Conclave à Marrakech des experts de la CEA sur les CVR/ Secteurs pharmaceutique et finance digitale au menu

Le Comité intergouvernemental des hauts fonctionnaires et experts pour l’Afrique du Nord dépendant de la Commission Economique pour l’Afrique (CEA), tient à Marrakech du 24 au 25 Novembre sa Trente-sixième  réunion placée sous le thème : « Potentiel de promotion de chaînes de valeur régionales en Afrique du Nord : Focus sur les secteurs pharmaceutique et la finance digitale ».

Discours officiels

A l’ouverture de la réunion, Mme Zuzana Brixiova Schwidrowski Directrice du Bureau de la CEA en Afrique du Nord s’est réjouit d’emblée de la délibération conjointe de l’Union Africaine et celle du sommet africain de 2021 qui a consacré le lancement de la Zone de Libre Echange continentale (ZLECAF). Elle a salué les efforts pour la mise en œuvre de l’Agenda 2063 pour une Afrique prospère et pacifiée.

La ZLECAF a-t-elle souligné offre de grandes opportunités et l’accent sera mis sur la production et les secteurs industriels.

Elle a affirmé que le secteur agricole et l’entreprenariat représentent beaucoup (+ de 60% des africains ont moins de 25 ans) suivis par ceux dont l’âge varie entre 25 et 40 ans. En effet en Afrique, la transition Enfance/Adolescence/Adulte est différente.

Selon Zuzana le secteur de l’agriculture n’apparaît pas attractif pour les jeunes. Mais avec la ZLECAF a-t-elle assuré l’Afrique a des avantages compétitifs et le continent est leader dans l’agriculture mobile.

S’agissant du commerce intra-africain la ZLECAF ouvrera pour la levée des obstacles existants pour une meilleure productivité des entreprises.

La ZLECAF doit s’impliquer et impliquer les jeunes, poursuit la directrice du Bureau d’Afrique du Nord qui recommande de stimuler la réflexion ouverte et multisectorielle.

Un écho doit être donnée dit-elle aux efforts déployés pour accroître le flux des échanges au niveau régional et l’Afrique du Nord a une opportunité unique pour jouer un rôle central.

De ce fait les stratégies régionales de la ZLECAF doivent être mises en œuvre.

Pour sa part, M.Issaoui, ministre délégué libyen représentant l’ambassade de son pays au Maroc et nouveau président du Comité a loué la générosité du royaume chérifien qui a régulièrement accueilli les rencontres régionales et internationales. Il a aussi remercié la directrice de la CEA en Afrique du Nord et tout le personnel du Bureau qui s’efforce à élaborer la nouvelle vision pour l’Afrique.

Remerciements également à l’Algérie à travers le président sortant du Bureau.

Le continent dit-il dispose d’énormes ressources mais reste paradoxalement celui qui souffre le plus de la pauvreté.

Il faudrait selon le responsable libyen barrer la route à ceux qui privent l’Afrique de ses richesses.

Il a salué cependant les efforts déployés par les cadres du continent pour le sortir de cette situation.

Issaoui a attiré l’attention des participants sur trois points importants. D’abord le fait que tous les pays de cette région ont en commun la langue arabe qui selon lui doit être utilisé par tous dans les réunions de ce gnre ; 2ème point c’est le problème de l’émigration avec la Libye présentée comme la principale victime.

Selon lui la Libye n’est qu’un pays de transit et c’est sur cet aspect qu’il faudrait se focaliser avec l’Europe. De ce fait dit-il l’Europe doit nous aider à sécuriser nos frontières et ses investisseurs doivent nous aider à se développer.

Présentations et débats

Après les discours officiels place aux panélistes avec la première présentation assurée par David Luke, Professeur en Pratique et Stratégie Directeur de l’ Institut Firoz Lalji pour l’Afrique.

Sa présentation a porté sur le potentiel des chaînes de valeur en Afrique et la finance digitale.

Pour lui cette réunion revêt une haute importance car elle va discuter des secteurs porteurs et de la suppression des barrières tarifaires.

Ces sujets sont d’autant plus importants dit-il que le commerce intra-africain ne représente que 5% en 2019 soit en deçà de la moyenne africaine (16%).

Cela note-t-il pose le problème de l’intégration africaine. Mais tous les pays de la sous-région ont pris des engagements pour mener les réformes législatives appropriées afin de créer la confiance.

