L’ex président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a échappé de justesse à l’oral de la commission d’enquête parlementaire appelée à faire la lumière sur gestion douteuse de près de 12 années de pouvoir.
Le principal accusé s’est finalement dérobé à sa convocation qui était prévue le 9 juillet, optant pour la politique de la chaise vide.
Mais toujours est-il que la commission s’était apparemment bien préparée à ce face à face inédit en élaborant un questionnaire qui fait figure d’acte d’accusation. Ce questionnaire passe au peigne fin les principaux actes de délinquance financière sous le magistère de Mr Aziz. Et les faits sur lesquels devait être interpellé l’ex président donnent le tournis. D’abord la vente de biens publics (écoles, façades de l’école de police et du stade olympique, caserne de la fanfare nationale, etc) à Nouakchott et à Nouadhibou, une vente jugée illégale et qui serait en porte à faux avec la législation en vigueur. Et plus grave encore ce patrimoine public aurait été bradé en faveur des proches de l’ex président avec parfois des prix quatre fois moins chers que le prix normal.
Autre question à laquelle devait répondre Mr Aziz, l’octroi en 2010 de 580000 m2 au centre ville de Nouakchott. Ajouter à cela la distribution par le ministre des finances de terrains couvrant une superficie d’un million cinq cent mille km2, des parcelles d’environ 1000 m2, des distributions qui ont eu lieu entre 2017 et 2019 et qui auraient bénéficié à des proches du président et à des sociétés fictives.
Il y a eu aussi entre 2018 et 2019 l’octroi de 21700 ha en milieu rural en faveur d’investisseurs douteux.
Sur l’accord avec l’entreprise Nejah (NMW) qui a réalisé l’aéroport Oum Tounsy l’ex président devait s’expliquer sur l’illégalité de cet accord et sur les raisons de l’octroi d’une partie des terres de l’ancien aéroport à des membres de sa famille.
Autre question à l’ordre du jour ; elle a trait au blanchiment de capitaux. En effet des enfants de Aziz, sa femme ainsi que l’un de ses proches auraient investis de gros montants pour l’achat de biens fonciers.
Au sujet des marchés concernant l’éclairage public par le biais de l’énergie solaire la commission voulait interpeller Mr Aziz sur les raisons de la création puis de la liquidation de l’ANADER. Dans ce projet le fils du président Aziz était au centre des tractations et c’est lui qui a choisi le principal acteur du projet qui aurait bénéficié de deux gros marchés qui se chiffrent en milliards en2012 et 2013. Et la commission de s’interroger à quel titre le fils de Aziz agissait-il ?
Le terminal des conteneurs était également au centre des préoccupations de la commission d’enquête dont les membres auraient voulu savoir pourquoi des sociétés mondialement connus telles que Bolloré, SFI et DP avaient été écartées au profit d’une petite société appartenant à deux indiens et qui aurait signé le protocole d’accord avec la Mauritanie un jour seulement après sa création. La commission a adressé à Aziz une batterie de questions à ce sujet et s’est émue du danger que constitue l’ouverture du capital du port pour les partenaires locaux.
D’autres questions embarrassantes devaient être adressées au président Aziz. Entre autres sur la Fondation de la SNIM qui a opéré en dehors de son champ d’action avec notamment un financement de 240 millions injectés dans la ferme de l’ex président.
Un gros marché concernant l’aliment de bétail aurait également été conclu avec un importateur local. Il s’agit de 20000 T de produits périmés que le CSA s’était refusé d’acquérir. Les sociétés ayant bénéficié du marché des aliments pour bétail et de la vente du blé périmé au CSA appartiendraient à Aziz.
Les marchés dans le domaine des infrastructures routières ont été également passés au peigne fin et il s’est avéré selon la commission d’enquête que les professionnels du secteur ont été systématiquement écartés au profit de néophytes proches de Aziz, des prestataires de service qui étaient les principaux bénéficiaires de ces marchés.
Et sur 102 marchés octroyés, 96 l’ont été sous forme du gré à gré en violation flagrante des textes en vigueur.
Aziz devait aussi répondre sur le sabordement de l’ENER. Les gros marchés dans le domaine de l’électricité ont bénéficié à ses proches et il était invité à s’expliquer sur les manquements constatés entre autres sur les conditions d’attribution de la centrale duale de 120 MGW ainsi que la centrale de 60 MGW financé par la BID, deux marchés attribués à la même société.
Autre gros morceau sur lequel Aziz devait s’expliquer : les marchés de la SNIM et sa politique commerciale. Entre 2010 et 2013, la SNIM a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 800 milliards d’ouguiyas mais malgré cela la société a frisé le dépôt de bilan en 2015. Aziz devait s’expliquer sur ce paradoxe et sur l’utilisation de cette manne financière. Il devait s’expliquer aussi sur le parachutage de son propre gendre qui devient le représentant de la société à Paris et son directeur commercial de fait.
Voilà c’est sur des faits concrets et aussi graves que l’ex président Mohamed Ould Abdel Aziz était appelé à répondre devant la commission d’enquête parlementaire. Des faits qui l’enverront directement devant la haute cour si réellement le président actuel Mohamed Ould Cheikh El Ghazwani va répondre à la volonté de la plupart des mauritaniens qui demandent des comptes à l’ancien président.
Synthèse Bakari Guèye