Fin des travaux du 36ème comité d’experts de la CEA à Marrakech

Après deux jours d’intenses travaux, les rideaux sont tombés aujourd’hui à Marrakech sur les travaux de la 36ème session du Comité Intergouvernemental d’experts du Bureau d’Afrique du Nord de la Commission Economique pour l’Afrique.

Le contexte aidant avec la crise de la Covid et l’émergence de l’économie numérique aidant le thème choisi cette année a porté sur les secteurs pharmaceutique et de la finance digitale.

Après une première journée consacrée en grande partie au diagnostic du potentiel de promotion de chaînes de valeur régionales, la seconde journée a été marqué par l’animation de deux panel, le premier sur l’élimination des barrières non tarifaires pour la réussite de l’intégration commerciale en Afrique du Nord et le second sur les bénéfices de la ZLECAf avec un focus sur les leçons apprises des stratégies nationales déjà adoptés par la Mauritanie, l’Algérie et la Tunisie.

A la fin des travaux Zuzana Brixiova Schwidrowski Directrice du Bureau de la CEA en Afrique du Nord a tenu une conférence de presse.

Barrières non tarifaires et leçons tirées des stratégies nationales

Abordant la question des barrières non tarifaires Chang Ngueyen de l’OCDE a préconisé leur suppression afin de réussir la complémentarité commerciale en Afrique du Nord.

Pour lui les accords doivent être revisités pour permettre à ces pays d’adopter des mécanismes multilatéraux comme tel est déjà le cas au Maroc et en Tunisie.

Il y a en effet des règles qui peuvent être utilisées pour faciliter la réglementation transfrontalière. La ZLECAF permettra une première phase de négociation électronique. Elle pourra de ce fait avoir un accord similaire pour la réglementation des données à celui conclut il y a quelques mois entre le Royaume Uni, l’Islande et l’Irlande.

En Afrique seuls 15 pays ont mis en place une agence de protection des données car cela suppose beaucoup d’investissements et des ressources humaines qualifiées.

L’agence africaine de protection des données quant à elle existe depuis les années 1960 mais seuls 11 pays font partie de cette convention.

Pour Mohamed H’Midouche Président de IACG-Inter Africa Capital Group (30 ans d’expérience dans le financement des projets et le développement international) seul un bon système de gouvernance peut garantir de bons résultats. Ila donné l’exemple du Cap Vert dont il est le Consul Honoraire au Maroc. Dans ce pays dit-il 900% des investissements viennent de la diaspora.

Pour H’Midouche les mesures tarifaires correspondent à toutes les mesures publiques autres que les droits de douane. Elles peuvent se répercuter sur les prix. Il a distingué les mesures techniques telles que la réglementation, les normes et les obstacles techniques de commerce et les mesures non techniques dont les prix, les canaux de distribution, etc…Ces mesures peuvent influer sur les échanges des biens et services. Et les coûts associés à l’application peuvent influer sur le commerce et peuvent être prohibitives pour les entreprises.

Donc ajoute-t-il, l’utilisation des normes internationales applicables et les bonnes pratiques sont préférables.

Comment alors la ZLECAF milite-t-elle pour la suppression des barrières tarifaires ? Les instruments de ratification ne sont pas encore déposés et ne sont pas encore opérationnels dans beaucoup de pays.

On note une absence de transport efficace et d’infrastructures transfrontalières. Le problème de la facilitation du transport se pose aussi.

H’Midouche a fait état dans ce cadre d’une étude qu’il a eu à piloter sur le corridor Dakar/Bamako où ont été recensés 183 Cheks points finalement réduits à 3 : un à Dakar, un à Bamako et un sur le poste-frontière.

Depuis 1994 la frontière entre le Maroc et l’Algérie est fermée. C’est une barrière non tarifaire et il faut aller en Espagne pour atteindre le port d’Oran.

Autre anomalie au niveau de la ZLECAF : des méthodes de payement inefficaces et peu transparents d’où la nécessité de s’inspirer de l’initiative Afric Zimbang. Nécessité également poursuit H’Midouche de l’harmonisation du droit des affaires avec l’OHADA et profiter des avantages qu’elle offre.

La ZLECAF doit aussi lancer le slogan « Made in africa » et prospecter du côté du grand marché « Halal ».

Au Maroc il y a le « Club Halal ». Le marché Halal pèse en effet la bagatelle de 3000 Milliards de dollars et 95% de ce marché est contrôlé par l’Europe et le Canada qui ne sont pas musulmans et se sont appropriés ce marché juteux. D’où la création du label Halal au Maroc qui certifie les produits. La Banque Islamique est en train d’aider les pays musulmans à développer ce label.

Le second panel de cette deuxième journée a permis aux concepteurs des stratégies nationales susmentionnées de répondre à la question : comment tirer profit de la ZLECAF ?

En introduction Mama Keita directrice du Bureau d’Afrique de l’Est de la CEA et modératrice du panel a souligné depuis Kigali que l’organisation appuie la Mauritanie, la Tunisie et l’Algérie pour la  mise sur pied de leurs stratégies nationales pour la ZLECAF.