Et pour David les secteurs de la pharmacie et de la finance digitale sont essentiels pour réussir l’intégration. Ces 2 secteurs assure-t-ils sont fondamentaux pour la libération du potentiel existant. Ils représentaient 80 Milliards de dollars en 2018 et 50 Milliards en 2020 malgré l’impact de la pandémie sur le secteur. L’Afrique du Nord connait sur ce plan un déficit commercial important avec l’Union Européenne.

Elle dépend du marché européen. Donc il convient selon l’expert de développer le marché intra-africain et rechercher d’autres marchés pour réduire cette dépendance.

Le Maroc et l’Egypte sont dans ce cadre les plus grands importateurs de l’UE.

Ces importations portent sur les machines, les produits pharmaceutiques, les véhicules, les produits horticoles, les fruits et légumes…

Quant aux exportations vers l’Europe il y a la pétrole, le gaz…

La solution à ce problème résiderait dans le développement des chaînes de valeurs et les conditions sont là car le marché africain est immense. L’Agenda d’industrialisation conjoint UMA/CEA/ZLECAF existe déjà.

En effet ces chaînes permettent de bénéficier d’une plus grande valeur ajoutée.

Pour les 2 secteurs en question les opportunités sont chiffrées à 259 Milliards de dollars à l’horizon 2030 et avec un potentiel de 16 Millions d’emplois.

D’un autre côté David Luke affirme que les services financiers numériques ont un effet de catalyseur mais selon une étude du PNUD les barrières sont encore nombreuses (taux d’intérêt élevés…)

Les PME ont des difficultés pour trouver des financements. Les entreprises n’ont pas accès au financement de base. Il convient donc d’offrir un financement durable aux PME qui doivent avoir un accès plus facile au crédit.

Mais il y a déjà des transactions numériques sur le continent. Près de 446 Milliards de dollars sur 690 Milliards sont déjà réalisés. Et c’est la banque mobile qui permet cette inclusion bancaire.

Cette première présentation a suscité plusieurs commentaires. La suppression des droits de douane et des barrières tarifaires va multiplier le commerce. Et le principal message sera que l’Afrique du Nord doit réduire sa dépendance vis-à-vis de l’Europe.

Un second point de cette discussion a abordé la possibilité du renforcement des chaînes de valeur, une présentation de Aziz Jaid, Économiste au Bureau de la CEA en Afrique du Nord. Cette présentation est intitulée : «Potentiel des chaînes de valeur régionales en Afrique du Nord: Un exercice de cartographie sectorielle. »

Selon le panéliste : « Les chaines de valeur régionales sont un instrument de promotion de l’intégration régionale, un mécanisme d’élargissement des avantages de la ZLECAf un instrument de transformation structurelle avec la création d’opportunités économiques plus larges que celles offertes par les marchés nationaux en exploitant les dotations factorielles différenciées entre pays membres, les entreprises, intervenant sur ces chaines, renforcent leur compétitivité et agissent comme stimulateur de l’interconnexion des économies de la région. »

Depuis 2014, le Bureau de la CEA pour la sous-région construit un plaidoyer appuyé par des études et recherches en faveur de la promotion de chaines de valeur régionales.

Quatre activités ont été organisées par le Bureau une table ronde des experts, une étude technique sur les chaînes de valeurs régionales, une réunion d’experts et un colloque sur le thème.

Les résultats obtenus sont : un plan d’action sous régional, des orientations de politique, des documents techniques.

Voilà comment se présente la cartographie sectorielle des CVR existantes et une analyse prospective du potentiel de leur croissance : textile & Habillement ; Phosphates et ses produits chimiques dérivés ; Pétrole et gaz ; Energies renouvelables ; Huiles essentielles et produits dérivés ; Fruits, légumes et produits dérivés ; Céréales et sucre ; Filières Halieutiques ; Automobile et Aéronautique.

En conclusion de cette étude présenté par l’expert de la CEA  il conclut que dans l’état actuel de l’intégration régionale en Afrique du Nord, il est crucial que le secteur privé prenne le relais pour stimuler les échanges en exploitant les énormes potentialités de développement des CVR.

Les intervenants ont souligné les problèmes liés à la mise en œuvre des chaînes de valeurs dans la région. Il y a la nouvelle donne avec laquelle il va falloir compter. En effet suite à la crise de la Covid 19 il y a eu une reconfiguration des chaînes de valeurs mondiales.

