Concitoyennes, concitoyens,
Brisons le silence, demandons justice et réparation, mettons fin à l’impunité en Mauritanie.
En cette ère où la bêtise humaine prend exponentiellement de l’ampleur, parler demeure le seul recours des sans défenses.
Parler, c’est donner à voir. Cette action ne peut manquer dans quelques circonstances de mobiliser une intelligence collective pour éradiquer un mal quelconque qui sévit dans la société. Du point de vue de la Mauritanie, les revers liés à la mauvaise gouvernance sont importants.
Notre propos portera, ce jour, sur une tragédie qui touche des vies humaines : le viol. Il constitue un crime qui détruit la vie de nombreuses personnes, principalement les femmes et les enfants. Parmi les enfants, les filles sont celles qui en sont le plus sujettes. Il est urgent de briser le silence qui entoure cet abominable crime, causant des traumatismes aussi bien physiques que psychologiques. Le viol collectif commis sur une femme dans la ville de Tiguent montre l’horreur qui continue de toucher tant d’âmes sensibles.
Malgré la récurrence des viols barbares souvent suivis d’assassinats, les pouvoirs publics se complaisent dans leurs incapacités à décréter ou faire voter une loi protégeant les femmes et les filles.
Grave encore, les victimes se retrouvent parfois incarcérées grouillant dans des geôles.
En 2023, en Mauritanie, une femme victime de viol est susceptible d’être condamnée. Elle encourt une peine de prison pour «zina» (relation sexuelle hors mariage). Cela se passe dans l’indifférence de nos représentants.
Les victimes de viol sont contraintes au silence. Elles se résolvent à celui-ci, car ne pouvant dans beaucoup de cas prouver la nature non consensuelle des rapports intimes.
Se protéger, se terrer, devient le maître mot. « Nos silences ne nous protègeront pas », assénait Audre Lorde. Par conséquent, seule la conjugaison de nos voix nous aidera à faire entendre le cri de détresse des Mauritaniennes qui vivent le martyr. Hier, quelques voix inaudibles se sont levées avec espoir qu’une loi criminalisant les agressions sexuelles voit le jour. Les personnes qui portaient ce projet étaient quasiment toutes des femmes. Encore une fois, le projet est diabolisé. Les porteuses des lois et des revendications sont accusées de faire l’apologie de choses contraires aux préceptes de l’Islam.
En quoi appeler à ce que la femme et la fille se sentent en sécurité constitue une dépravation des mœurs ? Est-ce une manière de dire que la parole de la femme est illégitime ? Pire, une autre façon de dire que « le monde est la parole des hommes » comme l’affirmait ironiquement Annie Leclerc dans Parole de femme ? Le silence des hommes dans cette lutte pour la protection des femmes est non seulement assourdissant et éloquent, mais aussi extrêmement délétère. Voilà pourquoi, il nous convient, tous, du citoyen lambda au dirigeant de nous sentir concerné par ce « phénomène ignoble ».
Des citoyens ont fait le bilan de quatre ans d’exercice du pouvoir du Président de la République, Monsieur Mohamed Cheikh El Ghazouani. Le peuple semble insatisfait. Toutefois, ce dernier gagnerait honneur et belle fin de mandat en décrétant, ne serait-ce que, des lois draconiennes qui protègent les citoyennes contre les violences de toutes naturelles qu’elles puissent être.
Il est impératif d’extirper la violence dans la société mauritanienne. Face à la culture du viol ancrée dans nos sociétés, il faut une éducation dès le bas âge au respect de la vie humaine et des droits fondamentaux, spécialement ceux des femmes. Une importante sensibilisation à tous les niveaux et toutes les sphères de la société s’impose.
Accorder une importance aux lois qui existent et faire voter et valoir celles portant sur les violences faites aux femmes et aux filles. Former et informer les professionnels de la santé et de la justice pour une meilleure prise en charge des victimes. Un projet a été déjà proposé et nous appelons à le mettre en vigueur pour rendre hommage à toutes celles qui ont perdu leur vie.
Nous pensons à Penda Sogué, Khady Touré, les victimes méconnues par le public, etc., ainsi que celles qui s’affaissent dans les rets d’une indicible solitude et se consument à petit feu. Il ne restera d’un mortel que ce qu’il a gravé dans la chair de l’éternité. Alors nous l’appelons à être à l’écoute de son peuple. L’indifférence est un mal aux conséquences désastreuses. Aucune femme ou fille n’est à l’abri. Ce drame peut toucher n’importe quelle famille. Alors il vaut mieux agir en amont avant que n’advienne l’irréversible. Agissons avant que d’autres morts ne pullulent sous notre silence !
Khadijetou Ousmane Ba, Salihina Moussa Konaté, Souleymane Sidibé.