Breideleil …. Et la première émission fut reportée, Par Mohamed Mahmoud Aboul Maali

L’émission «En marge de l’histoire», préparée et présentée par le professeur Mohamed Yehdhih Ould Breideleil – qu’Allah lui accorde Sa miséricorde – était sur le point de voir le jour sur les écrans de la chaîne «Almouritaniya». Nous l’avons planifiée avec discrétion, finesse et calme, tant et si bien que nous en avons fait un grand rêve qui chatouillait les sentiments de ceux qui avaient en charge les médias et les affaires politiques tellement le projet soulevait leurs aspirations et animait leurs ambitions. C’était presque le début d’une révolution dans les programmes d’«Almouritaniya» qui y voyait son coeur battant par lequel elle tiendrait, et le regretté en était enthousiaste, prêt à commencer à donner vie à ce rêve en revenant chaque semaine l’incarner sur l’écran de la chaîne d’«Almouritaniya». Il avait classé ses fiches, rangé ses stylos et écrit sur papiers le plus consistant de ses pensées, après avoir décidé, enfin, de sortir de sa tanière révéler sa rhétorique politique, ses vastes connaissances enfouies dans des sépultures longtemps confinées dans des impénétrables voies impossible à denicher pour être diffusées ou répandues.
La réflexion sur le programme avait commencé il y a quelques mois, et l’idée même d’une telle émission était née à la présidence, le Cabinet du Président de la République suivant de très près la question avec un grand intérêt. Les instructions étaient claires, nettes et précises: l’homme est un trésor qui n’est pas à gaspiller, il méritait tout et reste digne de tout le bien qui lui sera fait et nous devons satisfaire à toutes ses demandes … Pour le Président de la République, ce n’était pas juste une émission télévisée. Sinon ce serait l’affaire de la télévision et de son administration. Et l’on doit à la vérité de dire qu’il est peu probable qu’une émission soit au centre de l’attention du Président de la République, préoccupé qu’il est par les grands problèmes de la Nation.
Mais il s’agissait, pour lui, d’un énorme projet de documentation et d’écriture de l’histoire contemporaine de l’Etat mauritanien, à travers l’un de ses plus grands connaisseurs, pétri de culture et un leader politique qui a accompagné et suivi de près les différentes étapes de la naissance et l’évolution de notre pays, l’influençant et subissant son influence.
Mais voilà, les années ont eu raison de l’homme qui a pris de l’âge, s’est retranché et est devenue une rare opportunité, au bord du départ et de la disparition. Il urgeait donc de bouger activement pour faire bénéficier les générations actuelles et futures de sa riche expérience et de ses incommensurables connaissances.
Le Président de la République voyait en lui, un homme d’une stature nationale suprême et un leader politique et symbole culturel, qui avait à la fois, une dette sur sa nation et une faveur sur le peuple. C’est pourquoi, et avant son départ, nous ne devons pas gaspiller l’opportunité, pour le pays de bénéficier de ses expériences et de ses vastes connaissances. Le contraire le ferait se perdre dans les couloirs de l’oubli et du déni, alors qu’il est encore bien vivant parmi nous.
Pourtant, moins de vingt-quatre heures avant la disparition de Mohamed Yehdhih Ould Breideleil – qu’Allah lui accorde Sa miséricorde – le Directeur de cabinet du Président de la République qui suivait l’évolution du projet de cette émission avec le défunt, me parlait depuis Paris – pendant que le Président de la République était là-bas- demandant la date de début de l’enregistrement du programme «En marge de l’histoire», comme pressé de voir son lancement. Il me recommandera le professeur Mohamed Yehdhih Ould Breideleil en insistant sur son aura culturelle et politique.
A «Almouritaniya», nous brûlons d’envie et d’enthousiasme à l’idée que nous tenons un scoop et que bientôt nous aurons réalisé un précédent médiatique pour l’institution et une réalisation nationale grandiose pour la Patrie. Nous étions sûrs et certains que nous transporterions nos téléspectateurs et tout notre Peuple, à la découverte d’un trésor interminable qui les plongera dans la mémoire de notre Nation, dépoussiérée et analysée par un intellectuel honnête, intègre et modéré que les années ont assagi et ont permis d’affiner les expériences.
Ma dernière rencontre avec Mohamed Yehdhih Ould Breideleil – qu’Allah lui accorde Sa miséricorde – était chez lui au Ksar, le week-end passé, accompagné du professeur Daoud Ould Ahmed Aicha, lequel était chargé par le défunt de suivre la mise en œuvre des derniers préparatifs pour le lancement de l’émission et les dispositions qui vont avec.
Nous avons discuté longuement de la nécessité de commencer à enregistrer le programme et de le diffuser dès que possible.
Une fois l’idée mûrie, donc devenue plus bien claire, et qu’il n’y avait plus de raison pour retarder le lancement de l’émission, le défunt m’a donné son approbation et livré sa vision finale de la façon par laquelle il fallait préparer et diriger l’émission. Nous avons ensuite vu ensemble certains détails du contrat qui le liera à la chaîne «Almouritaniya» pour préparer et présenter l’émission «En marge de l’histoire» dont il a choisi l’appellation, le générique et l’arrière-plan sur fond d’un document écrit à la main du défunt dans lequel il présente sa conception de l’émission.
