Le Festival International Soninké, communément appelé FISO, s’est tenu du 21 au 25 Février 2018 à Dakar, capitale du Sénégal. Cette rencontre qui est la cinquième du genre a rassemblé plus de 800 participants venus de tous les horizons Afrique, Europe, Etats unis notamment.
Malgré les contraintes liées à l’éloignement de Dakar par rapport à leurs principaux foyers naturels, les Soninkés sont venus nombreux de tous les coins de l’Afrique occidentale : de Kingui au Gajaaga en passant par le Guidimakha et le Karta. Durant ces 5 jours, les participants ont rivalisé d’ardeur pour faire découvrir les différentes facettes de leurs terroirs respectifs : chants, danses, et accoutrements.
La caution politique, une première
Depuis sa création, c’est la première fois qu’un président de la république en exercice vient ouvrir les les activités du FISO. En effet, le président du Sénégal son excellence Macky Sall a tenu à se rendre au Stade Iba Mar Diop et à assister, plus de deux heures d’horloge, aux festivités de démarrage de l’évènement.
Le climat de pré campagne- électorales qui prévaut pratiquement dans la majeure partie de pays concernés semble avoir été une intéressante opportunité pour les organisateurs. Cela a permis aux hommes politiques de monter au créneau. . Cet évènementiel a permis, d’après l’un des principaux dirigeants du festival, d’engranger d’énormes soutiens financiers qui se chiffrent à plusieurs dizaines de millions de CFA.
En marge des activités festives, il y avait des conférences sur des thématiques en rapport avec l’histoire des Soninké et la question de l’émigration, ainsi qu’un atelier sur les difficultés liées à la transcription de la langue et à la mise en place d’une académie Soninké.
Le FISO, entre nostalgie et enjeux de développement
Sur le plan des feedbacks, plusieurs voix se sont élevées pour s’insurger soit contre le leadership du FISO soit contre le contenu et la portée réel de l’événement.
Pour certains jeunes soninkés, le FISO n’est rien d’autre qu’un regroupement nostalgique visant à faire revivre et consolider les traditions féodales soninké basées sur une structuration sociale congénitalement hiérarchisée.
D’autres jeunes reprochent au FISO son côté festif qui privilégie le carnaval au profit des questions urgentes de développement socio- économique.
Pour la petite histoire, le seul atelier qui a été organisé durant tout le FISO se rapporte à la question de langue. Le reste du programme a porté sur des conférences qui pour la plupart n’ont fait que rabâcher des questions totalement surréalistes comme le fameux lien des Soninké avec Abraham ou les Pharaons d’Égypte.
Un tel rendez-vous de personnes ressources issues de plusieurs segments ( secteur privé , ONGs, éducation, universitaires etc. ) devait se saisir des avantages comparatifs qu’offre notre communauté Soninké en termes d’amour du travail, d’honnêteté, d’esprit de sacrifice et de « solidarité grégaire » pour jeter les bases d’une réflexion structurante qui nous permettra de participer aux décisions qui affectent nos existences dans nos pays respectifs . Il n’est de secret pour personne que la plupart des Soninké vivent encore dans l’extrême pauvreté et ce particulièrement en zones rurales.
Les effets combinés de la sécheresse et du droit coutumier à propriété foncière font que l’accès à la terre est devenu de plus en plus difficile pour les plus pauvres qui sont généralement esclaves ou anciens esclaves.
Le FISO nous permet de paraitre beau et riche . L’on y exhibe fièrement nos hommes d’affaires et nos richards mais nous ne devons pas occulter que la majorité écrasante des Soninké , l’autre partie de notre entité vit encore dans la misère. Nos stratégies et nos politiques doivent aller d’abord dans ce sens pour permettre à chacun des membres de notre communauté de jouir de tous ces droits afin d’être un citoyen à part entière. Ainsi, il brandira fièrement l’étendard de sa communauté et contribuera efficacement et durablement au développement socio –économique de son pays.
On nous dira que les Soninké sont champions dans la création de la richesse, notre souci doit donc être comment œuvrer à sa redistribution de manière inclusive et durable c’est ainsi qu’une communauté sera visible et résistera au temps.
Pour l’avenir, le FISO devrait offrir des activités comme celle de l’atelier sur la langue. Seront appréciés d’autres ateliers sur les questions de développement socio-économique comme l’agriculture, la pêche, le commerce informel, l’artisanat, ou tout simplement l’art.
Il faut un FISO au cours duquel les initiatives les plus méritantes comme la troupe théâtrale de Bakel, avec son leader « Samba le Parisien », seront célébrées, couronnées et appuyer techniquement et financièrement ; un FISO avec des ateliers avec des termes de références sur des problématiques clairement définies qui dégagent des priorités et formulent des recommandations précises afin de soutenir les initiatives déjà existantes et d’encourager des Startups.
Sur le plan du leadership, il y a vraiment beaucoup de choses à revoir si réellement nous voulons nous inscrire dans la durée. Un regroupement moderne doit nécessairement éviter de tomber dans des travers aristocratiques avec des visées personnelles qui frisent parfois la prétention pour ne pas dire le ridicule. Le FISO n’a point besoin de leaders lourds et arrogants.
Baliou Mamayary Coulibaly