La récente interrogation lancée autour de la limitation du mandat présidentiel à deux termes en Mauritanie n’est ni innocente, ni neutre. Elle trahit une intention voilée, celle de tester l’opinion publique quant à une éventuelle révision constitutionnelle qui ouvrirait la voie à un troisième mandat pour le président actuel, Mohamed Ould Ghazouani.
Cette démarche, camouflée sous l’apparence d’un débat démocratique, cache en réalité les velléités d’un régime qui, depuis toujours, avance masqué tout en consolidant ses fondements autoritaires.
Dans une Mauritanie où les institutions sont instrumentalisées, où le parlement est acquis au pouvoir grâce à une majorité artificiellement construite, et où l’opposition est éclatée et désorganisée, il ne faut pas s’attendre à ce que de telles manœuvres soulèvent une tempête. Le terrain est déjà balisé : la société civile est marginalisée, les médias cooptés ou bâillonnés, et le citoyen moyen trop préoccupé par sa survie pour s’indigner d’une énième forfaiture politique.
Le peuple mauritanien, dans sa majorité, ne croit plus en un avenir démocratique porté par les urnes. Il est pris en étau entre un État prédateur, dont l’appareil répressif fonctionne avec efficacité, et une opposition qui peine à dépasser les querelles identitaires ou personnelles pour construire un projet collectif. Dans ce vide, les forces du statu quo prospèrent.
L’idée d’un troisième mandat, même suggérée subtilement, relève d’un affront à l’esprit même de la démocratie. Elle serait le prolongement d’un système militaire recyclé en fausse démocratie civile. L’histoire politique du pays, marquée par les coups d’État et les transitions verrouillées par les armes, nous rappelle que la tentation du pouvoir perpétuel n’est jamais loin.
Mais une telle tentative ne passerait pas forcément sans résistance. Les seuls qui pourraient constituer un contre-pouvoir effectif sont les anciens compagnons du président, les hommes de la « grande muette », tapis dans l’ombre et attentifs au moindre frémissement du pouvoir. Si un tripatouillage constitutionnel devait être envisagé, c’est bien de là que pourrait venir un frein, non pas au nom de la démocratie, mais pour préserver les équilibres internes du système.
Ce scénario en dit long sur la nature de l’État mauritanien : une démocratie de façade où les institutions sont faibles, la parole citoyenne étouffée et la volonté populaire détournée. Une telle situation ne peut qu’annoncer un avenir politique incertain, où les véritables ruptures ne peuvent venir que de l’éveil d’un peuple longtemps marginalisé de la chose publique.
La question n’est donc pas de savoir s’il faut limiter les mandats à deux — cela devrait être un principe intangible — mais plutôt de comprendre pourquoi une telle question continue d’être posée dans un pays où la démocratie n’est qu’un décor.
La vigilance s’impose. L’indifférence serait une complicité.
Bakary Seta Wagué.