L’édito de MFO : pour la stabilité de la Mauritanie, apaiser au lieu de radicaliser, partager au lieu d’exclure

Il est sans doute facile de montrer ce qui ne va pas de telle manière à décider que cela n’ira jamais.

Il est encore plus facile de vociférer, de vilipender et de dénier au vis-à-vis toute volonté de bien faire, toute capacité de mieux faire.

Le plus difficile reste cependant de critiquer pour tout de suite proposer des solutions de rechange, sinon corriger ce qui ne va pas en promettant que cela ira mieux si l’on s’y met avec sérieux et rigueur.

incapacité d’initier 

L’acteur politique efficace est celui qui a une vision qu’il transforme en projet, en rêve qu’il entreprend de promouvoir auprès des autres, proches et lointains. Il lui est demandé de faire des propositions, d’agir en conséquence et de rassembler pour faire aboutir son projet.

L’acteur politique se propose pour prendre en charge les aspirations exprimées ou non, bien ou mal, d’une partie ou de la totalité de la population. Il s’impose de partager les souffrances de chacun pour en faire l’affaire de tous. Il conçoit et énonce, le plus clairement possible, les problématiques et leurs solutions pour provoquer l’adhésion du plus grand nombre.

L’histoire politique récente de la Mauritanie nous enseigne que nos acteurs politiques sont incapables d’initiative. Jusque-là, ils se sont contentés de courir derrière les événements et c’est pourquoi, ils sont toujours et toujours en retard d’une révolution (au sens mécanique). Ce qui nous donne l’impression l’effet d’un disque enrayé ou d’une caravane qui, ayant perdu le sens de l’orientation, se contente de tourner en rond.

vision circulaire du temps

La relation avec le temps, biaisée par la vision circulaire que nous en avons, nous empêche de regarder sereinement le passé pour prendre la mesure réelle du présent et se projeter allègrement dans le futur. La conjugaison de ces temps n’a jamais été notre fort.

Tout proche de nous, le 3 août 2005. Alors qu’on s’y attendait le moins, quelques jeunes officiers provoquaient un changement fondamental en mettant fin à trois décennies d’errements. Le changement se traduisait par l’ouverture de larges concertations en vue d’asseoir un système politique nouveau.

Concrètement : la junte et son gouvernement s’interdisaient la participation aux élections annoncées ; les acteurs politiques étaient invités à fixer de nouvelles règles (CENI, réformes constitutionnelles nécessaires, concertation comme méthodologie…) ; et, pour rassurer, tout boucler en 19 mois…

Incapable de s’approprier la petite révolution qui s’annonçait, l’élite a immédiatement entrepris de la faire avorter. Poussant dans une première phase les militaires à interférer dans le jeu politique dans l’espoir de pouvoir en profiter. Et, dans une deuxième phase, provoquant la suspicion et la crainte de ces mêmes militaires de voir leur projet initial avorter pour laisser revenir les hommes et les méthodes d’avant.

S’approprier les changements

A chaque étape, il a manqué cette capacité de proposition à cette élite politique qui s’est contentée d’accepter sans libre-arbitre ou de s’opposer sans discernement. La passion, feinte ou réelle, n’a jamais permis de construire du durable…

Aujourd’hui encore, la classe politique semble incapable d’anticiper ce qui nous arrive ; même si elle ne peut contester que ce qui nous arrive est forcément quelque chose de bien. Avec notamment la perspective d’une alternance fut-ce-t-elle mécanique.

Nous venons de conclure heureusement le processus électoral par la mise en place d’une Assemblée nationale, de Conseils régionaux et municipaux. Les réformes constitutionnelles d’août 2017 ont institué un nouveau drapeau et un hymne national, nous donnant ainsi l’impression d’avoir tracé les contours d’un nouvelle République. Il nous reste à donner un contenu à cette grande refondation.

S’approprier les changements en cours, obliger à faire la bonne lecture du passé et du présent, s’arrêter de nager dans les eaux troubles de la passion, réfléchir à «de quoi demain sera fait», refuser la déresponsabilisation qui nous donne la fausse impression de pouvoir se dérober et de ne pas être comptable de ce qui se déroule…

Nous voulons la stabilité de la Mauritanie dans un environnement où les risques sont énormes. Préserver ce qui a été fait en matière de liberté, de pratiques à même de promouvoir la justice sociale. Améliorer l’existant à travers l’institution d’un rapport plus apaisé entre les différents segments de notre société… apaiser au lieu de radicaliser… partager au lieu d’exclure… protéger au lieu de détruire…

Nous pouvons le faire. Nous devons le faire.

 La Tribune N°760 du mardi 16 octobre 2018

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