Plateforme DESC Afrique francophone : Covid 19 : les États doivent mettre les droits humains au cœur de leurs réponses à la crise

L'évolution de la CoViD-19 dans les pays de la Francophonie - l ...

Alors que le COVID-19 touche toute l’humanité et représente un défi mondial d’une ampleur sans précédent, la plateforme DESC Afrique francophone (PDAF) croit fermement qu’une réponse coordonnée, inclusive, sensible au genre et fondée sur les droits humains est la seule façon de surmonter cette crise sanitaire ainsi que ses graves conséquences économiques et sociales.

Nous, organisations membres de la plateforme, exprimons notre solidarité avec toutes les personnes qui souffrent du COVID-19, ainsi qu’avec celles qui travaillent jour et nuit pour sauver des vies. Nous présentons également nos profondes condoléances à toutes les personnes qui ont perdu des êtres chers.

La pandémie du COVID-19 met en lumière la situation critique des droits économiques, sociaux et culturels en Afrique subsaharienne et révèle le manque d’engagement des États à mettre en œuvre ces droits fondamentaux. Dans ce contexte, nous craignons que certaines des mesures prises pour contenir la pandémie n’exacerbent les inégalités préexistantes dans l’accès aux services de base, la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels et affectent de manière disproportionnée les populations vulnérables.

Face à la crise actuelle, nous appelons tous les gouvernements d’Afrique subsaharienne à adopter une réponse inclusive, sensible au genre et fondée sur les droits humains qui soit adaptée aux besoins des personnes les plus vulnérables, y compris les personnes vivant dans des bidonvilles et des zones rurales, les personnes sans-abri, les personnes privées de liberté, les déplacés et réfugiés, les demandeurs d’asile, les migrants, les personnes handicapées, les personnes âgées, les personnes vivant avec le SIDA et d’autres maladies chroniques, ainsi que les enfants. En particulier, les gouvernements doivent garantir que toutes leurs populations jouissent de leur droit à l’information ainsi que de tous les droits économiques,sociaux et culturels sans discrimination. Ceci inclut d’assurer l’accès à des informations fiables et actualisées sur le COVID-19, un accès à l’eau potable, aux soins de santé et autres services sociaux de base.

En Mauritanie et au Gabon, l’accès à l’information a été restreint par les autorités. Les systèmes de santé mal équipés et le manque d’accès aux soins de santé, en particulier pour les personnes vivant dans les zones rurales, aggravent les cas de discrimination dans l’accès aux soins de santé.

Alors que l’hygiène personnelle est une des principales mesures de prévention de la contagion, en Afrique subsaharienne, l’accès à l’eau potable, aux installations sanitaires et aux dispositifs de lavage des mains appropriés est parmi les plus bas au monde[1].En RDC et en Mauritanie, alors que le gouvernement a annoncé la gratuité de l’eau pendant 2 mois, la mesure n’est pas efficace car elle ne parvient pas à remédier au manque de points d’eau potable dans de nombreux ménages.

Les mesures d’accompagnement prises pour assurer le droit à l’éducation ne parviennent pas à combler la fracture numérique et électrique. En effet, la connexion Internet n’est pas accessible au plus grand nombre qui ne peut pas suivre les cours en ligne. Lorsque l’électricité ou la radio ne sont pas disponibles, les élèves et les étudiants se retrouvent sans aucun soutien. Cela affecte en particulier les filles qui finissent par aider la famille à joindre les deux bouts dans le secteur informel, sans protection appropriée ni distanciation physique.

Nous appelons également tous les États qui imposent des restrictions à la liberté de circulation à prendre des mesures efficaces pour atténuer les répercussions de telles restrictions sur les travailleuses et travailleurs de l’économie informelle.

En effet, observer une distance physique et rester chez soi sont des mesures préventives primordiales que les femmes et les hommes travaillant dans l’économie informelle ne peuvent se permettre sans un soutien ciblé des États. En moyenne, l’emploi informel représente en moyenne 86%de l’emploi total en Afrique[2]. La majorité sont des travailleurs indépendants ou qui contribuent au travail familial qui étaient déjà confrontés à l’insécurité, à de faibles revenus et au manque de protection sociale avant la crise sanitaire actuelle. Les prix des denrées alimentaires sont en hausse notamment au Gabon et en RDC, ce qui a un impact sur le droit à l’alimentation et la capacité de nombreuses personnes à rester à la maison comme prescrit car leur alimentation quotidienne est dictée par ce qu’ils gagnent quotidiennement.

Alors que divers fonds pour soutenir les plus pauvres, y compris les personnes travaillant dans l’économie informelle, ont été créés, les critères d’attribution demeurent flous. AuTogo une des conditions à remplir pour bénéficier d’une aide est la détention de la carte d’électeur, ce qui exclut de fait une partie de la population.  En Mauritanie, la distribution de vivres ne concerne que les populations de la capitale Nouakchott. Les populations de l’intérieur ne bénéficient pas encore de ce dispositif.

C’est pourquoi nous appelons les gouvernements à réaliser le droit à la protection sociale en intégrant la protection sociale dans leurs réponses à court et à long termeà la crise. Les États doivent investir dans l’expansion des programmes de protection sociale, y compris l’expansion verticale et horizontale.

En outre, nous sommes profondément préoccupéspar le fait que bon nombre des mesures jugées nécessaires pour contrôler la propagation du virus augmentent les risques liés à la violence basée sur le genre et la violence (VBG) contre les femmes et les filles. À cet égard, nous appelons tous les gouvernements à veiller à ce que l’atténuation des risques de VBG soit intégrée dans la réponse au COVID-19. En particulier, les gouvernements devraient réorganiser et renforcer les services de soutien existants pour les victimes de VBG et veiller à ce que des informations sur les services de soutien soient disponibles, y compris dans les zones rurales et difficiles d’accès.

Nous espérons que ces temps difficiles jetteront un nouvel éclairage sur l’importance des droits économiques, sociaux et culturels, droits fondamentaux mais négligés, et sur la nécessité pour les États de les réaliser et les partenaires internationaux de les soutenir systématiquement.

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Contact : Human Dignity, association coordinatrice de la plateforme :info@hdignity.org

La plateforme DESC Afrique francophone (PDAF) est le premier réseau d’ONG francophones engagées dans la protection et la promotion des DESC en Afrique Subsaharienne. Créé en mars 2017 par Human Dignity, elle a pour objectif de fédérer un mouvement régional pour la promotion et la défense des DESC.

Membres de la plateforme

  1. Alerte Congolaise pour l’Environnement et les Droits Humains (ACEDH) – RDC
  2. Association des Parents d’Élèves des Écoles Catholiques – RDC
  3. Association mauritanienne des droits de l’Homme – Mauritanie
  4. Bender Djedid – Djibouti
  5. Changement Social Bénin – Bénin
  6. Coalition pour l’Éducation Pour Tous – BAFASHEBIGE – Burundi
  7. Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT) – Togo
  8. Conseil National des organisations de la société civile guinéenne (CNOSCG) – Guinée
  9. Human Dignity – organisation fondatrice et coordinatrice de la plateforme
  10. Mouvement Populaire pour la Santé au Gabon – Gabon
  11. Réseau Progrès Et Développement Humanitaire du Niger (REPRODEVH) – Niger
  12. Réseau Ivoirien pour la Défense des Droits de l’Enfant et de la Femme (RIDDEF) – Côte d’Ivoire
  13. Société Internationale pour les Droits de l’Homme/ Section Sénégal (SIDH) – Sénégal
  14. Syndicat national des agents de la formation et de l’éducation du Niger (SYNAFEN) – Niger
  15. Union des Personnes Handicapées du Burundi – Burundi

[1]En 2015, seulement 24% de la population de l’Afrique subsaharienne avait accès à l’eau potable. VoirRapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau 2019: ne laisser personne pour compte, Programme mondial de l’UNESCO pour l’évaluation des ressources en eau, page 153, disponible sur https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000367305

[2]Emploi et questions sociales dans le monde: Tendances 2019, Organisation internationale du Travail, page 30,disponible surhttps://www.ilo.org/global/research/global-reports/weso/2019/WCMS_713012/lang–fr/index.htm



Communiqué de presse

30 avril 2020



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