L’ONG suisse AFRICA 21, un think tank qui œuvre pour la promotion et la mise en œuvre du développement durable, a organisé jeudi un débat de haut niveau à l’intention des journalistes africains qui s’intéressent aux questions environnementales.
Ce webinaire organisé conjointement avec le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et la Commission Economique pour l’Afrique (UNECA) a vu la participation d’éminents experts du système des Nations.
Au centre des débats il y avait l’agenda environnemental clé pour l’année 2021, ses enjeux et sa mise en œuvre en Afrique, dans le contexte particulier de l’épidémie de Covid-19 (climat, biodiversité, gestion des déchets, etc.).
Les journalistes participants ont pu ainsi avoir accès au groupe d’experts présents qui les ont édifiés sur les grands défis environnementaux de l’heure.
Après le mot de bienvenue prononcé par le Vice président d’Africa 21 Jean Luc Motoosamy depuis Génève, le modérateur de la session Antoine Perrin a planté le décor soulignant d’emblée que l’épidémie de la Covid 19 a tout bouleversé aggravant au passage la mauvaise gouvernance et les programmes non réglementés.
Améliorer la gouvernance environementale
Ouvrant le bal des présentations, Frank Turyatunga, Directeur adjoint du bureau du PNUE pour l’Afrique a fait un exposé sous le titre « Introduction et faits saillants de la stratégie à moyen terme (SMT) du PNUE ».
Il a abordé plusieurs volets, entre autres le travail effectué par le PNUE et l’impact de la COVID sur le milieu naturel. Le PNUE existe depuis bientôt un démi siècle. La stratégie de l’organisation pour 2022-2025 a été dévoilé. Elle tient compte des leçons tirées de la pandémie. Le responsable du PNUE a affirmé que les changements climatiques se sont poursuivis durant la pandémie avec des conséquences négatives telles que l’extinction de certaines espèces et une perte de biodiversité. Autre information, 75% des maladies infectieuses viennent des animaux. Autres points négatifs liés à la pandémie : l’utilisation massive de désinfectants et de solutions antimicrobiennes qui aggravent les taux de pollution.
Il y a aussi des effets invisibles comme par exemple la réorientation vers le secteur de la santé des ressources initialement destinées à l’environnement.
La réponse du PNUE note son directeur adjoint vise à éviter les zoonoses, ces maladies ou infections qui se transmettent des animaux vertébrés à l’homme.
La gestion des déchets médicaux est également au centre des préoccupations. Il y a aussi la révision des cadres des politiques pour la gestion des pandémies.
Pour le PNUE, la Covid est une opportunité pour l’amélioration de la gouvernance environnementale, la stratégie de l’organisation à moyen terme sera présentée dans les toutes prochaines semaines.
Pour le PNUE il faut agir contre les produits chimiques et contre la pollution mais aussi investir dans la communication environnementale.
Le 23 février prochain le PNUE organisera une session zoom qui traitera des questions administratives les plus urgentes, des décisions seront également prises concernant la gestion des fonds, sur le budget et le programme de travail.
Rôle du Forum régional africain
La seconde présentation du jour a été faite par Nassim Oulmane, Chef de la Section de l’économie verte et bleue au niveau de la Commission Economique pour l’Afrique (UNECA). La présentation est intitulée : « Le Forum régional africain sur le développement durable: la voix de l’Afrique pour le débat mondial sur les ODD au Forum politique de haut niveau ».
Au sujet de la dénomination verte et bleue Nassim a expliqué qu’il s’agit d’un affichage qui exprime la volonté de la Commission Economique pour l’Afrique de travailler sur les questions environnementales en lien avec la production socio-économique.
L’adjectif verte fait allusion au fait que l’Afrique à un grand potentiel par rapport à ses côtes et à ses cours d’eau. Ainsi il s’agira de mettre tout ça en valeur dans le strict respect de l’environnement.
Pour l’expert de l’UNECA, l’Afrique doit avoir une voie forte sur les questions de développement durable car elle représente 1 habitant sur 4 et elle représentera 1 habitant sur 3 dans un avenir proche. De ce fait sa voix est cruciale.
L’objectif de ce forum régional de développement durable souligne Nassim c’est de porter la voix de l’Afrique au niveau mondial
L’Afrique et le changement climatique
« Changement climatique: focus sur l’Afrique », tel est le titre de la troisième présentation qui a été assurée par Richard Munang, Coordonnateur régional pour le changement climatique, Bureau du PNUE pour l’Afrique.
