Arabe ou Français en Mauritanie : la « Guerre des langues » n’aura pas lieu

L’enseignement des langues est l’une des causes des difficultés que rencontre notre système éducatif et ce depuis l’indépendance. De plus, il a occasionné des fractures sociales et n’a pas permis de cimenter l’unité nationale. Après 59 ans d’indépendance, l’enseignement «bilingue à la puissance Arabe» n’a pas été réussi car nous ne nous  sommes pas dirigés concrètement et correctement vers un enseignement exclusivement arabe ou vers le bilinguisme. Dans nos services, nos échanges, nos travaux, nos études, notre communication interne, la question ne semble pas avoir été tranchée. Combien de fois, dans des villes ou villages, dans des réunions ou séminaires; les échanges n’avaient-ils pas été brusquement interrompus par quelqu’un qui exigeait l’utilisation de l’arabe ou du français.

L’arabe est incontournable en Mauritanie car c’est la langue du Coran. Pour un pays musulman, apprendre l’arabe c’est l’évidence pour tous. Langue de l’Islam et de notre guide le Prophète Mohamed PSL, nous avons l’obligation tous de l’apprendre et faire sa promotion auprès de nos proches et plus particulièrement de nos enfants, pour leur servir de premiers guides à notre tour. Nos illustres ancêtres l’utilisaient aussi à côté de nos dialectes pour communiquer (Elhadji Oumar TALL ou Thierno Souleymane BALL,…).

L’arabe est aussi la langue officielle comme le stipule notre Constitution. Il faudra juste expliquer que son enseignement n’a pas été programmé pour « endiguer ou éteindre le français » mais comme un juste retour des choses. Par certains actes répréhensibles et incompréhensibles, elle a hélas parfois été utilisée comme moyen de sélection dans le travail ou de promotion, ce qui est normal si tous avaient les mêmes prédispositions et le même niveau. Il faudra d’abord combler cet écart pour favoriser l’égalité de chance en termes d’opportunités d’études ou d’emplois. Il faudra également de la patience de certains pour sa généralisation et l’effort des autres pour que toutes les communautés soient en fusion linguistique.

Le français est certes la langue du colonisateur, mais comme l’arabe ou l’anglais et d’autres, elle tire sa force de son universalité, du nombre d’utilisateurs et de son rayonnement dans le monde. Si le legs colonial, en termes d’infrastructures avait été très faible, par contre l’héritage culturel véhiculé par cette langue, s’il est bien exploité peut être utilisé avec pragmatisme dans notre positionnement comme Trait d’union entre l’Afrique de l’Ouest et le Maghreb Arabe »francophones ». Langue de culture, des droits humains et d’ouverture, nos premiers dirigeants l’ont adoubé et adopté. Avec le français, le bilinguisme est devenu, par tradition, une loi non écrite.

Si dans notre administration, les discours sont toujours en arabe, beaucoup de communication orale et écrite, de correspondance et de documents continuent à être rédigés plutôt en français. Tous nos documents ont un entête en arabe et en français. Nos passeports, carte d’identité et papier d’état civil et autres documents administratifs peuvent être obtenus en arabe ou en français. Et que dire des études, recherches et documents stratégiques, scientifiques ou historiques qu’on ne trouve qu’en version française. Enfin et juste de manière anecdotique, il est bizarre de constater que certains défenseurs de l’utilisation de l’arabe, sont aussi parmi ceux qui envoient leurs enfants dans les prestigieuses écoles exclusivement francophones tels que le lycée français, les universités francophones, etc… Il faudra aussi prendre le temps de combler ce gap entre le faible bilinguisme dans certaines wilayas de l’intérieur et les centres urbains.

Enfin il ne faudra pas oublier les langues nationales (Poular, Wolof, Soninké et Hassanya) car elles sont utiles d’un point de vue existentiel, culturel, historique et communautaire. Permettre de les transcrire, assurera la transmission de notre patrimoine culturel aux générations futures(cette transcription peut se faire en arabe et/ou en français). Car l’unique mode de transmission se fait et se faisait uniquement par voie orale et le risque est grand de perdre cet héritage culturel. Leur enseignement durant les premiers pas de l’enfant à l’école lui permettra aussi de ne pas se sentir esseulé mais d’entendre un dialecte qu’il a l’habitude d’écouter à la maison. Elles peuvent être aussi utiles pour l’enseignement des matières scientifiques (en calcul l’enfant se trouve dès le début devant 5 équations 1+1=2, alors qu’expliqué dans sa langue maternelle, il s’en sortira mieux).

En définitive, le bilinguisme en Mauritanie a de longues années devant lui et il faudra qu’il contribue également au rayonnement des langues nationales et d’avoir la place qui leur sied.

Ethmane BA

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