Le retour en Mauritanie ce soir, après plus de dix ans d’exil de Mohamed Mustapha Ould Limam Chafi suscite un grand enthousiasme mais aussi beaucoup d’interrogations.
Ce ressortissant de la ville de Guérou issu de la tribu commerçante des Tajakant s’est fait un nom à l’extérieur du pays et notamment dans la sous région Ouest Africaine. Il fut conseiller de plusieurs chefs d’état africains, notamment du burkinabé Blaise Campaoré. L’homme a également de solides attaches au Maghreb surtout au Maroc mais aussi dans le Golfe. Et ce n’est pas un hasard si l’avion spécial à bord duquel il a embarqué ce dimanche matin est parti de l’aéroport international Hamad de Doha. Et c’est là un symbole très fort et en dit long sur la puissance de l’homme. En effet depuis juin 2017 aucun vol n’a été autorisé entre le Qatar et la Mauritanie suite à la rupture des relations diplomatiques entre les deux états membres de la ligue arabe.
Ce précédent constitue ainsi un bon signe pour la reprise des relations. Cela devrait constituer un bonus pour Chafi qui reviendrait à l’offensive en quête d’une place convenable dans les rouages du système mauritanien, une nouvelle tentative qui pourrait être la bonne après celle avortée durant le cours intermède de l’ex président Sidi Ould Cheikh Abdallahi.
Dans un communiqué de presse publié à la veille de son retour au pays Chafi annonce les couleurs. Et au-delà de l’expression des sentiments envers la mère patrie et envers les citoyens qui l’ont soutenu au cours de cette épreuve, ce sont les signaux politiques qui attirent le plus l’attention avec notamment la dénonciation des grands maux du pays (la gabegie, le racisme, l’exclusion et l’inégalité des chances). Ainsi il a lancé un appel aux mauritaniens pour s’unir afin de lutter pour la concrétisation des valeurs de liberté, de démocratie, d’égalité. Le pays dit-il suffit à nous tous et a besoin de nous tous.
Comme on le voit dons c’est un Chafi très offensif et disposé à jouer son rôle qui s’est adressé aux mauritaniens.
L’homme a longtemps été en exil et il avait eu mailles à partir avec l’ex président Maawiya qu’il avait activement combattu. C’est ainsi qu’en 2004 il aurait échappé à une tentative d’enlèvement à Lomé par les services de renseignements du régime.
Et avec l’ex président Aziz, ce n’était pas non plus le grand amour entre les deux hommes.
Le 28 décembre 2011 l’ancien régime de Aziz avait lancé un mandat d’arrêt international contre Chafi, accusé de financement du terrorisme, d’intelligence avec des groupes terroristes et d’appui logistique et financier à des groupes terroristes en activité dans le Sahel. Mais en février dernier, après l’installation du président Ghazwani au pouvoir, le pôle anti-corruption du parquet au tribunal de Nouakchott a annulé les poursuites judiciaires et ce mandat d’arrêt contre Moustapha Ould Limam Chafi.
A noter que Chafi est mondialement connu pour ses talents de fin négociateur lors de prises d’otages dans le bourbier sahélien.
Au fil des ans, il a démêlé l’écheveau de plusieurs opérations complexes voire désespérées et il est même parvenu dans certains cas à négocier directement avec les redoutables chefs djihadistes tels que Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar.
Chafi a également joué un rôle de premier plan dans des crises majeurs un peu partout en Afrique de l’Ouest : au Niger, en Guinée…
Fin connaisseur des rouages des pouvoirs africains, ce diplomate sac à dos est considéré comme la boite noire de la sous région Ouest africaine et sahélienne.
Avec son retour au pays cet authentique nomade mettrait fin à ses pérégrinations à travers la sous-région et le monde et aura peut-être enfin l’occasion de mettre toute son expertise au service de son pays qui en a cruellement besoin.
Et le fait qu’un baron de l’UPR ait été présent à l’accueil, au bas de la passerelle, est tout à fait révélateur.
Bakari Guèye