Ainsi dit-elle la CEA a contribué à la sensibilisation. La CEA a aussi appuyé près de 40 pays dans ce sens.

Intervenant en premier le professeur Slim Driss a parlé de l’étude réalisé par le ministère tunisien pour la mise en œuvre de la stratégie. Le rapport est en cours de finalisation.

Il a fait état des principales conclusions après analyse du contexte macro-économique depuis 1990. 61% des exportations tunisiennes vont vers l’UE et 10 à 12% vers l’Afrique.

Pour les importations 51% viennent de l’UE et 10% de l’Afrique.

La stratégie prévoit 30 actions qui se résument en 6 axes.

Pour la Mauritanie Isselmou Ould Mohamed a rappelé les avantages attendus de la ZLECAF, puis les leçons pour la Mauritanie et pour le continent, le potentiel des chaînes de valeur en Afrique du Nord et enfin les revendications.

Selon l’expert il y a un retard dans la mise en œuvre du plan d’action de la stratégie mauritanienne ; la sensibilisation des acteurs nationaux est insuffisante. Il y a un déficit de cadre stratégique et il faut plus d’éfforts pour sa mise en application.

Dans sa présentation de la stratégie algérienne, Youssouf Abdalla a affirmé que l’Algérie est un cas particulier. Actuellement le pays est en pleine réformes. Le pays est plus ouvert. Il y a des filières émergentes après le choc pétrolier de 2014. Le taux de pénétration est très faible. Le pays est peu présent sur les marchés étrangers.

Ainsi pour lui la ZLECAF est une nouvelle opportunité pour l’Algérie. Cette adhésion sera accompagnée par des réformes et une ouverture car la ZLECAF conclut-il offre un cadre régional préférentiel.

Conférence de presse

A la fin des travaux du Comité d’experts Mme Zuzana Brixiova Schwidrowski Directrice du Bureau de la CEA en Afrique du Nord a tenu une conférence de presse. Elle était entourée de ses deux collaborateurs les économistes Khaled Houssein et Aziz Jaid.

Elle est revenu sur les résultats du conclave en se félicitant d’emblée de l’entrée en vigueur de l’accord de la ZLECAF. Elle a souhaité l’union des pays de la région car l’union fait la force, a-t-elle noté.

La région dispose d’importants atouts dit Zuzana qui a cité les avantages de la proximité géographique avec des frontières proches de l’Europe ; l’existence de ports comme au niveau de la zone économique de Tanger.

Et le but sera de créer des emplois et des richesses. Elle a parlé aussi de la transition verte.

Revenant sur le thème de la rencontre elle a indiqué que les deux sujets à l’ordre du jour ont été choisis pour leur importance stratégique. En effet l’Egypte et le Maroc sont bien positionnés pour produire des vaccins anti Covid.

Pour Khaled la CEA est un outil essentiel en Afrique pour fournir de l’aide au plan social et économique. L’année 2021 a été dure partout a-t-il noté.

En 2020 la CEA a pris deux initiatives principales : réduire la dette de certains pays comme la Mauritanie et le Soudan et la possibilité de négocier de nouveaux accords avec le FMI. Ces deux initiatives étaient une réussite. Il y a eu une coopération avec les 2 pays cités par rapport aux nouvelles stratégies.

L’Algérie a à son tour bénéficié d’une aide culturelle pour l’intégration au libre échange. Au Maroc un projet est en cours de réalisation. La CEA travaille avec le ministère du plan pour la promotion du développement durable. Il y a eu la mise en place d’un Software pour évaluer les ODD 1, 2 et 3, une expérience pilote au Maroc et en Egypte.

Des activités similaires étaient prévues en Mauritanie et en Tunisie mais elles ont été reportées à cause de la pandémie.

Dans d’autres pays comme le Sénégal, le Maroc, la Côte d’Ivoire…il y a eu un renforcement de capacités dans le domaine de l’émigration. Un observatoire sur l’émigration est sur le point d’être lancé au Maroc qui sera suivi par un autre au Zimbabwé.

Aziz Jaid est quant à lui revenu sur les recommandations de la réunion des experts avec notamment la nécessité de reviser le « bol de Spaghetti » et d’harmoniser les législations afin qu’elles répondent aux engagements des pays.

Il y a aussi des recommandations sur une meilleure gestion des frontières ; sur l’amélioration des infrastructures et des politiques publiques.

Enfin la directrice du Bureau d’Afrique du Nord de la CEA a décliné devant la presse les objectifs de son institution pour 2022 avec un intérêt prioritaire accordée à l’emploi et au développement des compétences. La CEA va apporter des conseils, œuvrer pour l’amélioration de l’environnement et la promotion de l’intégration régionale. Autre domaine prioritaire, l’entreprenariat. Les jeunes et les femmes seront au centre de ces actions.

Pour Zuzana, la transformation structurelle reste un vrai défi. Elle a ajouté que la COP 27 sera organisée en Egypte. De ce fait affirme-t-elle : « Une économie plus verte après la Covid. Voilà le sujet sur lequel on va travailler. »

Bakari Guèye

Marrakech

 

 

 

 

 

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