« Meilleures pratiques en matière de création d’emplois / : enseignements de l’Afrique ». Tel est le thème du webinaire organisé ce mercredi 26 Mai à partir de Rabat au Maroc par la Commission économique pour l’Afrique (CEA) et NKC African Economics (Une entreprise du groupe Oxford Economics).
Cet atelier auquel ont participé des représentants des Etats de l’Afrique du Nord et des experts avait pour principal objectif la finalisation d’un rapport continental concocté par les deux partenaires auteurs de cette étude sur la création d’emplois en Afrique.
Elle intervient dans un contexte marqué depuis bientôt une année et demi par la pandémie du COVID-19 qui a porté un coup majeur aux efforts de l’Afrique en matière de lutte contre le chômage et le sous-emploi.
La pandémie menace aujourd’hui de pousser des millions d’Africains dans l’extrême pauvreté, annulant au moins cinq années de progrès dans la lutte contre la misère. Compte tenu des tendances démographiques du continent, cette situation s’aggravera encore davantage si elle n’est pas traitée de manière efficace.
Présentation de l’étude
Au nom du Sous-secrétaire général de la Commission Economique pour l’Afrique , Kaled Hussein, directeur par intérim de la CEA a souhaité la bienvenue à tous les participants. Il a ensuite affirmé que la pandémie a déclenché l’une des crises les plus graves et le coût économique est très sévère pour l’Afrique dont le PIB a chuté de 3,5 à -2,6. L’économie africaine s’est affaiblie en 2020 mais on compte sur une relance fin 2021.
En effet le continent a perdu 30 millions d’emplois. La pauvreté s’est accentuée. Il s’agit cependant d’une opportunité pour l’Afrique qui pourrait adopter un nouveau modèle efficace pour développer une nouvelle valeur ajoutée a souligné Kaled Hussein. Et c’est dans ce contexte a-t-il poursuivi que le Bureau sous-régional de la CEA et le groupe Oxford Economics ont travaillé sur ce projet qui vise à analyser les meilleures pratiques en matière d’emploi en Afrique.
Entrant dans le vif du sujet, Cobus de Hart Consultant à NKC African Economics et un des auteurs de l’étude avec Amal Elbesbishi de la CEA, a présenté les résultats du travail entrepris.
La question qu’il a posé d’emblée est la suivante : Dans quelle mesure le chômage constitue une problématique en Afrique par rapport au reste du monde ?
En Afrique les chiffres du chômage avoisinent les 10 pour cent soit 1 sur 3 contre 1 sur 13 dans le monde. Ces chiffres sont de 2019, avant la crise du Covid. Et depuis il y a eu une perte majeure d’emplois. Au Nigéria par exemple le taux de chômage est passé de 24 à 33 pour cent.
Autre facteur mis en exergue par l’étude : le taux important de l’emploi vulnérable qui est supérieur à la moyenne mondiale dans plusieurs pays comme l’Ethiopie, le Mozambique, la Tanzanie, la RDC….
Il faut aussi prendre en compte la dynamique du chômage en Afrique dans le contexte du profil démographique. L’Afrique a une population jeune. 70 pour cent des habitants ont moins de 35 ans et 40 pour cent de la population sont en dessous de 15 ans.
De ce fait, si un pays n’arrive pas à assurer l’emploi pour sa population cela provoque l’agitation et les tensions sociales.
De nombreux pays ont du mal à créer des emplois. L’exemple de l’Afrique du Sud et du Nigéria qui ont un taux de croissance assez faible, 6 de 2 pour cent de croissance et pas de performance en vue.
C’est le contraire dans des pays comme le Kenya, le Ghana et le Rwanda qui connaissent une forte croissance (plus de 5 pour cent) qui doit se poursuivre au cours des prochaines années. Mais malgré cela il y a une faible offre d’emploi pour les jeunes. Le niveau de la dette publique a considérablement augmenté durant la dernière décennie ce qui oblige ces pays à mener des politiques d’austérité ce qui veut dire moins d’emplois.
C’est dans ce contexte général, ajoute Cobus de Hart, que cette étude analyse les facteurs de réussite dans le domaine de la création d’emplois.
Elle a porté sur un total de 34 initiatives ou projets exécutés dans 15 pays d’Afrique. Dans cet échantillon ont été identifiés les facteurs de succès transversaux (emploi des jeunes, investissements publics, éducation, accès au crédit…)
Suivant une approche structurée, les auteurs de l’étude avaient décidé de catégoriser les 34 initiatives.
