CONTEXTE DE LA MIGRATION EN AFRIQUE(MAURITANIE) A l’attention des Chefs d’Etat de l’Union Africaine

La Mauritanie accueille du 1er au 2 juillet 2018, le 31esommet de l’Union Africaine. Ce sommet qui s’inscrit dans la dynamique de l’intégration et du développement du continent africain, doit prendre en considération la nécessité de renforcer la liberté de circulation des Africains à l’intérieur de leur propre continent. Car, il ne peut y avoir d’intégration ni de développement sans une véritable liberté de circulation des personnes.  Consciente de ce fait, l’UA a adopté, le 29 Janvier 2018à AddisAbéba, lors de sa 30esession ordinaire, le protocole au traité instituant la Communauté Économique Africaine, relatif à la libre circulation des personnes, au droit de résidence et au droit d’établissement.

 

En dépit de ces initiatives salvatrices, la réalité de la liberté de circulation des africains à l’intérieur du continent reste préoccupante.

 

En effet, la position géographique de la Mauritanie, pays hôte du 31eme sommet de l’UA, lui confère un rôle carrefour pour la circulation des personnes et des biens. Cet espace est marqué traditionnellement par la libre circulation des personnes pour des raisons à la fois historiques, sociales, religieuses et culturelles. C’est pourquoi, des communautés africaines se sont retrouvées en Mauritanie pour diverses raisons. La situation de ces populations est de plus en plus difficile eu égard à la nouvelle législation Mauritanienne en matière de la migration largement influencée par les politiques migratoires européennes axées sur la sécurité de leurs frontières extérieures.

Ces politiques n’épargnent aucun pays africain et la situation en Mauritanie en est une illustration.

C’est dans ce contexte que les communautés migrantes en Mauritanie ont créé un cadre de concertation avec l’appui de l’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH).

Le cadre de concertation

Le Cadre de concertation des migrants est une plateforme d’échange unitaire qui permet aux migrants de différentes communautés établies en Mauritanie, de se réunir chaque mois au siège de l’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH). C’est une  rencontre qui permet aux différents responsables de communautés d’informer de façon mutuelle ou d’être informés sur les problèmes liés à leur séjour notamment en matière d’emploi ou de conditions liées à la carte de résident qui constitue aujourd’hui un véritable goulot d’étranglement pour les étrangers, en particulier  ceux d’Afrique Subsaharienne.

C’est  aussi, une occasion de sensibiliser les uns et les autres sur la législation mauritanienne en matière de migration.

Le Cadre participe à des formations organisées par des Ong nationales ou internationales en rapport avec la migration. Elle envisage également d’organiser des sessions de formations en faveurs de ses membres pour une meilleure intégration sociale et économique. C’est pourquoi, le Cadre est en train d’évoluer vers la mise en place d’un bureau fédéral.

La situation des migrants en Mauritanie

La Mauritanie a toujours été un pays d’accueil et de transit. Toutefois, la situation actuelle des migrants vivant dans le pays, reste marquée par des difficultés relatives à leur séjour. Ces difficultés peuvent être résumées ainsi :

L’instauration de la carte de séjour depuis 2012 a engendré un phénomène nouveau, qui est devenu aujourd’hui la mère de tous les problèmes des migrants en Mauritanie. En effet, les conditions fixées par l’administration mauritanienne pour l’obtention de la carte de séjour font qu’aujourd’hui ce document est hors de la portée des migrants en Mauritanie. Trop de pièces à fournir et trop de procédures à suivre, car chaque pièce est régie par une procédure qui est spécifique.

Les migrants sont souvent obligés de confier leur dossier à des intermédiaires. Mais cela aussi revient encore plus cher et au-delà de la bourse du migrant lambda.

