1er Août 2019/1er Août 2020 : un an jour pour jour depuis que le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazwani a pris les rennes du pouvoir en Mauritanie.
A l’heure des comptes, son bilan est mitigé. Malgré une année difficile marquée par la pandémie de la Covid 19 et un héritage assez lourd, des avancées ont eu lieu.
Et l’apaisement voire l’assainissement de la scène politique fut un grand succès.
Ainsi, dès son installation au palais, le président Ghazwani a envoyé un signal fort en décrétant ipso facto un armistice avec tous les acteurs politiques.
Coup sur coup il a reçu en audience tous ses concurrents à l’élection présidentielle qui fut assez agitée.
Il a par la suite reçu les principaux leaders politiques, toutes tendances confondues. L’institution de l’opposition a été activée et associée au jeu politique. Elle est officiellement reçue et participe dorénavant aux manifestations officielles d’envergure. Bref elle a recouvré toute sa plénitude.
On a noté par ailleurs un semblant de symbiose entre l’opposition et la majorité qui jusque-là se regardaient toujours en chiens de faïence.
Maintenant elles s’assoient sur une même table et signent des communiqués conjoints, une avancée inimaginable il y a tout juste un an.
Ainsi donc l’assainissement de la scène politique c’est en soi une très grande victoire surtout quand on sait qu’on sort d’une crise politique qui a duré plus de10 ans.
Aujourd’hui l’opposition est associée ou du moins consulté dans le cadre de la gestion de la pandémie de la Covid 19. A l’occasion de la commémoration du dernier anniversaire de l’indépendance nationale ses chefs étaient conviés à la cérémonie solennelle. Ils étaient également côte à côte avec le président de la République lors de l’édition passé du Festival des villes anciennes. Il s’agit là d’autant de symboles et de signes d’ouverture que l’opposition a su apprécier à leur juste valeur tout en estimant qu’il va falloir encore beaucoup plus pour normaliser la situation politique et la gestion du pays.
Autre éclaircie dans le bilan du président, on n’a pas assisté depuis son arrivée à des affaires judiciaires rocambolesques.
A noter également une nette amélioration de l’offre médiatique publique notamment, avec une grille des programmes plus attrayante au niveau de la télévision nationale, avec une ouverture vers l’opposition mais aussi au niveau de Radio Mauritanie et de l’Agence Mauritanienne d’Information(AMI). Il y a lieu de souligner dans ce cadre la mise sur pied par la Présidence d’une commission chargée de la réforme du secteur de la presse.
La création d’une commission d’enquête parlementaire qui a mené son travail d’investigation sur les crimes économiques en toute indépendance, est une première en Mauritanie et elle a consacré la séparation des pouvoirs, ce qui en soi est une nette avancée de la démocratie dans le pays.
Sur le plan diplomatique, le président Ghazwani a à son actif une belle victoire avec la tenue à Nouakchott le 30 juin dernier d’un important sommet du G5 Sahel qui a eu un retentissement mondial avec la participation directe ou indirecte des grands acteurs de la scène internationale. En pleine crise de la Covid on a noté le déplacement à Nouakchott d’Emmanuel MACRON, Président de la République française et Pedro SANCHEZ, Président du Gouvernement du Royaume d’Espagne. Et en plus de tous les chefs d’Etat du Sahel on a enregistré la participation de Moussa Faki MAHAMAT, Président de la Commission de l’Union africaine et Louise MUSHIKIWABO, Secrétaire Générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie.
Etaient aussi présents par vidéoconférence : Charles MICHEL, Président du Conseil européen ; Angela MERKEL, Chancelière de la République Fédérale d’Allemagne ; Giuseppe CONTE, Président du Conseil des Ministres de la République Italienne et Antonio GUTERRES, Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies.
Par ailleurs, le président Ghazwani a su tirer profit de certains forums internationaux pour s’ériger en leader Tiers-mondiste faisant de l’effacement de la dette des pays pauvres un cheval de bataille.
L’économie constitue la face sombre du tableau. Normal quand on sait que le président a trouvé devant lui des caisses vides et la pandémie est venue pour compliquer les choses.
Autre ombre au tableau, le domaine de l’éducation. En effet, un an après, on ne voit toujours pas les contours de l’école républicaine promise par le président. Les départements chargés du secteur éducatif continuent à faire cavalier seul et l’on semble s’acheminer vers une énième réforme clé en main, un vrai gâchis.
Le système continue à opter pour les vieilles recettes en organisant des ateliers et autres séminaires, un gouffre financier qui a montré ses limites.
Il y a lieu cependant de souligner la volonté de réforme dans certains secteurs comme la santé et la jeunesse. Des efforts sont entrepris mais les résultats sont en deçà des attentes
Le ministère de la santé a enclenché une réforme ambitieuse qui a certes fait des vagues mais qui a permis d’enregistrer des succès. Idem pour le ministère de la Jeunesse et de l’Emploi qui fait du bon travail.
Seulement avec une équipe gouvernementale hétéroclite, avec la présence de certains symboles de l’ancien régime, cela a perturbé l’action gouvernementale et a jeté un discrédit sur le président. Aujourd’hui le changement d’hommes devient impératif d’autant plus que cela devient une demande populaire.
Sur le plan de la gestion de l’Etat les ministres ont droit à une plus grande marge de manœuvre et sont responsables de la gestion de leurs départements et de leurs bilans. Cet esprit d’initiatives qui est nouveau a poussé certains d’entre eux à innover et à prendre des initiatives, parfois intéressantes. D’autres par contre ont préféré emprunter les sentiers battus.
Sur les grands dossiers du programme présidentiel liés à la lutte contre les inégalités, les choses ont du mal à prendre forme.
Le lancement de l’agence « Taazour » a bien eu lieu mais les résultats se font toujours attendre. Cette agence qui a raté sa première opération d’envergure avec une distribution de kits alimentaires qui fut un fiasco, cristallise aujourd’hui toutes les frustrations. Des projets ont été certes lancés ça et là mais l’impact sur les bénéficiaires est mitigé. « Taazour » donne l’impression de déjà vu et semble bâti dans le même moule que son prédécesseur « TADAMOUN » qui avait privilégié l’investissement dans les éléphants blancs au détriment du volet social pour lequel elle était censée agir.
Autre grand chantier laissé en rade, c’est celui de la cohésion sociale et de la lutte contre les inégalités. Sur ce terrain là on ne note pas une évolution notable et aucune initiative allant dans le sens d’une discrimination positive en faveur des couches les plus vulnérables et autres exclus du registre national.
Le mode de gestion de l’Etat n’a pas encore fondamentalement changé et les forces conservatrices (Chefs de tribus, Chefs religieux) ont toujours le vent en poupe.
Seulement avec le dossier de la Commission d’enquête parlementaire qui vient de prendre une nouvelle tournure, on espère que ce sera le déclic qui permettra au président Ghazwani de changer définitivement de cap et d’enclencher le changement tant attendu.
Bakari Guèye