Quelles perspectives pour la Mauritanie avec l’exploitation du gaz et le potentiel colossal en Hydrogène vert ?

Les ressources énergétiques en Mauritanie étaient au centre d’une conférence-débat organisée hier à Nouakchott par le think tank « Mauritanie Perspectives »

Cet événement a réuni des experts du secteur énergétique, des décideurs et des acteurs de la société civile pour échanger sur les enjeux et opportunités liés aux ressources énergétiques en Mauritanie.

Deux principales sessions étaient à l’ordre du jour. La première avait pour thème : « Le gaz en Mauritanie. Défis, opportunités et perspectives ». La seconde a porté sur : « L’hydrogène vert en Mauritanie : chaînes de valeurs et entreprenariat local ».

Les 2 panels ont été animés par Hassana Mbeirick, expert international en énergies et CEO Meen&Meen. La discussion a été modérée par Aziz Dahi, CEO de Richat Partners et ancien ministre.

Nécessité d’un cadre légal et réglementaire transparent

La Mauritanie est à un tournant stratégique dans le développement de ses ressources énergétiques. Avec les découvertes majeures de gaz offshore et les ambitions croissantes en matière d’hydrogène vert, le pays se positionne comme un acteur clé dans la transition énergétique en Afrique. Cependant, ces opportunités s’accompagnent de défis : développement des infrastructures, intégration des entreprises locales, création de valeur ajoutée et impacts socio-économiques.

Que faire des découvertes majeures de gaz off-shore ? Comment en faire profiter l’économie ? Comment traduire ce potentiel en valeur ajoutée concrète ? Comment intégrer les entreprises locales ? Comment assurer une bonne répartition des richesses ? Comment assurer une transformation locale ? Quels mécanismes pour protéger l’environnement ?

Ce sont là autant de questions autour desquelles les discussions ont tourné.

Ainsi, pour assurer une exploitation judicieuse profitable à l’économie nationale et pouvant avoir un impact positif sur les conditions de vie des populations, il faut souligne le panéliste, mettre en œuvre le cadre légal et réglementaire de manière transparente. C’est ce qui permettra une exploitation durable de ces ressources.

Déjà en 2022-2023 le plan directeur gazier de Mauritanie a vu le jour. C’est la stratégie de référence du gouvernement mauritanien. Il décline une feuille de route en vue de l’optimisation de la valorisation du gaz.

Un autre document de base concernant l’évaluation stratégique environnementale et sociale a été finalisé en 2023. Son objectif c’est de protéger les ressources marines et notamment la barrière de corail qui s’étend de Nouakchott à Ndiago. Il y a cette pépinière environnementale et marine de 400 km. Il y a aussi la reserve du Chat Boul ; le Banc d’Arguin et la Baie de l’Etoile.

Pas moins de 170 villages  de pêcheurs ont été recensés depuis la pointe au Sud jusqu’à Nouadhibou. Ces villages sont habités par des communautés très vulnérables. Et il y a la nécessité de les protéger et de protéger les ressources halieutiques.

Un potentiel gazier énorme

La Mauritanie dispose d’importantes réserves gazières. Le potentiel national est évalué à environ 100 TCF- Trillion Cubic Fee (Milliards de pieds cubes), 94 TCF plus précisément.

Le projet Grand-Tortue Ahméyim (GTA) a un potentiel évalué à 15 TCF commercialisable sur une durée de 20 ans extensible à 30 ans.

Le champ gazier Birallah contient des réserves estimées à 50 TCF. D’autres réserves existent comme Banda (1,1 TCF) ; Pélican (2,6 TCF) ; Tevet (pétrole+Gaz) ; le C10 …

Ces réserves sont d’autant plus intéressantes que la demande de gaz naturel liquéfié (GNL) a explosé depuis 3 ans. L’Europe est en alerte maximale à la recherche du GNL et cela coïncide avec le début de l’exploitation du GTA.

Abordant la question de la malédiction des ressources, le panéliste affirme ne pas la craindre concernant la Mauritanie. Mais c’est plutôt le syndrome Hollandais qui est à craindre souligne-t-il. Cela consiste à se limiter seulement à la rente et ne pas investir et diversifier l’économie.

Que va changer le gaz ? A la réponse à cette question, les appréhensions du panéliste étaient sans équivoque.

Le gaz ne sera-t-il pas comme le fer avec la nationalisation de la MIFERMA en 1973. Et depuis on en est toujours aux environs des 12 millions de T et à l’exportation du minerai brut sans valeur ajoutée. Idem pour le poisson, pour l’or…

Se pose toujours la question de la gouvernance des ressources. Et c’est justement cette mauvaise gouvernance qui fait que nous en sommes toujours au point de départ.

La monétisation du gaz avec la création de chaînes de valeurs gazières est certes une nécessité mais estime la panéliste la valorisation de nos ressources halieutiques, de l’agriculture et de l’élevage devrait être prioritaire.

Pour l’expert Ould Mboyrick si on se focalisait sur les 3 secteurs susmentionnés on aura même pas besoin du gaz.

Avec un potentiel halieutique énorme en plus de 350.000 ha de terres arables dont 150.000 irrigables et un cheptel estimé entre 23 et 25 millions de têtes de bétail, le pays pourrait connaître un développement fulgurant.

En guise d’exemple, rien qu’avec 1 million de têtes de bétail la Hollande est le 1er exportateur au monde de lait et de fromage.

Donc conclut le panéliste à ce sujet, la Mauritanie a plutôt la malédiction de ces 3 secteurs.

Abordant la question du contenu local le panéliste s’est appuyé sur des chiffres pour mettre en évidence le faible impact des grands projets miniers sur l’emploi et les entreprises locales.

Ainsi dans sa phase 1, le GTA a coûté 5 milliards de dollars (4,8 milliards exactement) et le projet emploie entre 2000 et 3000 personnes en Mauritanie et au Sénégal.

Pour Kinross Taziast avec un investissement similaire de 5 milliards de dollars l’entreprise emploie 4000 mauritaniens environ.

A titre de comparaison un investissement d’un seul milliard de dollars dans l’agriculture permettrait d’employer 50.000 personnes dès le départ. Donc contrairement au secteur extractif qui bat tous les records en matière d’emplois, le secteur agricole comporte beaucoup plus de retombées économiques.

Revenant sur le contenu local, Ould Mboirick rappelle qu’il ne se décrète pas. Il se mérite. Il a rappelé l’echec de certains pays comme l’Angola dont la loi imposait de réserver 50% des emplois aux nationaux.

Le GTA devrait générer pour la Mauritanie 3 sources de revenus. Il y a la rente directe. La 2ème source c’est l’aspect fiscal et la 3ème c’est ce que le pays va recevoir en nature, en volume de gaz sur les 2,3 millions de T annuelles soit 550 millions de pieds cubes standards. 70 millions de pieds cubes par jour seront répartis entre le Sénégal et la Mauritanie, soit 35.000 pieds cubes/J chacun.

Et l’axe prioritaire pour l’utilisation de ce gaz c’est le développement de l’énergie.

Avec cette quantité de gaz on peut alimenter une centrale éclectique de 250 Mégawatts. Et le reste peut avoir d’autres usages.

(Nous y reviendrons)

Bakari Gueye

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