Savoirs experts et profanes dans les débats juridiques : plaidoyer pour la technicité

En Mauritanie, comme dans d’autres pays, le débat juridique devient de plus en plus une discussion citoyenne avec une multiplicité de points de vue, permettant une consolidation de la « démocratie participative ».

Mansour Ly Juriste, Enseignant-chercheur

Toutefois, nonobstant les opinions émises, on note souvent une disparité dans l’appréhension de certains termes juridiques aussi bien entre « experts juridiques » qu’entre « experts juridiques » et « citoyens ». Les citoyens ont souvent une approche « littérale » des dispositions sans pour autant appréhender et saisir l’analyse juridique. Souvent également l’expert pénaliste en droit interne procède à une analyse déconnectée du droit international pénal qui ne relève pas de son droit « local ».
Les espaces participatifs deviennent souvent des lieux de manifestation de « doctrines politiques » au-delà d’une analyse scientifique reposant sur des « faits », des « normes » et une « qualification juridique » de la situation. Des jeux de rôle mettant en avant « le bon », le « mauvais », le « truand » sont légion dans les espaces publics mauritaniens en reléguant au second plan le « juriste » qui a souvent plus de 30 ans d’expérience dans le domaine.
Ces derniers jours une polémique aux relents de « règlement de compte politique » a fait surface entre Professeur « Gourmo Lo » et ses détracteurs. Le problème juridique qui se pose est relatif à « la qualification des termes génocide et crimes contre l’humanité de la situation des négro-africains » dans les années 1980 en Mauritanie. Sans revenir sur les écrits du Professeur René Cassin qui s’était déjà penché sur la « situation mauritanienne » ou encore le Juge « Kéba M’Baye » dans son classique « Les droits de l’homme en Afrique » ; le débat devrait se recentrer sur :
1 – Les dispositions nationales et internationales, le plus souvent internationales, définissant le « génocide » et les « crimes contre l’humanité » ;
2 – Les faits dans leurs exactitudes, telles que déterminées non pas par des individus, des organisations de la société civile, mais par des rapports de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), de l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour éviter une approche parcellaire de la situation ;
3 – L’application des critères juridiques et de leurs conditions aux situations de fait ;
4 – La solution ou la conclusion.
Sans revenir, dans le détail, sur les quatre (4) points précités, on note que le Professeur Gourmo Lo, après avoir préalablement épuisé ces points a eu à expliciter de façon scientifique la situation relative aux droits de l’homme, au droit international humanitaire et au droit international pénal que certains « privatistes » ont éludé.
Pour contredire cet universitaire, la même démarche doit être déployée pour pouvoir en tirer des analyses critiques équivalentes.
En l’état actuel du débat, aucune contradiction juridique de haut vol n’a encore eu lieu. En bon juriste chevronné, quel que soit la complexité du débat et des concepts juridiques, le Professeur Gourmo Lo arrive toujours avec la plus grande pédagogie à rendre le problème accessible au plus grand nombre. De la loi sur la double nationalité à la réforme sur l’éducation nationale, il s’est toujours distingué par son « juridisme » pendant les moments importants de l’histoire de son pays.
Si le débat est « politique », la démarche méthodologique doit changer pour passer de la science du droit à la science politique. Et là encore, n’est pas politiste « qui veut », mais « qui a » les aptitudes nécessaires pour débattre de certains points, d’un point de vue scientifique.
En s’attaquant au professeur Lo Gourmo sur le plan « politique et des analyses « déconnectées » du droit international, les oppositions se trompent de combat, il est plutôt celui qui « ouvre » les yeux sur les lacunes juridiques et les futurs débats qui auront lieu dans les prétoires.

Mansour LY
Juriste , Enseignant- chercheur

                                                                                                                                                                                                                                                                                                         

Check Also

Tribune : Ces Médias qui cautionnent l’injustice d’Israël

Déclaration hallucinante d’une journaliste sur LCI, justifiant l’arrestation de deux gendarmes français, après avoir été …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *