En écoutant les uns et les autres, notamment sur la question de l’esclavage statutaire ou coutumier, donc par ascendance, je me suis aperçu que de nos jours, beaucoup d’intellectuels et cadres soninkés se rangent du côté des masses populaires analphabètes.
Les paroles le plus couramment proférées sont, entre autres : «L’esclavage est révolu »; «Nul ne doit être exploité, légué et/ou cédé»; «Tout le monde doit être traité sur un pied d’égalité ». Ces propos sont certes augustes et fédérateurs. Ils sont tout de même ironiques. Car étant issus de l’horde féodal, ces derniers ne peuvent ni tenir des discours prolifiques ni ériger des lois fiables, encore moins trouver des compromis sur des sujets à caractère litigieux.
Il est à déceler aussi chez ces personnes un sentiment d’indifférence voire un comportement d’apathie et de passivité. Loin de prendre une position perfide, je réagis en tant qu’individu appartenant à la même société dont à présent indigné face à des pratiques d’antan rétrogrades.
Je suis écœuré d’entendre encore par des témoins oculaires que chez nous, des maisons sont saccagées, des champs sont défrichés, des hommes sont chassés de leurs villages, certains ont été ligotés et battus avec des machettes et des gourdins parce qu’ils ont dit qu’ils ne veulent plus l’esclavage coutumier ou par ascendance.
Ces actes exclusivement odieux et vraisemblablement insensés sont répréhensibles. S’agissant des auteurs des crimes, ils doivent comparaitre devant les cours pénales. Ces chauvins et les soi-disant ténors se laissent guider par un instinct animal, puisqu’ils réagissent sans moindre scrupules. Leurs assauts ne se bâtissent sur aucun plan stratégique.
Ce qui s’est passé le 05 avril 2020 au Mali, plus précisément à Lani Tounka dans la circonscription de Kayes est inadmissible. En effet, un groupe majoritaire pour ne pas dire aristocrate garni de toute sorte d’armes blanches s’est levé contre les familles prises pour inferieures, puisqu’elles sont minoritaires afin de les lyncher et d’incendier leurs foyers y compris leurs magasins de stockage.
À noter également que les membres de cette communauté sont écartés des affaires villageoises telles que les cérémonies funéraires, nuptiales… De même, ils sont dépossédés de leurs terres agricoles, les filles et les garçons ne sont plus scolarisés parce qu’ils ont été interdits à l’école de la ville. Pareil, leurs défunts ne sont plus enterrés dans le même espace que les autres. Ces problèmes ne concernent pas seulement cette localité.
Environ 70% des villages soninkés du Mali, de la Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie, où de nombreuses personnes ont été tuées, se retrouvent dans cette posture. Quelle horreur !
C’en est trop ! Il est temps de tourner la page de l’Histoire. Le soninkara entier doit se lever pour dire non à l’esclavage statutaire ou par lignage; non à la violence physique; non à l’outrance verbale; non à la scission ethnique ! Le célèbre écrivain malien Seydou BADIAN ne dit-il pas que « La maison n’est belle que lorsque chacun y reconnaît sa part de labeur ». Et moi je dirai le jamaane (nation), le debbe (village) et le kunda (quartier) ne sont admirables que quand tout le monde s’y sent utile et ragaillardi.
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L’éclatement étatique, clanique et communautaire m’étouffe. Je dois arrêter de me voir en cordonnier, en noble, en forgeron, en griot ou encore en esclave. De même, je dois cesser de me voir en maure, en soninké, en peul, en wolof, en bambara, en malinké. Je dois juste me voir en citoyen du monde, en être civilisé.
Je ne pourrais conclure sans me rappeler le théoricien de la “non-violence” Mahatma Gandhi à travers Robert Deliège Gandhi sa vie et sa pensée : « La non-violence n’est jamais un acte de faiblesse, une démission et encore moins l’expression d’une peur. La non-violence est le moyen d’arriver aux buts que l’on s’est fixé ; elle est à la fois un moyen et une fin en soi ». Que tout se fasse sans la violence !
Ismail Traoré
Étudiant-chercheur à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Limoges / France
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