A la fin de sa présentation Aziz a déployé un plan d’actions en 3 axes à savoir : la facilitation du commerce, les réformes institutionnelles et le développement des capacités des acteurs locaux.

Donc dans les pays d’Afrique du Nord on assiste à une grande réinitialisation et il y a de réelles opportunités de commerce intra-régional et d’intégration offerts par la ZLECAF.

Autre présentation celle de la Conseillère de la CEA Patricia AUGIER Professeur à Aix Marseille /Université (AMU) Aix Marseille School of Economics (AMSE). Elle a fait une présentation de l’étude sur « Le Potentiel de promotion de chaînes de valeur régionale : un exercice de cartographie », une étude déjà abordée par son prédécesseur. Cela a consisté à  Analyser les  exportations et les importations de produits pharmaceutiques des pays d’Afrique du Nord ; Faire le point sur les échanges intra régionaux de ce secteur et analyser le potentiel de développement d’une chaîne de valeur régionale dans ce secteur.

S’agissant des exportations 4 pays seulement sont significativement exportateurs de produits pharmaceutiques : L’Egypte (272 millions de $), le Maroc (117 millions de dollars), la Tunisie (75,7 millions de $) et l’Algérie (5,2 millions de $). Pour ces quatre pays, le montant des exportations de produits  pharmaceutiques a augmenté au cours de ces 10 dernières années.

Les principales destinations des exportations pharmaceutiques sont l’UE avec pour le  Maroc (68%), de l’Algérie (58%) et dans une moindre mesure de la Tunisie (41%). La part des exports destinés à l’UE est de 31% pour le Soudan et de 14% pour l’Egypte.

Et pour la région MENA qui reçoit 57% des exportations égyptiennes, 48% des exports tunisiennes, 22% des exports algériennes, 13% des exports marocaines et quasiment aucune exportation du Soudan.

En termes d’évolution sur les 10 dernières années, c’est la part des exportations destinées à l’UE qui a beaucoup augmenté, sauf pour l’Égypte (pays pour lequel la part est restée constante).

Pour les importations tous les pays d’Afrique du Nord importent. L’importateur le plus important est l’Égypte (2,6 milliards de $), suivi de l’Algérie (1,9 milliards de $), du Maroc (671 millions de $), de la Tunisie (544 millions de $), du Soudan (407 millions de $), de la Libye (226,8 millions de $) et de la Mauritanie (37 millions de $). Pour tous, ces importations ont beaucoup augmenté.

Autre intervention celle de Si Rida, expert de la CEA qui a fait un focus sur le secteur des services financiers et de la finance digitale.

Pour lui ce sont les pays à revenus élevés qui ont pu créer de la richesse contrairement aux pays à revenus faibles. Donc les pays d’Afrique du Nord doivent s’inspirer des modèles européen et chinois pour créer de la valeur ajoutée. C’est selon lui le challenge pour la région.

Il faut créer des entrées intermédiaires et post Covid le besoin de créer ces chaînes de valeur est plus pressant.

Même en Europe on veut récupérer toutes les industries délocalisées mais cette relocalisation demeure incertaine  pour manque de compétitivité et l’Afrique du Nord doit profiter de l’occasion afin de créer une première révolution industrielle.

Cela est possible car les conditions sont réunies (matières premières, capital humain, outils. La région doit passer de l’offshoring à l’e-shoring.

Et l’intégration financière s’impose de fait à cause des restrictions actuelles. Sur ce plan il faut innover et permettre aux PME de se développer.

Les points communs en Afrique du Nord sont les problèmes de l’inclusion financière et l’utilisation du cash. Cette forte utilisation du casch ne facilite pas l’intégration financière. On doit passer poursuit le panéliste d’une économie locale à une économie régionale intégrée.

Le dispositif mobile connaît une forte dynamique de développement des Startups. Les banques ont pu comprendre les demandes des clients. Cette dynamique startup doit être développée dans une logique globale régionale. Il faut une alternative régionale à travers le levier digital.

Il serait nécessaire d’insuffler un sang nouveau en proposant des produits innovants et transfrontaliers.

Il serait aussi intéressant de créer un e-walet régional. Les e-walet sont pratiques et remplacent les cartes. Ils permettront de développer les petites transactions à travers les CBDG (Central Bank Digital Currency).

Le e-walet est un portefeuille qui peut servir à faire des transactions intra-régionales.

Nécessité aussi de développer le Fintech et lui donner une possibilité de e-walet régional, un accès au marché régional pour lever des fonds. Un CDBG régional doit aussi être envisagé.

