L’élection du futur Bâtonnier de l’Ordre National des Avocats de Mauritanie sera définitivement tranchée le 06 Août 2020. Un grand rendez-vous avec l’histoire, si l’on sait ô combien le chemin à parcourir fut long et le combat rude.
Cette profession éprouvée et affectée par une série interminable de faux rendez-vous, de rendez-vous ratés et de coups montés a survécu, tant bien que mal à ces multiples secousses.
Il faut reconnaître à l’école classique et originelle au sein du Barreau de Mauritanie, sa grande capacité d’adaptation. Même durant les périodes d’exception, surtout durant ces périodes incertaines. Ces avocats que la majorité de l’opinion au sein de la classe intellectuelle désigne sous le vocable «Avocats professionnels », ont résisté à l’adversité, pour que le rempart de vérité, de justice et de sacralité des droits de la défense, soient toujours préservés. Nul n’ose aujourd’hui contester la légitime appartenance de Maître Brahim Ebetty à cette famille de professionnels, à cette école classique et originelle, pas même ses détracteurs (plus nombreux dans le cercle des Avocats non professionnels, croyez-le ou pas, ce cercle existe bel et bien).
Au premier tour de l’élection, le résultat des urnes fut honorable, il a cependant reflété une réalité indéniable : la grande disparité au sein des avocats, elle est le résultat de plusieurs années de saccage et de sabotage de la profession. Une faille dans le système, exactement comme ce que vécut la presse indépendante à la fin des années 90 et l’arrivée en masse des « peshmergas ». La Presse Indépendante n’a pas survécu à cette opération de destruction organisée, les avocats ont eu du mal à y résister et continuent d’en payer les frais, encore aujourd’hui.
Toutes les grandes « batailles », depuis les procès en période d’exception, passant par les procès politiques et ceux de délits d’opinion, ont été l’œuvre de cette école classique dont les ténors sont heureusement, pour la majorité, encore parmi nous. Comment ne pas les assimiler à cette opposition, tant diabolisée, du moment que l’on ne peut les affilier aux chantres des pouvoirs qui se sont succédés ? Comment ne pas leur livrer bataille, du moment que leur engagement pour les nobles causes dérange ?
Il ne s’agit pas ici de faire un exposé sur la genèse du Barreau, il est juste utile, en ce moment décisif d’en rappeler les grandes lignes. Ainsi, après tant d’années de résistance, après avoir perdu tout espoir de rendre à la profession ses lettres de noblesses, nous voilà, comme au temps de la création de l’Ordre National des Avocats, comme par magie, en train d’élire librement, sans aucune interférence, sans aucune entremise des pouvoirs publics, un bâtonnier digne de nous représenter.
Le cercle des avocats non professionnels ne s’y retrouve plus, ce cercle arrivé au sein du barreau par des voies peu honorables, émaillées de conciliabules et de clientélisme, a pour habitude de se faire parrainer. L’exercice de la profession n’est pas le but qu’il recherche, elle (la profession) est juste le moyen par lequel il veut perpétuer et imposer sa médiocrité. Fort heureusement, la majorité écrasante, même si bon nombre est longtemps resté sous l’influence négative des « arrivistes », continue d’appartenir encore à cette école classique de professionnels.
L’avocat professionnel est d’abord, celui qui exerce régulièrement ce métier, veille à en préserver la moralité. Il ne manigance pas contre ses clients, respecte scrupuleusement le principe du contradictoire, ne dissimule pas les preuves, a un sens aigu des droits humains ; contribue à améliorer, par ses remarques, par sa pratique, la vie sociale et juridique de ses concitoyens ; à sensibiliser sur les besoins en réforme, afin d’améliorer l’administration de la justice, en mettant le doigt sur les lacunes ou insuffisances…etc. Tout Avocat est par ailleurs, de facto, un défenseur naturel des Droits de l’Homme (nous en avons vu qui se sont ligués et acharnés dans des affaires où leur devoir moral dictait une toute autre attitude) ; être avocat modèle résulte d’un long apprentissage, que seul l’exercice continu et constant peut asseoir.
En conséquence, les présentes élections, enfin libres sont donc un rendez-vous important avec l’histoire, pour les avocats et il serait hasardeux sinon même périlleux de rater ce rendez-vous. Il faut que le futur Bâtonnier soit un Homme doué d’un sens aigu des réalités de la situation, capable de réunir sous de bons auspices l’ensemble des Avocats, surtout ceux qui voteront contre lui.
Plus que jamais il est urgent pour les avocats de regagner la confiance des justiciables, de la justice et de l’ensemble des intervenants. Un travail de longue haleine qui ne pourra se réaliser que sous l’égide d’un Homme connu pour ne pas transiger sur les principes, coûte que coûte et vaille que vaille. Nul ne saurait douter de l’Homme de la situation pour qu’enfin, chaque Avocat se sente dignement représenté.
Me. Cheikh Sall