Editorial : Mauritanie : le goulot d’étranglement de la dette publique

A l’instar de la plupart des pays du Tiers-Monde, la Maurétanie fait face au rouleau compresseur de la dette publique qui est suspendue sur elle telle une épée de Damoclès et qui annihile tous les efforts de développement.

Ainsi, comme la plupart des citoyens qui tirent le diable par la queue et qui sont abonnés à la boutique du coin où ils versent tous leurs revenus ou presque à la fin du mois, l’Etat lui aussi a chroniquement le couteau sous la gorge et est contraint de verser régulièrement des centaines de millions de dollars à des créanciers sans pitié.

Cette situation surréaliste ne date pas d’aujourd’hui et coûte très cher à un pays qui ne produit quasiment rien en dehors des matières premières et dont l’économie est totalement extravertie.

Le président Ghazwani a hérité d’un passif très lourd : des caisses quasi vides et une dette avec une facture salée de 200 milliards MRO.

A en croire les autorités, suite à la pandémie de la Covid, le fardeau de la dette devient insoutenable. Et c’est dans ce cadre que le gouvernement mauritanien a officiellement demandé l’annulation de la dette. Cette orientation est prise très au sérieux et un communiqué du ministère de l’économie rendu public le 22 décembre en atteste. Le groupe Franklin-Finaxim présenté dans le communiqué sous le meilleur jour et certainement gracieusement payé est chargé de négocier et de convaincre les créanciers.

Cette initiative est l’aboutissement logique des appels répétés du président Ghazwani qui depuis son arrivée au pouvoir n’a cessé d’appeler à cette annulation devenue son leitmotiv.

Cet appel a été fait au sommet du G5 le 27 avril dernier à Nouakchott ; le 05 Mai au sommet des pays non-alignés ; le 1er juillet au sommet du G5 à Nouakchott en présence d’Emanuel Macron ; et enfin le 18 décembre courant à l’occasion d’un discours adressé aux peuples du G5.

Pourtant selon les indicateurs donnés par les institutions financières internationales, la Mauritanie s’en tire plutôt bien.

Ainsi le taux d’endettement général a reculé pour la première fois en 2017 depuis plusieurs années « grâce à une bonne politique budgétaire adoptée cette année là sur recommandation de la Banque mondiale et du FMI. »

Selon un Rapport FMI  datant de Décembre 2018 : « La performance de la Mauritanie dans le cadre du programme appuyé par le FMI a été satisfaisante. L’économie se redresse, la stabilité macroéconomique a été préservée, la dette extérieure s’est stabilisée et des réformes ont été engagées pour moderniser les institutions économiques et le cadre des politiques. Le parlement a approuvé une nouvelle loi organique de finances, ainsi que des lois sur les banques et sur la banque centrale, et cette dernière a mis en place de nouveaux instruments de politique monétaire pour améliorer la gestion de la liquidité. »

Mais le rapport note que des vulnérabilités et des risques considérables persistent.

Selon le FMI, en 2019, le PIB de la Mauritanie s’est élevé à 5,9%, contre 2,1% l’année précédente.

Les prévisions actualisées du FMI du 14 avril 2020 soulignent qu’en raison de l’apparition de la COVID-19, la croissance du PIB devrait tomber à -2% en 2020 et augmenter jusqu’à 4,2% en 2021, sous réserve de la reprise économique mondiale post-pandémique, stimulée par l’expansion continue de la production minière, le développement à venir d’un grand gisement de gaz offshore et une forte demande intérieure.

Le ratio dette/PIB est tombé sous la barre des 80%, atteignant 78,5% en 2019, et devrait rester à ce niveau à moyen terme. Selon le FMI, le pays est parvenu à maintenir sa stabilité macroéconomique et a enregistré une hausse de ses réserves officielles.

Dans un rapport publié récemment par le FMI: « Policy Responses to COVID-19 » (Réponses politiques au COVID-19) on note que le conseil d’administration du FMI a accordé le 23 avril 2020 à la Mauritanie un financement d’urgence de 95,68 millions de DTS (environ 130 millions de dollars) au titre de la facilité de crédit rapide. La cinquième revue du programme gouvernemental soutenu par la facilité élargie de crédit du FMI a été achevée le 2 septembre 2020, permettant un décaissement de 36,8 millions de DTS (environ 52,2 millions de dollars), y compris une augmentation de l’accès de 20,2 DTS (environ 28,7 millions de dollars). Le pays a obtenu un financement d’environ 95 millions de dollars au titre de la suspension du service de la dette Initiative et a lancé un appel aux partenaires de développement pour un financement supplémentaire. Un bon pactole comme on le voit.

Il convient de souligner également que les informations qui circulent font état d’une situation économique plutôt bonne avec 350 milliards MRO dans les caisses du Trésor Public et des réserves en devises estimés à 1,5 milliards de dollars.

Tout ça ajouté à la hausse importante des prix du fer sur le marché international incite plutôt à l’optimisme.

Quoiqu’il en soi, le gouvernement mauritanien semble décidé à décrocher une annulation de la dette. Ce serait une très bonne chose pour l’économie nationale mais à condition que tous ces fonds soient orientés vers le développement du pays et le bien être des citoyens.

Tout le monde a encore en mémoire l’amère expérience de l’Initiative PPTE lancée en 1996 et qui n’a pas servi à grand-chose car les pays africains qui en avaient bénéficié dont la Mauritanie, sont aujourd’hui presque tous à la case départ, selon un rapport de l’agence de notation Standard & Poor’s.

Bakari Guèye

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