D’abord le canal à savoir les mécanismes pour faire avancer les projets, le Partenariat Public-Privé, la réglementation, les emplois jeunes, les PME, le développement des compétences…
Les conclusions préliminaires de l’étude ont montré qu’il y avait eu une bonne performance au niveau des différents projets. Le Focus sur ces différentes initiatives a montré l’importance accordée à l’emploi des jeunes, au renforcement des capacités, à l’accès au marché, à l’entreprenariat et au développement des PME.
Les secteurs ciblés et les résultats obtenus sont étonnants. L’accent a été mis sur l’agriculture, les infrastructures, l’industrie et les nouvelles technologies. Et vu le grand potentiel agricole c’est logique que les initiatives se soient concentrées sur ce secteur.
Pour les NTIC aussi ce n’est pas étonnant car c’est le secteur avec la plus forte croissance observée au cours de ces dernières années.
Les conclusions de l’étude soulignent l’importance de tirer profit du secteur privé. Le Partenariat Public Privé (PPP) a été couronné de succès dans la plupart des projets.
Autre recommandation concernant le chômage c’est de développer les compétences en les alignant sur la demande du marché et en les adoptant aux politiques de développement.
Partant des facteurs de succès qui ont caractérisé ces initiatives, l’étude préconise l’importance de capitaliser sur le secteur privé et l’intégration des chaines de valeurs.
L’employabilité est aussi importante et il est aussi crucial de développer les compétences.
La majorité de ces initiatives est d’ordre général d’où une approche holistique.
La conclusion finale considère que dans n’importe quel pays il y a des bases fondamentales qui assurent la création des emplois à savoir de bonnes infrastructures, une politique claire de l’emploi et les conditions générales doivent être propices.
Abondant dans le même sens que son prédécesseur, le professeur Aomar Ibrouk de l’université de Marrakech a insisté sur la nécessité d’améliorer l’employabilité et s’est interrogé sur les défis structurels qui sont à l’origine du blocage. Il a parlé du paradoxe africain et a affirmé que la croissance africaine est faible en emploi. Elle ne crée pas suffisamment d’emplois.
Quant au profil des emplois, il est dit-il marqué par la prédominance de l’emploi vulnérable. Il y a aussi que les secteurs porteurs de la croissance ne génèrent pas suffisamment d’emplois.
Parmi les facteurs qui expliquent la montée en flèche du chômage il y a la faiblesse du secteur privé et du climat des affaires, les problèmes du financement, de la gouvernance, les défis liés à l’investissement, le manque de compétences pratiques et la contribution sous-optimale du facteur humain à la croissance. La réglementation du marché du travail est aussi une contrainte importante.
Pour le professeur Aomar Ibrouk il s’agira de capitaliser sur les initiatives et d’a gir au quotidien sur la croissance inclusive pour la création d’emplois décents.
Ibrouk a également abordé les nouveaux défis du Covid 19 pour le marché du travail en Afrique du Nord. Il a préconisé l’augmentation de la résilience et l’intégration dans l’équation des PME qui sont le socle des économies africaines.
Par ailleurs, le seul critère pour les bonnes pratiques demeure le nombre d’emplois générés.
Pour les recommandations, Ibrouk propose la personnalisation de l’aide et la coordination de son implémentation ; Faire de la formation un levier de résilience et enfin améliorer le climat des affaires.
Pour le Dr HASSAN Youssif Conseiller au ministère des Affaires Sociales du Soudan, cette étude vient à point nommé, à un moment où les économies africaines font face à une conjoncture difficile. Il estime qu’il est tout à fait intéressant d’adopter les meilleurs pratiques en matière d’emploi. Il faudrait également ajoute-t-il envisager des incitations pour augmenter les opportunités d’emplois. Les meilleures pratiques peuvent être aussi répliquées dans d’autres circonstances dans un certain nombre de secteurs comme les NTICS.
La structure du marché du travail continue de changer et les nouvelles tendances qui apparaissent peuvent être considérées comme des leviers pour la promotion de l’emploi et l’atteinte des ODD.
La création des emplois en Afrique nécessite une grande stratégie et une stabilité du marché note le fonctionnaire soudanais qui assure que ce rapport est excellent et va contribuer à informer davantage les décideurs du continent.
Alia Jemal, Directrice juridique de l’OIT et les experts présents à ce webinaire ont apporté de précieuses contributions qui seront prises en compte et vont améliorer ce rapport qui sera rendu public après sa finalisation.
Bakari Guèye