L’institution était prête à fournir l’effort nécessaire pour produire l’émission «En marge de l’histoire», comme il se doit, autant à l’image du présentateur qe du présenté, animée qu’elle est par un désir effréné de dévoiler un trésor caché dans les entrailles d’un intellectuel et d’un homme politique qui ne se révèle que rarement dans notre histoire contemporaine, et à condition que le bon Dieu le veuille bien.
Le contrat devant lier le défunt à la chaîne fut rapidement rédigé et copie lui fut transmise pour signature. Le département de l’infographie d’«Almouritaniya» se met en branle pour les décors et la conception du studio en s’inspirant de la pré-maquette proposée par lui-même.
Le service administratif d’«Almouritaniya» a pris toutes les dispositions pour répondre sans tarder aux demandes du défunt en mettant à sa disposition un bureau complet, équipé des fournitures nécessaires à l’extérieur des bâtiments de la télévision, pour embrasser la bibliothèque du professeur et créer un environnement de travail adapté pour préparer et produire les épisodes de l’émission.
Certaines autorités compétentes ont reçu une liste de quelques-uns des événements sur lesquels le défunt aurait aimé revoir des documents enfouis dans les Archives nationales avant d’en narrer les faits sur le petit écran.
Nous avons convenu avec lui que l’émission traitera de l’histoire contemporaine de la Mauritanie, aussi bien dans sa narration que son analyse, en levant un coin du voile sur les dessous des cartes et les événements qui les ont accompagné ainsi que les grandes étapes de l’histoire du pays lesquelles feront l’objet d’arrêts sur images racontant les détails de leurs événements et donnant une explication des circonstances qui les entourent. Puis, le défunt en fera une lecture analytique, racontée par lui directement au spectateur sans intervieweur, ni débatteur.
Il était prévu que l’émission soit divisée en trois phases:
– La première traite de la période allant de 1957 à 1977.
– Vient ensuite une seconde, de 1978 à 1991.
– Puis la troisième période qui va de 1991 jusqu’à nos jours. Cela, sans négliger la période couvrant la résistance contre le colon, à laquelle revient une part de ces épisodes que le présentateur aura la latitude d’évoquer le moment opportun, choisi par lui-même et par le producteur de l’émission.
Entre chaque période et celle qui l’a suit, une émission de débat est organisée avec le professeur et des personnes de référence, notamment des hommes de culture et des chercheurs qui, ensemble reviennent sur les conclusions et observations que certains téléspectateurs peuvent avoir noté dans les détails de sa narration et de l’analyse des événements majeurs de l’histoire du pays.
Tout était fin prêt, les derniers arrangements étaient terminés et nous étions sur le point de commencer l’enregistrement.
Mais Mohamed Yehdhih Ould Breideleil – qu’Allah lui accorde Sa miséricorde – a soudainement souffert d’un mal de dos. Il m’a dit qu’il le ressentait de temps à autre depuis bien longtemps déjà, qu’il s’en remettra dans quelques jours, se lèvera de son lit et commencera à enregistrer les premiers épisodes de son émission. Mais le destin en avait décidé autrement. Ce que je ne pouvais imaginer, c’est qu’il était sur son lit de mort et me parlait pour la dernière fois.
Avec toute la tristesse du monde et le regret le plus profond, je saurai par la suite que l’enregistrement et la diffusion du premier épisode de l’émission »En marge de l’histoire » ont été reportés à jamais.
Il est vrai que le défunt était très discret tout le long de sa vie, évitant, autant que possible, d’être sous les feux des lumières médiatiques, lui, l’écrivain-journaliste expérimenté et ne voulait pas se replonger dans son histoire politique. Il tenait à garder son parcours enfoui dans son for intérieur et lorsqu’il a décidé d’en partager un pan avec le public, le destin s’interposa pour qu’il emporte ses secrets avec lui dans sa tombe jusqu’au Jour du Jugement. Et si le romancier malien Amadou Hâmpaté Bâ avait dit à juste titre qu’« En Afrique, quand un vieillard meurt c’est une bibliothèque qui brûle », force est de constater qu’avec la disparition de Mohamed Yehdhih Ould Breideleil – qu’Allah lui accorde Sa miséricorde – représente pour nous et pour la Nation Mauritanienne toute entière, l’émiettement de plusieurs bibliothèques et la disparition de riches encyclopédies qui nous ont filé entre les doigts et que le temps s’est refusé à nous laisser reprendre sur le tard.
Le choc est lourd, car l’homme était à lui seul toute une Nation. Sa brutale disparition est une perte immense qu’on ne saurait compenser mais également l’effondrement d’un projet de témoignages inédits sur l’histoire contemporaine de ce pays.
La chaîne «Almouritaniya» avait mobilisé tous ses moyens, s’était parée de ses plus belles parures et tout en oeuvre pour réussir cette émission, recueillir ce témoignage qui sera reporté, peut-être pour un temps … ou plutôt pour l’infini.
Louanges à Allah à qui nous retournerons.
Inna Lillahi we inna Ileyhi rajioune.
Mohamed Mahmoud Ould Aboul Maali

 

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