Le ministre de l’Education a apparemment choisi la confrontation au dialogue avec les syndicats de l’enseignement.
Ainsi, à la veille de la énième grève qui secoue le secteur depuis l’avènement du président Mohamed Ould El Ghazouani le ministre a mis à contribution ses qualités de rédacteur pour faire un bilan reluisant à mi-parcours.
Ce bilan qui ne résiste pas à la réalité des faits fait figure de subterfuge visant à contrer la grève qui débute ce lundi et se poursuivra jusqu’au vendredi.
Au début de son article panégyrique qui est à mille lieux de la réalité sur le terrain il parle d’emblée d’un nouveau mode de gouvernance du système éducatif alors que le système immuable des nominations n’a pas changé d’un iota. L’appartenance politique demeure le seul critère qui vaille comme nous l’a montré le précédent mouvement au sein de l’administration centrale. Par ailleurs la vieille garde (Responsables centraux, Chefs d’établissements, Inspecteurs, Conseillers pédagogiques…) issue des parachutages politiques, tribaux et ethniques, est toujours là. On se demande alors légitimement quelle est cette nouvelle bonne gouvernance dont parle le ministre. Et parmi les arguments qu’il avance la présence du président de la République et de la première dame à l’occasion de l’ouverture de l’année scolaire à l’intérieur du pays. Autre argument « choc », l’augmentation de 2 pour cent du budget de l’Education.
Parmi les réalisations cités, il y a entres autres : la création du Conseil National de l’Education, des comités de gestion des écoles (700 jusque-là), d’un système informatique pour la gestion du personnel ayant permis le redéploiement de 1000 enseignants et la réouverture de 400 écoles, l’amélioration de l’organisation des examens, le recrutement de près de 5500 enseignants, l’augmentation de la masse salariale de 14 milliards, l’augmentation des indemnités des enseignants, le lancement d’un projet de revalorisation de la fonction enseignante, la réforme des ENI, le lancement du processus de la formation continue, l’augmentation des infrastructures scolaires avec notamment un projet de construction de 2000 salles de classes, la révision des programmes et la distribution de 500000 manuels scolaires, l’extension du programme des cantines scolaires, la bonne réactivité contre la pandémie du Covid …
Le ministre a aussi promis le lancement dans les mois qui viennent d’un projet ambitieux pour l’avancement de l’école. Comprendra qui pourra. Ce projet viendra peut-être supplanter celui de l’école républicaine que le ministre n’a pas mentionné une seule fois dans son article.
Il y a lieu de rappeler que le Conseil National de l’Education qui pèche par l’absence de représentants du corps enseignant n’a pas encore débuté de manière effective ses activités.
Et pour ce qui est du système informatique, il a montré ses limites malgré un coût jugé exorbitant. Le lancement d’une plateforme informatique ayant pour objectif une gestion intégré des établissements scolaires du pays et du personnel, et dont le lacement était prévue au début de l’année scolaire en cours fut un échec patent.
Autre argument superflu, le fait d’affirmer que la masse salariale a augmenté de 14 milliards. Il y a eu des milliers de recrutements et il faut aussi compter avec les indemnités colossales de la pléthore de hauts responsables et autres conseillers dont le travail qu’ils assurent ne représente quasiment rien comparativement à celui des enseignants en classe qui vu leur nombre n’obtiennent que la potion congrue de cette gigantesque masse salariale.
Concernant l’intervention du ministère pour faire face à la pandémie, on aura juste constaté au tout début la distribution limitée de masques et de détergents mais ce ne fut que de la poudre aux yeux provoquée par un effet de mode.
Aujourd’hui alors qu’on est en pleine troisième vague rien n’est fait au niveau des établissements scolaires et même gestes barrières ne sont pas respectés ni par l’administration, ni par les enseignants et encore moins par les élèves.
Quant au projet de revalorisation de la fonction enseignante qui devrait normalement être la priorité des priorités, il demeure toujours à l’état de slogan rabâché à toutes les occasions. On n’en connait ni le fond ni la forme.
Quoiqu’il en soit, toutes ces prétendues réalisations ne peuvent être évaluées qu’à l’aune de ce qui se passe sur le terrain. Or la situation dans nos écoles n’a pas du tout changé. Où sont passés par exemple les 500000 livres dont parle monsieur le ministre quand on sait que même à Nouakchott ces livres sont introuvables dans certains établissements scolaires et dans les kiosques de l’IPN. Mais au marché on en trouve à gogo.
Par ailleurs on ne note aucun investissement pour améliorer l’environnement scolaire. Les écoles sont mal entretenues, mal gérés, certaines sont délabrées et les conditions générales ajoutées à ceux très mauvaises des enseignants n’incitent pas à l’optimisme.
De ce fait, le discours du ministre est destiné exclusivement au pouvoir, au président de la République notamment. Fraîchement reconduit et sûr de son bon droit, il n’a pas jugé nécessaire de faire son mea culpa et de tendre la main aux enseignants qu’il a crânement ignoré dans son article.
Par cette attitude désinvolte le ministre fait une erreur monumentale car sans l’accord des enseignants dont les doléances doivent être discutées et réglées en priorité dans la mesure du possible, on ira nulle part.
L’échec cuisant de l’évaluation des enseignants du primaire pour lequel un budget colossal était prévu (on parle de 5 milliards) et celui des séminaires qui étaient prévus en début d’année pour le secondaire, ainsi que les grèves à répétition qui ont secoué le secteur durant l’année écoulé dont la grève d’une semaine du mois de mars et celle d’aujourd’ hui, ce sont là autant d’occasions qui devraient inciter le ministre de l’éducation à revoir sa copie.
Bakari Guèye