L’espoir d’assister à l’avènement d’une école Républicaine en Mauritanie s’estompe jour après jour. Il s’agit pourtant du plus important volet du programme du président de la République, une promesse que les citoyens appelaient de tous leurs vœux et qui, plus d’un an et demi après est en passe d’être reléguée aux calendes grecques.
Le ministère de l’Education se complait toujours dans l’improvisation avec des actions sporadiques coûteuses et inefficaces. La révision des programmes scolaires a été évacuée en quelques jours et le séminaire national destinée à mettre les enseignants au parfum des nouveaux changements dans les programmes, a été largement boycotté par les professeurs du secondaire.
Au niveau de l’enseignement primaire la grogne monte crescendo et les syndicats ont appelé au boycott du test d’évaluation organisé par le ministère.
Au niveau de la carte scolaire, le mouvement des prestataires de service a eu un impact négatif sur la couverture des besoins.
Et pour ce qui est des manuels scolaires, le problème se pose toujours avec la même acuité. Et malgré les images montrant des 4/4 bourrés de livres, on avait parlé de 200000 livres lors de la dernière opération lancée le 11 janvier dernier, mais paradoxalement à Nouakchott, la chasse aux manuels scolaires des parents d’élèves mène toujours au marché de la capitale où les stocks des librairies par terre affichent ostensiblement leurs excédents. Mais pour avoir droit au moindre manuel il faut accepter de payer au plus fort, entre 1000 et 2000 MRO pour le niveau du primaire et beaucoup plus pour le secondaire.
Cette vente illicite se fait au nez et à la barbe des autorités en dit long sur la démission des autorités de tutelles, l’Institut Pédagogique National en l’occurrence qui a normalement en charge la sécurisation et le suivi des circuits de distribution. Il s’agit d’un business florissant qui mérite qu’une enquête en bonne et due forme soit diligentée pour remonter la filière et démanteler ce réseau.
Autre anomalie qui en dit long sur le laisser aller ambiant. Certains établissements secondaires ont reçu des manuels scolaires vétustes et qui ne sont plus à la page.
Et pour ce qui concerne les assises nationales sur l’Education le ministère semble toujours être dans l’expectative. Le chronogramme aurait été retardé par la pandémie de la Covid mais le ministère avait prévu le lancement de l’opération en Décembre passé. Cela n’a finalement pas eu lieu et depuis c’est le silence radio. Et le Bureau d’Etudes qui devait chapoter toute l’opération de la fameuse réforme qui tarde à venir peine toujours à opérer les derniers réglages de sa plate-forme digitale censée assurer l’informatisation de tout le système via les signaux satellitaires. Ce projet futuriste qui aurait déjà englouti beaucoup d’argent a toujours du mal à prendre forme alors que son démarrage effectif était prévu avec l’année scolaire en cours.
En attendant, le ministère poursuit sa fuite en avant avec le maintien du statut quo ante. Jusque-là nous n’avons assisté à aucun bond qualitatif au niveau des prestations scolaires et la valorisation du statut de l’enseignant est demeurée un vain mot.
Et pour couronner le tout, le ministère est resté sourd à la demande pressante de l’opinion publique et du corps enseignant pour insuffler du sang neuf à la machine du ministère, une machine grippée depuis belle lurette et gangréné par l’affairisme et les pratiques peu orthodoxes.
Et comme pour donner raison au chimiste, philosophe et économiste français Antoine Lavoisier qui disait : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », le ministère a au cours de ses dernières nominations reconduit la quasi-totalité des ténors du système en y ajoutant certaines nominations politiques, un nouveau degré de politisation qui est le moyen le plus sûr de tirer le système vers le bas.
Et par-dessus le marché, l’équipe dirigeante de la Direction des Examens a été maintenue malgré le fait qu’elle ait été éclaboussée par le scandale de la fuite des résultats du bac 2020 dont un site étranger avait eu la primeur de leur publication.
La désignation récente de certains chefs d’établissements secondaires et la confirmation d’autres n’est pas non plus au dessus de tout soupçon en ce sens que la plupart des promotions internes (directeur des études, Surveillant Général…) furent des promotions politiques, clientélistes ou mercantiles. Donc elles sont basées sur du faux et c’est un secret de polichinelle. Et le comble c’est que des cadres méritants et sérieux soient coiffés par des parvenus. C’est malheureusement monnaie courante. De ce fait, il aurait été plus judicieux de revoir de fond en comble toutes ces promotions indues qui ne répondent pas à des critères objectifs et repartir sur de bonnes bases. C’est en effet cette injustice criante qui plombe tout le système et le met à genoux.
Par ailleurs, l’on ne peut que s’étonner que dans un pays comme le nôtre où les conditions d’étude sont très difficiles (déficit en enseignants, manque d’infrastructures scolaires, de tables-bancs, de matériel didactique…) et où l’enseignant est très mal payé (moins de 10000 MRU), qu’on procède à la nomination de 21 Conseillers et autres chargés de mission pour un seul ministère. Ces hauts cadres seront dix fois mieux payés qu’un enseignant sur le terrain pour un travail dix fois moins intense et moins rentable. Et rien qu’avec cette masse salariale VIP, on pourrait régler pas mal de problèmes ou recruter tant d’enseignants. C’est là un gâchis et une lourdeur bureaucratique taxée sur l’argent du contribuable. De telles dérives gabégiques devraient être combattues par le gouvernement qui a intérêt à garantir la bonne gestion des biens humains et publics pour améliorer l’image du pays aux yeux des investisseurs étrangers, la Mauritanie ayant été classée à la 134ème place dans le dernier rapport de Transparency International.
Bakari Guèye