L’absence de la carte de séjour entraine des arrestations et des refoulements aux frontières : Gogui pour les Maliens et Rosso pour les Sénégalais et autres nationalités. Les différentes communautés ont intensivement sensibilisé leurs ressortissants à se prémunir de la carte de séjour. Aujourd’hui les migrants ont la volonté de prendre cette carte de séjour mais les conditions d’obtention constituent un problème majeur. Cette carte de résident constitue aujourd’hui, un véritable goulot d’étranglement en ce sens que les conditionnalités exigées pour l’obtention de ce sésame ne sont pas à la portée de tous les migrants. Il s’agit entre autres de permis de travail, de contrat de travail, d’extrait du casier judiciaire bulletin n°3 de moins de 3 mois, de contrat de bail, un certificat de résidence, un certificat médical, une attestation de travail entre autres documents exigés en plus d’une caution financière de 30 .000 Ouguiyas (environ 75 euros).

Or, la plupart des migrants évoluent dans le secteur informel. Ils ne peuvent donc remplir ces conditions et par conséquent, se trouvent confronter à des problèmes de rafles, d’arrestations puis de refoulements et des expulsions aux frontières (Rosso Mauritanie/Sénégal et Mauritanie/Mali). Les migrants qui ont exprimé leur volonté manifeste de se régulariser, sollicitent des autorités mauritaniennes, l’allègement de ces conditionnalités. Pour le moment sans succès.  Aujourd’hui, il est presque impossible pour un migrant de travailler légalement en Mauritanie. En effet la carte de séjour ne confère aucun droit par rapport à l’accès au marché du travail.

L’arabisation de la justice n’est pas accompagnée de mesures facilitant l’accès à la justice aux migrants francophones et anglophones.

En outre, on note des difficultés d’accès à l’État civil mauritanien pour les enfants des migrants nés en Mauritanie, de poursuivre la scolarisation de ces enfants faute d’actes d’état civil (pièce d’identité, acte de naissance) ; des abus policiers au quotidien consécutifs à l’établissement de la carte de séjour. Il s’y ajoute le silence ou l’absence de l’l’Union Africaine  doit réagir par rapport à la tragédie des personnes en migration qui sont bloquées en Lybie et qui n’ont d’autres solutions par rapport aux tragédies que vivent nos frères africains à travers le monde notamment en Méditerranée.

Solutions préconisées

Compte tenu de tout ce qui précède, le Cadre de concertation des migrants, propose des solutions suivantes :

-L’assouplissement des conditionnalités exigées pour l’obtention de la carte de séjour qui se résumerait par la présentation de documents d’identification (passeports ou pièces d’identités en cours de validité) et la caution financière ;

-La revue à la baisse de la caution financière exigée ;

-Possibilité avec la carte de séjour, d’accéder au marché de l’emploi ;

-Possibilité d’avoir un interprète pour les migrants interpellés et ne comprenant pas la langue arabe ;

-Accès à l’Etat civil mauritanien (pièce d’identité, acte de naissance) pour les enfants des migrants nés en Mauritanie ;

-Possibilité de poursuivre la scolarisation des enfants migrants ;

-Informer les ambassades ou consulats ou tout au moins leurs représentants communautaires de l’interpellation de leurs compatriotes consécutive à la carte de séjour et des mesures prises pour leur expulsion ;

-L’application des conventions et traités signés par la Mauritanie en matière de migration pour une meilleure protection des travailleurs migrants.

En outre, l’Union Africaine  doit réagir par rapport à la tragédie des personnes en migration qui sont bloquées en Lybie et qui n’ont d’autres solutions que traverser la Méditerranée où ils périssent par noyade.

L’UA doit également faire connaitre sa position face à l’attitude de certains pays de l’Union Européenne qui refusent d’accueillir les migrants sauvés par des bateaux humanitaires.

Le comportement des autorités de certains pays africains à l’égard des personnes africaines en migratoire (arrestations, détentions, refoulements, et expulsions) doit faire l’objet de résolutions fermes vis-à-vis de ces pays.

 

Nouakchott, le 02 juillet 2018

 

Le cadre de concertation des migrants

source AMDH

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