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Par Khalilou Youssoufi Tandia
Juriste et Expert électoral
Un nom qui résonne dans l’histoire judiciaire

Feu Mahamadou Seta Diagana, plus connu sous le nom de Maître Diagana, fait partie de ces rares figures dont le nom évoque à la fois respect, savoir, droiture et engagement. Magistrats, greffiers, avocats, justiciables : tous connaissaient ou avaient entendu parler de cette icône du barreau mauritanien, dont la stature intellectuelle et morale marqua durablement le monde judiciaire du pays.
Du greffe à la plaidoirie, un parcours d’exception
Avant de devenir avocat, Maître Diagana fit ses débuts dans la justice en tant que greffier, une fonction qui l’amena à Port-Étienne (actuel Nouadhibou), où il côtoyait son cousin germain – plus qu’un frère – le magistrat Tandia Youssoufi, alors juge du droit moderne et président de tribunal.
Désireux de parfaire sa formation, il poursuivit ses études juridiques en France, d’où il revint diplômé, armé de savoirs solides et d’une passion redoublée pour la justice.
Il intégra d’abord le cabinet de Maître Ogo Kane Diallo, l’un des pionniers du barreau mauritanien, avant d’ouvrir son propre cabinet. Dès lors, il devint une référence incontournable, attirant une clientèle nombreuse et fidèle, séduite par ses succès éclatants et sa rigueur professionnelle.
Un maître du droit, une voix de la justice
Qu’il s’agisse de droit civil, pénal, social ou commercial, Maître Diagana faisait montre d’une maîtrise impressionnante des textes et d’une éloquence redoutable. Il appartenait, aux côtés de figures telles que Maître Ogo ou Maître Raphaël Henneni, à ce panthéon d’avocats qui ont laissé une empreinte indélébile sur les plus belles pages de l’histoire du barreau mauritanien.
Militant des droits humains, pionnier de la société civile
Au-delà de sa brillante carrière d’avocat, Maître Diagana fut un homme de principes, un engagé de la première heure. Il fut le fondateur et premier président de l’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH), créée dans l’une des périodes les plus sombres de notre histoire.
Brillant conseiller juridique de grandes entreprises – dont l’ancienne SMAR –, bien introduit dans les milieux judiciaires, il sacrifiera pourtant ses privilèges personnels (notamment lors des événements de 1987, 1989, 1991) pour défendre la dignité humaine et les libertés fondamentales.
Aujourd’hui encore, son héritage perdure à travers l’actuelle présidente de l’AMDH, Me Fatimata Mbaye, qui fit son stage d’avocate dans son cabinet.
Un homme de famille, un modèle de respect
Maître Diagana était également un père aimant, soucieux du bien-être de ses enfants comme de celui des siens. Je garde en mémoire les moments joyeux passés à la plage de Nouakchott, les cadeaux, les sourires… mais surtout son immense respect envers mon père. Je me souviens d’un jour où, lors d’une visite à son bureau, il se leva pour lui céder sa propre chaise, préférant s’asseoir sur celle des visiteurs. Ce geste, empreint d’humilité et de déférence, m’a marqué à jamais.
Son affection fraternelle avec mon père, Tandia Youssoufi, était profonde, sincère, indéfectible. Ils incarnaient, avec leur cousin Abdoulaye Baba Tandia, une parenté cultivée avec noblesse et amour, qui continue de fleurir dans nos cœurs.
Un souvenir vivant, un esprit immortel
Je terminerai par une anecdote touchante racontée par ses enfants, Aïssata (du nom de sa mère) et Ismaël (du nom de son père). Un jour, en partance pour Dakar, ils croisèrent mon père près de l’église de Nouakchott. Lorsque celui-ci apprit qu’ils partaient sans l’en avoir informé plus tôt, il répondit avec humour : « D’accord, bon voyage. Mais à ton retour, tu vas voir avec moi. » Ce simple échange témoigne de la tendresse, de la complicité et du respect qui régnaient entre eux.
Une prière, une promesse de mémoire
Aujourd’hui, vous avez quitté ce monde, mais vous êtes encore parmi nous – dans nos prières, nos souvenirs, nos valeurs. Votre nom restera lié à celui de la justice, de l’intégrité et de l’amour du prochain.
Qu’Allah vous comble de Sa miséricorde et vous accueille dans Son vaste paradis, en compagnie de nos chers disparus.