Le bouillonnement autour de la reforme en Mauritanie est un phénomène qui nous interpelle tous. La langue est le support de la culture. En ce sens, quand on perd sa langue, on perd automatiquement sa culture. De ce fait, nos langues doivent être enseignées dans les écoles afin de sauver nos coutumes et traditions. En plus de cela, tous les grands psychopédagogues sont d’accord pour affirmer que tout enfant aura plus de chance de maitriser une langue étrangère, s’il débute son apprentissage dans sa langue maternelle.
Les Négro-mauritaniens aspirent à une école où tous les fils du pays se reconnaissent. Pour ce faire, elle doit former des citoyens qui embrassent toutes les cultures de son environnement et cultiver en eux le civisme. L’histoire des érudits du Guidimakha et de ceux du Fouta, longtemps bafouée, doit être relatée dans les manuels scolaires. L’intellectuel mauritanien, comme n’importe quel autre, ne saurait ignorer les événements qui secouent son époque.
Au lendemain de l’indépendance, les constitutions du 22 mars 1959 et du 20 mars 1961 stipulent que la langue nationale est l’arabe et que le français est langue officielle . Cependant, dans l’imaginaire collectif des Mauritaniens la langue française était considérée comme un moyen d’accéder aux échelons administratifs et de s’ouvrir au monde de la science et de la technologie. Mais il va falloir attendre l’année 1967 pour que le gouvernement modifie la réforme en s’appuyant, en partie, sur des hypothèses politiques. De là, ils vont introduire ce que l’on appelle aujourd’hui l’ « arabisation ». Cette arabisation continue encore aujourd’hui de susciter des controverses. En effet, les Négro-mauritaniens s’identifient à la langue française tandis que les Arabo-berbères qui revendiquent une identité arabe s’identifient, par voie de conséquence, à la langue arabe. Ce qui a eu, entre autres, comme résultat une « division » de la société dont nous continuons de subir les effets depuis 1960. Les conséquences de ce mécontentement causé par ce malaise social se solderont en 1966 par des affrontements dans les établissements scolaires entre les tenants de la langue française et ceux de l’arabe. Toutefois, des efforts ont été entrepris depuis pour minimiser les divergences qui ont toujours marqué la Mauritanie. Il s’agit, entre autres, de la nationalisation des langues comme le soninké, le pulaar et le wolof.
Le système actuel, qui date de 1999, considère l’arabe comme langue officielle et le français langue seconde. L’adoption de ce système n’a pas en tout point donné les résultats escomptés. A titre illustratif, notons qu’en 2021 le taux de réussite au baccalauréat est de 8% en Mauritanie. Ayant vécu l’expérience sur le terrain depuis quelques années, nous avons remarqué que la langue d’enseignement des disciplines scientifiques est substituée, par certains enseignants, par le hassaniya. Pédagogiquement, il n’est pas interdit de faire souvent recours à la langue maternelle de l’apprenant, mais il ne faut pas en abuser. Ceux qui enseignent les matières littéraires, le font en hassaniya et non en arabe standard.
N’oublions pas non plus que la Mauritanie est multiculturelle et plurilingue. Donc, si on utilise une langue en dehors des langues d’enseignement, elle doit être traduite dans toutes les autres langues nationales. Dans le cas contraire, certains seront discriminés. Nous constatons ainsi qu’en Mauritanie la langue cesse d’être un outil de communication pour devenir un instrument de domination.
L’homme est par excellence un être de culture et de relation. Au-delà de sa langue maternelle, il peut acquérir d’autres langues au cours de sa vie pour s’en servir. C’est dans ce contexte que Louis Jean Calvet affirmait que: « Nous ne sommes pas au service des langues mais les langues sont au service des êtres humains.» L’Etat aurait pu prendre des mesures draconiennes pour étudier ce système qui est à l’ origine de l’échec des élèves et des étudiants. Par ailleurs, la Mauritanie s’est lancée dans le système modulaire sans aucune préparation, juste pour se conformer au règlement extérieur et satisfaire aux exigences des bailleurs étrangers. Par analogie, n’oublions pas qu’une belle ville ne se construit jamais sans un plan d’urbanisation. De même, les brigands n’attaquent jamais une banque sans un plan bien arrêté. Tâchons de ne pas oublier cela et tirons ainsi des leçons de notre passé. .
Boulaye Baby CP/Kiffa