Je suis un soldat, un mataf. J’ai grandi sous les drapeaux. Le clairon a rythmé ma vie d’adolescent et d’adulte. Toujours dans les internats des écoles militaires et dans les casernes.
Je ne connaissais que la vie de caserne avant qu’un funeste destin ne me lance dans une jungle que tout prédestine à une vie civile : la politique.
Malgré mon jeune âge, j’y assumais pourtant, es-qualité militaire, de très hautes fonctions dont je continue à revendiquer toutes responsabilités, personnelle ou collective, durant les années de cet exercice.
Je fus aussi, et surtout, une fois relevé de la Roche Tarpéenne, un citoyen ordinaire, malgré l’interlude de mon engagement politique, prônant, avec « une poignée d’autres », la violence armée. Ce dont nul ne devrait revendiquer une quelconque fierté ! Pas moi, en tout cas !
Tout ça pour dire à quel point je suis meurtri de lire et d’entendre cette clameur dans le pays, avec les malheureux et tragiques incidents de ces derniers jours impliquant les Forces de sécurité armées.
En tant que soldat, je sais et devine ce qu’est la vie de nos armées, en ces moments de grand désarroi sanitaire, mais aussi sécuritaire, à nos frontières sahéliennes.
Elles ont été soutenues par tous nos concitoyens, quels que furent, pourtant, les bords politiques auxquels ils ont appartenus. Ce fut important pour nos soldats et ils le clamaient, haut et fort, dans les chaumières.
Jusqu’à aujourd’hui, nous vivions pourtant une sorte de paix des braves; quand on lit qu’au sein de tous les partis représentés à l’Assemblée Nationale, une Déclaration commune, à vocation d’apaisement, a été signée entre eux.
Cette tendance est renforcée par l’acceptation et la collaboration sincère, avec nos forces armées, de nos populations riveraines du Sénégal, potentiellement menacées par le virus, lors de passages ou autres opérations clandestines.
Dans ce contexte, l’incident des jeunes de Wending, des vigiles pourtant volontaires et engagés à l’application stricte des mesures de sécurité édictées par le Comité de gestion de la COVID19, sonne comme un énorme canular. Canular, puisqu’il serait difficile et gênant d’expliquer, à l’opinion, l’incarcération de ces jeunes compatriotes.
D’ailleurs, l’inopportunité de leur absurde incarcération a été prouvée par leur prompte libération, dès que les autorités compétentes furent saisies. Les mesures disciplinaires conséquentes sont de la responsabilité des autorités compétentes.
La dramatique affaire du tir mortel aux alentours de Mbagne est, quant à elle, d’une gravité et d’une nature déconcertante. Pendant que tous s’accordent pour se rassembler autour des autorités, pour une lutte efficace contre le fléau qui gagne du terrain, jour après jour, des initiatives tendant à craqueler ce mur, laborieusement construit, ne sauraient être tolérées ni acceptées.
Nul n’ignore que dans toute rude opération de sécurité, des bavures, des excès, des erreurs, peuvent se produire, souvent, hélas, de forme tragique. Qu’elles que soient d’ailleurs l’origine de telles initiatives, individuelle, ou de groupe, concertées, avec ou sans ordres.
Dans tous les cas, le Commandement en assumera toujours la responsabilité. Je l’ai moi-même subi, à plusieurs reprises, dont certaines même, avec répercussions diplomatiques peu heureuses.
Toutefois, des mesures disciplinaires, internes à l’Institution, sont immanquablement prises. Des mesures qui ne sont généralement pas connues du grand public, contrairement à celles, légitimes mais disproportionnées, concernant les éléments de la police ayant botté les arrière-trains de délinquants au couvre-feu.
Aider sincèrement l’Armée, c’est aussi dire nos parts de vérité
Dans le tragique cas de Mbagne, c’est, il est vrai, le communiqué de l’Etat-major Général des Armées (EMGA) qui explique le tir de l’élément, si maladroitement, surtout les qualifications de la victime, peu amènes pour un décédé, qui a fini de convaincre, une partie de l’opinion, d’une volonté de dissimulation et a jeté, inutilement, le trouble.
Quand on soupçonne une dissimulation, dans notre contexte politico-social, la spéculation ne peut, forcément, que surgir et toutes les hypothèses, les plus horribles s’installent, hélas. En tant que soldat, je doute fort qu’un ordre, aussi fou, puisse avoir été donné, par la hiérarchie, à quel que niveau, pour tirer sur monsieur Diallo. Aucune analogie avec l’époque des tragédies où là, des ordres au plus haut niveau, ont été donnés, alors, explicitement.
L’effet de ce communiqué aura été, justement, mais improprement, d’avoir remis à l’ordre du jour, dans les têtes, les tragédies des années de sang 89, 90, 91, d’avoir rappelé ces horribles moments de notre histoire. Une période, au cours de laquelle, je suis sûr, l’auteur du communiqué n’était même pas né, mais seulement instruit de celle-là !
Il eut été plus naturel et juste de reconnaître l’excès de l’élément-tireur et de concrétiser, les condoléances présentées dans le communiqué, par un déplacement, auprès de la famille, d’une délégation de l’autorité locale, comme nous le recommande, simplement, notre religion.
Le reste des procédures, restant strictement dans les compétences judiciaires.
Le regain de sympathie pour l’Armée, par la majorité de nos concitoyens, aux premiers jours des patrouilles de l’Armée, n’en aurait été que plus renforcée.
Et cet acte aurait servi de dissuasion pour prévenir de graves incidents de cette nature.
Même les communiqués de condamnation de la tragédie, émanant des partis d’opposition, reconnaissent, au delà du ton véhément, somme toute, attendu et normal, pour une opposition, l’utilité du verrouillage des frontières et de leur surveillance hermétique.
Il est évident que la collaboration des populations est d’une nécessité vitale car elles sont mobilisées, par conviction, mais aussi par le devoir de la sécurité pour tous.
Les autorités devraient les y encourager et tout acte contraire devrait connaître la sévère sanction qui sied. Je n’aurai certainement pas l’outrecuidance de « donner des conseils » à des autorités dans le plein exercice de leurs compétences et dans leurs responsabilités assumées. Mais je suis un soldat, sensible à tout ce qui touche « mon Institution », même si j’en fus chassé !
Participer à toujours une symbiose entre nos armées et nos populations doit être un sacerdoce pour tous, surtout pour tout soldat. Aider sincèrement l’Armée est aussi dire nos parts de vérité, vraie ou erronée, pour empêcher que des individus, au sein de l’Institution, viennent entacher, porter la suspicion, sur son honneur gagné, jadis, aux fronts où tant d’hommes donnèrent leur vie pour ce pays. .
Pour un pays qui devra vivre cet Honneur, dans la Fraternité, dans la Justice.
Une Justice, qui n’est pas celle des réseaux sociaux, qui veillera à l’équité et permettra le juste discernement des choses de nos drames passées pour ne pas en susciter l’impensable, l’inimaginable récurrence. Tous y gagneraient. La Nation surtout.
ALLAHOU AHLEM.
Puisse DIEU, dans son infinie Miséricorde Apaiser nos cœurs, nous Inspirer, nous Bénir et Bénir ce pays, Amine Ya Rabbi.
Diop Moustapha