme enregistré dans l’application des engagements pris devant le peuple mauritanien.

Bakari Guèye

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