Abondant dans ce sens Réda Meftah préconise la création d’un switch régional sur le modèle de celui de la BCEAO qui permet les transactions au niveau de la zone CFA.

Le secteur privé reste le catalyseur pour développer les CVR. Il y a aussi l’éducation financière et la capacité building.

Pour les différents intervenants la priorité demeure l’harmonisation des textes et des législations pour développer l’économie numérique régionale. Il convient aussi de séquencer en allant étape par étape.

Pour Meftah, la finance digitale c’est une question de priorité et on ne peut pas libéraliser le compte financier sans réformer le régime de change.

Avec l’appui de la BAD, la CEA a mis sur pied une plate-forme digitale pour les produits pharmaceutiques. Cette plate-forme est opérationnelle. C’est un pont entre les pays et permet l’approvisionnement des différents marchés.

Pour le Consul honoraire du Cap Vert au Maroc et ancien haut fonctionnaire de la  BAD les chiffres avancés par les panélistes ne tiennent pas compte de l’économie souteraine et de certaines réalités importantes. En Algérie par exemple lesentreprises sont fortement subventionnées par l’Etat et en Egypte c’est l’armée qui tient l’économie.

Il y a aussi le phénomène des mamans Benz qui pèsent dans l’économie. Pour lui il faut aussi parler du potentiel local des plantes médicinales.

Intervenant par Zoom, Leila Santici, pharmacienne de la Fédération marocaine des industries pharmaceutiques a souligné que la majorité des exportations marocaines sont destinées à l’Afrique mais passent par l’Europe à travers une plate-forme spécialisée. Le Maroc dit-elle a une industrie pharmaceutique très développée et vieille de 60 ans mais aujourd’hui il y a un désengagement des multinationales. Ainsi les mêmes produits fabriqués et fabricables au Maroc sont importés. Pour Leila, l’Agence africaine du médicament doit être activée. La réglementation doit être revue et harmonisée.

Aure intervenant par Zoom Zakaria Rachid chef de division de la relance économique au ministère marocain de l’économie et des finances qui a abordé le développement du Fintech et du digital. Pour lui, créer un e-walet suppose le développement de l’inclusion financière. Des stratégies nationales dans ce sens existent. Le Maroc a sa propre stratégie qui est un accélérateur de l’inclusion financière. Elle doit être approfondie et il faut user selon lui du mobile payment et d’autres moyens financiers. Le Maroc dispose déjà d’un cadre légal pour mobiliser les financements. Pour Zakaria il faut avoir une vision holistique et réfléchir à la création d’un fonds pour financer les sturtups.

Pour  Mohamed Lemine Vaida, représentant du ministère mauritanien du commerce l’UMA est la région la moins intégré et ce malgré la communauté de langue et de culture.

Selon lui il y a des obstacles pour développer les CVR. L’UMA et la ZLECAF sont des alternatives. Il va falloir aussi corriger un certain nombre d’aberrations. Par exemple on a l’Algérie qui commande la viande rouge du Brésil alors que la Mauritanie qui est à côté dispose de 20 millions de têtes ; idem pour la Mauritanie qui importe le blé de l’Ukraine au lieu de s’approvisionner en Egypte.

Pour Mohamed la crise de la Covid a été un dénominateur commun et a boosté les échanges avec 54 T de produits marocains acheminés vers la Mauritanie régulièrement. Il en était de même pour les produits algériens.

S’agissant de la question financière la plate-forme électronique de la CEA serait une bonne alternative car son système permet de convertir directement la monnaie locale.

En conclusion des travaux de cette première journée, la directrice du Bureau de la CEA en Afrique du Nord s’est félicité de l’accélération du e-commerce pendant la Covid. Le cadre réglementaire de l’Union Africaine propose des outils communs de facilitation a-t-elle noté.

A son tour le nouveau président du comité affirme : « On doit être fier de notre identité ». Pour lui les souffrances des ressortissants de nos pays à l’intérieur du continent doivent cesser. Il faut dit-il se libérer de ces tracasseries. Le comité doit se pencher sur  les problèmes des citoyens. Et il appelle à l’adoption d’une monnaie unique et à une harmonisation de la réglementation pour répondre aux besoins des africains. Pour ce faire conclut-il on doit s’inspirer des expertises du Soudan et de la Mauritanie.

Bakari Gueye

Marrakech

 

 

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