Tribune : Ma vision de la spécificité Haratine, en toute impartialité

De prime abord, il convient de préciser que, contrairement à certaines prises de positions politiciennes empreintes de calculs dissimulés, cette publication n’a aucunement pour vocation de sonder le terrain du recensement général de la population, dans le but de déterminer quel groupe communautaire pèserait le plus sur l’échiquier démographique.

Je n’ai jamais adhéré à une telle perception dans une République où, selon les normes établies, les citoyens doivent être égaux en droits et en devoirs.

Autrement dit, cette réflexion ne vise nullement à manœuvrer, de manière subtile ou stratégique, pour inclure la communauté haratine dans l’ensemble afro-mauritanien, ni à l’insérer dans l’ensemble arabo-berbère, dans l’intention inavouée d’accorder un avantage démographique à l’un au détriment de l’autre. Telle n’est pas la finalité de cette démarche.

Bien au contraire, elle s’oppose frontalement aux visions étriquées dictées par des idéologies nationalistes, obsédées par un perpétuel déséquilibre entre des communautés dites majoritaires et d’autres dites minoritaires, selon des critères épidermiques ou socio-linguistiques. Ces logiques binaires donnent lieu à un éternel tiraillement : les uns prônant la suprématie du facteur socioculturel, les autres celle de la couleur de peau. Une dualité stérile qui se résume, in fine, à un dialogue de sourds.

L’objectif ici est bien plus noble : contribuer, avec sincérité et honnêteté – sans prétendre que cela suffit à donner raison – à la réflexion sur la spécificité de l’identité haratine dans une Mauritanie plurielle et biraciale, où toutes les composantes nationales peuvent et doivent vivre en harmonie, dans la fraternité et la symbiose.

À mon sens, ce n’est ni aux Afro-Mauritaniens ni aux Arabo-Berbères de décider de la classification identitaire des Haratines. Je rejoins en cela le journaliste Sneiba Mohamed, qui écrivait sur sa page Facebook :

« Pourquoi fait-on de l’identité des Haratines une question que chacun regarde de l’angle qui lui convient ? Un enjeu de pouvoir ? Laissez les Haratines être eux-mêmes ! Personne ne peut décider pour eux. »

Et j’ose aller encore plus loin — sans prétendre imposer mon point de vue — en affirmant que même les Haratines, pris individuellement, ne peuvent trancher de manière définitive sur leur appartenance à un groupe plutôt qu’à un autre.

Ce rôle revient plutôt aux études anthropologiques, dûment menées et illustrées, qui doivent déterminer scientifiquement l’identité haratine, selon des critères rigoureux, dégagés de toute influence politicienne ou subjective.

Mais, dans l’attente de telles conclusions, si l’on me demandait aujourd’hui de proposer une classification, je répondrais, avec impartialité et sans aucun esprit de calcul, que les Haratines sont noirs, à l’image de leurs compatriotes Pulars, Soninkés et Wolofs. Toutefois, culturellement et linguistiquement, ils sont proches de leurs concitoyens arabo-berbères.

La question qui se pose alors est la suivante : entre l’inné (la couleur de peau) et l’acquis (la langue et la culture), lequel des deux éléments doit primer ?

À mon avis, les deux sont essentiels. L’identité haratine, pour s’épanouir et s’affirmer, a besoin de cette double composante. Car, qu’on le veuille ou non, les Haratines ne peuvent se détacher de leur culture et de leur langue hassaniyya. Et, de la même manière, ils ne peuvent renier leurs traits négroïdes.

Il en résulte, naturellement, une spécificité haratine. Spécificité qui les distingue à la fois de leurs frères arabo-berbères — car ils sont d’origine afro-mauritanienne — et de leurs frères Soninkés, Pulars et Wolofs — puisqu’ils sont, eux, de langue et de culture arabo-berbères.

Par conséquent, pour classer les Haratines, il suffit de combiner l’héritage négro-africain avec la dimension arabo-berbère : on obtient ainsi ce qu’on pourrait appeler les « Maures noirs ».

Une appellation déjà présente dans le lexique soninké, qui distingue entre Suran Binnu (Maures noirs) — désignant les Haratines — et Suran Xullé (Maures blancs), terme réservé aux Arabo-Berbères. Une terminologie qui colle bien à la réalité actuelle, en attendant, peut-être, une autre désignation plus appropriée.

Mais au-delà des différences linguistiques, culturelles ou physiques qui rapprochent ou éloignent les Haratines des uns et des autres, ne devrait-on pas s’interroger sur l’existence d’un dénominateur commun à toutes les communautés nationales ?

Ma réponse est sans équivoque : oui. Ce dénominateur commun, c’est la citoyenneté.

Une citoyenneté qui doit être placée au-dessus de toutes les considérations ethniques, culturelles ou raciales. Une citoyenneté forte, partagée, inclusive — socle d’une Mauritanie juste, équitable et prospère, où chaque citoyen est respecté dans sa dignité et dans sa spécificité.

Khalilou Youssoufi Tandia – Juriste et Expert électoral

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