À Rabat, en marge de l’Africa Investment Forum (AIF) 2025 l’African Guarantee Fund (AGF) et le programme AFAWA de la Banque Africaine de Développement (BAD) ont réuni, ce jeudi 27 novembre, responsables publics, dirigeants de banques et cheffes d’entreprises pour une réflexion de haut niveau consacrée à l’inclusion financière des femmes.
Les femmes entrepreneures d’Afrique du Nord restent confrontées à un système financier encore trop exigeant, trop rigide, et souvent insuffisamment adapté à leurs réalités.
Mais les institutions financières annoncent des avancées majeures.

Ce panel stratégique a réuni des représentants institutionnels, des dirigeants financiers, des experts du financement des PME ainsi que des responsables d’associations de femmes entrepreneures autour d’un enjeu central : réduire les risques financiers pour favoriser l’accès des femmes au crédit et soutenir l’entrepreneuriat féminin en Afrique du Nord.
Cette rencontre a offert une plateforme d’échanges visant à partager les expériences, mettre en valeur les réussites et identifier des pistes concrètes pour améliorer l’inclusion financière des femmes.
Mme Leila Doukali, Présidente de l’Association des femmes chefs d’entreprises du Maroc
Dans son intervention, Leila Doukali a dressé un tableau lucide des obstacles auxquels font face les femmes entrepreneures au Maroc. Elle souligne notamment un paradoxe :
« Nous avons plus de la moitié des bancs d’université occupés par des femmes, et l’un des taux de femmes ingénieurs les plus élevés au monde, mais seulement 19 % de taux d’activité féminine et à peine 10 % de création d’entreprises par des femmes. »
Elle évoque également la difficulté pour les femmes d’entrer en contact avec l’institution bancaire : faible taux de bancarisation, méconnaissance des processus, manque d’accompagnement, absence de formation structurée.
« Le deuxième obstacle majeur, c’est la relation à la banque et le manque de formation. Beaucoup de femmes ne savent pas comment construire un business plan, ni quelles démarches suivre. Il faut leur apprendre à parler le langage bancaire. »

Pour sa part, Mariam Zein,CEO de MAFCI, Mauritanie. Mariam Zein a partagé son propre parcours, marqué par les difficultés rencontrées en tant que jeune femme entrepreneure :
« En 2010, le regard des banques sur une jeune femme qui démarre était très sceptique : est-ce qu’elle tiendra son projet ? Est-ce qu’elle n’abandonnera pas après un mariage ou une maternité ? »
Elle souligne la persistance des stéréotypes et la nécessité de quotas temporaires pour corriger les inégalités structurelles.
« Valider le dossier d’une petite entreprise dirigée par une femme, c’est offrir une chance non seulement à elle, mais à ses filles, à ses petites-filles. » Elle rappelle également des principes fondamentaux :
« Les banques prêtent de l’argent selon des règles. Elles ne sont pas des investisseurs. Il faut donc changer de paradigme tout en tenant compte de cette réalité.»
Aymen Mallek Deputy CEO, Générale de Banque de Mauritanie (GBM).Aymen Mallek a axé son intervention sur le besoin crucial d’information financière : « Le point de départ, c’est l’information financière. Une banque évalue un projet par sa viabilité et ses cash-flows. Si les informations données sont incomplètes, la banque ne peut pas avancer ». La GBM a créé un département entièrement dédié au financement des PME féminines, permettant : un traitement plus rapide des dossiers, ne évaluation du risque adaptée, une meilleure orientation des entrepreneures. Il souligne également le rôle essentiel des fonds de garantie pour couvrir le risque résiduel et permettre aux banques de financer des projets auparavant jugés trop risqués.
De son côté, Saïd Jabrani, Directeur Général, Tamwilcom, Maroc rappelle l’expérience historique de Tamwilcom dans l’accompagnement des PME : « Nous accompagnons les PME depuis plusieurs années. Et lorsqu’il s’agit des femmes, des études montrent qu’elles ont deux fois moins de chances d’obtenir un financement que les entrepreneurs en général.»
Quelques chiffres clés: Seulement 15 % des entreprises formelles marocaines sont dirigées par des femmes. Et seulement 15 % d’entre elles accèdent à un financement bancaire.
Depuis 2013, Tamwilcom propose des produits de garantie dédiés:43 000 femmes entrepreneures accompagnées ,4 milliards de dirhams mobilisés, 40 % via les banques, 60 % via la microfinance. Il met également en avant un nouveau produit de cofinancement mixte banque–Tamwilcom, offrant des taux deux à trois fois moins chers pour les entrepreneures.
Leila Doukali, rappelle l’importance des programmes d’appui dédiés comme SheStart (entrepreneuriat naissant) ou She-Industrie (projets industriels). Elle insiste également sur la nécessité pour les banques de mieux promouvoir les programmes publics et privés existants, tels qu’Intelaka ou ILEK Invest : « Il faut que les banques jouent le jeu, trop souvent, des directeurs disent ne pas connaître ces programmes alors que les équipes ont été formées. »

Pour Marie-Laure Olugbade, vice-présidente de l’African Development Group, l’enjeu n’est plus de convaincre, mais d’agir :« Financer une entrepreneure comme Mariam Zein, ce n’est pas de la philosophie. C’est investir dans un actif industriel et dans la transformation structurelle de notre continent. »Elle appelle les banques à moderniser leurs critères d’évaluation:« Ne regardez plus vos portefeuilles avec les lunettes du passé. » A-t-elle conclut.
La BAD, à travers AFAWA, veut mobiliser 3 milliards de dollars pour réduire le risque et encourager les banques à prêter davantage aux femmes.
Depuis 2021, 250 institutions partenaires, 44 pays, 13 000 entreprises féminines financées,
1 milliard de dollars mobilisés. L’enjeu, construire un système financier qui croit en l’ambition des femmes.
Au terme des échanges, un message clair s’impose : les femmes entrepreneures sont un moteur économique majeur, mais leur potentiel reste sous-financé.
Les institutions financières s’engagent à adapter leurs produits, renforcer l’accompagnement et moderniser l’analyse du risque. Et avec l’appui d’AFAWA et de l’AGF, les conditions semblent réunies pour que l’Afrique du Nord franchisse un nouveau cap en matière d’inclusion financière.
Une journée marquée par une signature stratégique entre la Mauritanie BAD-UE
La rencontre a été suivie par la signature du Projet de Modernisation du Chemin de Fer de la SNIM (Mauritanie) en présence de :

Dr. Sidi Ould Tah – Président de la BAD
S.E. Abdallahi Ould Souleymane Ould Cheikh Sidiya – Ministre de l’Économie
Andrew McDowell – EIB Global, Mohamed Vall Mohamed Telmidy – SNIM
Dimiter Tzantchev – Ambassadeur de l’UE Et d’autres responsables de la BAD et les médias.
Hawa Bâ
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