Tahara Amadou Diagana, le Lion de la Communauté : une vie au service de tous

Par Souleymane Mangassouba, dit Jules


La Maison de Mpaly Kaba : une institution vivante

La Maison de Mpaly Kaba est bien plus qu’un foyer. C’est une institution vivante, un espace de sagesse, de spiritualité et de cohésion sociale. Fondée sur les valeurs de solidarité, de transmission et de service, elle a vu passer des générations de leaders, de formateurs et de bâtisseurs communautaires.
Véritable cœur battant de Kaédi, elle demeure un repère pour tout Foutanké.


Tahara Amadou Diagana (TAD) : le gardien du temple

Né en 1923 à Kaédi, Tahara Amadou Diagana, affectueusement appelé TAD, fut l’un des piliers de la Maison Mpaly Kaba. Compagnon fidèle du patriarche Mpaly Kaba pendant dix ans, il en fut le bras droit, le confident, l’homme de confiance.
Beaucoup le surnommaient « l’aîné de Mpaly Kaba », tant son autorité naturelle et sa sagesse rayonnaient. Très tôt, il devint le gérant de la Maison, veillant à son bon fonctionnement et à la préservation de ses valeurs.

« L’arbre parti chercher la pluie est revenu avec des fruits pour nourrir toute la forêt. »

En 1944, il quitte Kaédi avec son mentor pour la Côte d’Ivoire. Il y découvre un mode de vie marqué par la solidarité et l’effervescence communautaire. Rapidement, il s’intègre à la communauté de Yacouba Sylla, patriarche respecté et figure emblématique de la spiritualité et du travail.
Sous sa direction, TAD se forme à divers métiers : mécanique, transport, vulcanisation… Sa polyvalence impressionne. Dans le jargon Dimbeen, on le surnomme alors « Douze métiers », tant ses compétences étaient multiples et maîtrisées.

Pendant dix ans, il met son savoir-faire au service de la communauté yacoubiste, incarnant dévouement, rigueur et excellence. À son retour à Kaédi, fort de cette expérience, il redevient un pilier de sa communauté d’origine. Il transmet son savoir, forme les jeunes, inspire par son humilité et son sens du devoir.
Son retour marque le début d’une nouvelle ère : celle d’un homme qui, après avoir appris ailleurs, revient bâtir chez lui.


L’artisan du savoir et du savoir-faire

« Le feu du savoir brûle plus fort quand il est attisé par des mains habiles. »

En 1954, TAD reprend son rôle à la Maison Mpaly Kaba, cette fois en tant que formateur.
Il initie les jeunes à la conduite automobile, à l’entretien mécanique, à la gestion des moulins. Sa maîtrise technique est légendaire : il suffisait qu’il touche un moteur pour que la panne disparaisse. Les tracteurs, en particulier, n’avaient aucun secret pour lui.

Grâce à sa formation, de nombreux jeunes transporteurs deviennent de véritables experts, reconnus pour leur compétence et leur discipline. Leur professionnalisme leur vaut bientôt le monopole du transport entre Kaédi, Lexeiba, Mbout et Matam.
TAD formait des hommes, pas seulement des ouvriers.

À la Zawiya, son message était constant :

« Le travail est la voie de la dignité. »
Fidèle à la devise de Mpaly Kaba — « Travailler, c’est prier » — il prônait une foi active, incarnée dans l’effort quotidien.

Conscient des besoins de sa communauté, il investit dans le labour agricole, la soudure et le transport. Devant sa maison, les camions et tracteurs symbolisaient le fruit du travail et de la persévérance.
Son parcours illustre la parfaite harmonie entre foi, savoir-faire et esprit d’entreprise.


La prière comme pilier de vie

À la Zawiya, TAD prêchait avec ferveur. Il insistait sur l’importance de la prière, du rôle du père dans l’éducation spirituelle, et de la transmission du savoir religieux. Il exhortait les fidèles à corriger leur prière et à enseigner la grande purification.
Pour lui, la spiritualité était inséparable du service à la communauté.


L’héritier d’un érudit : le Coran comme boussole

Fils de Hodie Amadou Diagana, érudit reconnu pour sa maîtrise du tafsir et de la jurisprudence islamique, TAD grandit dans une atmosphère imprégnée de savoir et de foi.
Il portait cet héritage avec fierté et humilité.

Toujours son Coran à portée de main, il rappelait sans cesse l’importance de l’enseignement religieux.
Chez lui, il avait ouvert une école coranique accessible à tous. Ses enfants et petits-enfants y étaient formés avec exigence : pour lui, la connaissance du Livre Saint était la clé de la dignité et de la paix intérieure.


Dix ans déjà : un héritage vivant

Le 24 septembre 2015, jour de Tabaski, juste après la prière, Kaédi apprenait une nouvelle bouleversante : TAD s’était éteint.
Ce jour-là, le temps sembla suspendu. Une foule immense accompagna le Lion de la Communauté à sa dernière demeure.

Dix ans ont passé, mais son empreinte demeure.
TAD n’était pas seulement un homme de foi : il fut un bâtisseur de vies, un entrepreneur infatigable, un éducateur silencieux, un pilier de la Zawiya Mpaly Kaba et un modèle de dignité.

Les zikrs qui ont accompagné son départ résonnent encore :

La ilaha illa Allah
Un chant devenu rappel quotidien de la foi qui guidait chacun de ses pas.


Une lumière qui ne s’éteint pas

Tahara Amadou DIAGANA

La vie de Grand-père Tahara Amadou Diagana m’a profondément inspiré. En retraçant son parcours, je réalise que ce récit ne représente qu’une infime partie de ce qu’il fut.
Le reste vit dans les souvenirs, les gestes, les silences et les cœurs de ceux qui l’ont connu.

TAD possédait un regard unique sur les liens de parenté et le cousinage à plaisanterie, cette tradition qui unit au lieu de diviser. Il aimait taquiner les Diakité, avec humour et finesse, dans ces joutes verbales qui renforçaient les liens communautaires.

Il ne cherchait pas la lumière, mais il éclairait.
Il ne parlait pas fort, mais ses paroles résonnaient.
Il ne possédait pas tout, mais il donnait beaucoup.

Aujourd’hui, ces lignes sont une offrande de mémoire, une pierre posée sur l’édifice immense qu’il a construit par ses actes.

Ô mon Dieu, accorde à KA TAHARA BAYI KHOUBA une place dans Ton paradis céleste.
Fais que son œuvre continue d’inspirer et que sa lumière ne s’éteigne jamais.

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