Le conférencier a affirmé d’emblée que le changement climatique affecte de manière disproportionnée les économies africaines. Des analyses menées sur plusieurs années ont montré qu’en pourcentage du PIB, les dommages climatiques en Afrique peuvent être jusqu’à 10% plus élevés que la prochaine région la plus exposée d’Asie, et plus de deux fois plus élevés que dans d’autres régions comme l’Amérique latine. Cette tendance inquiétante a été confirmée par plusieurs études.
L’analyse de l’OMM, il y a moins d’un an, sur l’état du changement climatique en Afrique, a souligné à quel point il frappe durement les plus vulnérables. Avec des impacts allant de la sécurité alimentaire, aux dommages aux infrastructures, à la santé. Cette analyse a noté que le PIB de l’Afrique devrait diminuer de12% avec l’augmentation des températures mondiales de 1 à 4 ℃.
Pour Richard il faut tirer profit de l’énergie propre qui doit être mise à profit pour compléter les solutions fondées sur la nature. Par exemple, les produits agricoles cultivés à l’aide de bio fertilisants doivent avoir une valeur ajoutée. Autre argument avancée la reprise post pandémie doit être considérée comme une source d’opportunités socio-économiques tangibles – sécurité alimentaire, opportunités de revenus et d’entreprises, et expansion de la croissance macro-économique. Par ailleurs les efforts de relance doivent s’appuyer sur des politiques prenant en compte les actions climatiques. En effet, plus de 90% des pays africains ont ratifié leur accord de Paris sur le changement climatique. Il faudrait donc qu’ils respectent leurs engagements pour accroître l’ambition de l’action climatique Ces engagements communément appelés contributions déterminées au niveau national (CDN), signifient des signaux politiques positifs pour la priorisation de l’action climatique en Afrique.
Les impacts climatiques devraient réduire les revenus dans les pays en développement pour la plupart situés en Afrique, jusqu’à 75% d’ici 2100.
Aujourd’hui, les économies africaines sont jusqu’à 20 fois moins productives que leurs concurrents au niveau mondial, en raison de la COVID. En Afrique on note une baisse de 1,4% du PIB, une croissance négative de 5,1% du PIB pour l’année 2020 et une première récession potentielle dans 25 ans. Alors que la région est déjà confrontée à un scénario de sécurité alimentaire très précaire, avec 257 millions de personnes se couchant le ventre vide, une flambée des prix des denrées alimentaires pouvant atteindre 300% est prévue en raison du ralentissement provoqué par la COVID et des événements climatiques extrêmes (sécheresses et d’inondations) qui ont un impact négatif sur les rendements. Alors que l’Afrique doit déjà créer pas moins de 13 millions d’emplois chaque année, pour sa population jeune en plein essor, la COVID-19 devrait entraîner la perte de près de 50% de tous les emplois sur le continent.Avec tous ces risques en interaction, la question ici est de savoir comment s’en sortir? Pour le Coordonnateur régional pour le changement climatique, la solution pour l’Afrique sera d’intégrer la lutte contre le changement climatique et la réponse au COVID-19 en une seule impulsion stratégique. Le rapport 2020 du PNUE sur les écarts d’émissions souligne cette approche à travers ce que l’on appelle une «pandémie verte de reprise». Cela implique une augmentation de l’ambition de l’action climatique mondiale, en redéfinissant les priorités des investissements fiscaux, dans des trajectoires qui réduisent les émissions mais génèrent les avantages socio-économiques fondamentaux indispensables. Suivre cette approche ouvrira des opportunités de revenus pour stimuler la récupération post-COVID-19 tout en réduisant les émissions jusqu’à 25% d’ici 2030.Perte de biodiversité et des écosystèmesA son tour, Levis Kavagi, Coordonnateur régional pour les écosystèmes et la biodiversité, Bureau du PNUE pour l’Afrique est intervenu sur le thème : « Perte de biodiversité et d’écosystèmes ainsi que Décennie d’action et de mise en œuvre des Nations Unies pour le développement durable ».Il s’est inquiété tout d’abord de la perte des écosystèmes qui se sont érodés ainsi que de la biodiversité.Pour lui l’Afrique a une biodiversité très riche qui devrait contribuer à transformer le continent. Et de souligner qu’il y a de zones où les écosystèmes contribuent au développement économique et social.Pour le conférencier il y a urgence. Il faut intervenir pour stopper les pertes. En effet, l’un des plus grands enjeux par rapport aux changements climatiques c’est qu’ils deviennent le principal facteur du changement des écosystèmes. Mais il y a d’autres facteurs comme la démographie.Levis Kavagi préconise la mise en œuvre d’un plan de restauration des écosystèmes avec la collaboration des organisations onusiennes.
A noter enfin qu’après l’intervention des experts les organisateurs ont procédé à l’annonce des résultats du concours de presse lancé quelques semaines auparavant.
Bakari Guèye