Les chaînes de l’absurde

Par El Wely Sidi Heiba

Dans le pays des grandes contradictions, les groupes dominants renaissent de leurs blessures comme certaines espèces animales régénèrent leurs membres perdus, sauf qu’ici, elles repoussent plus toxiques, plus redoutables, plus douloureuses.
Les vieux systèmes, rétifs à toute évolution, survivent en s’adaptant aux vents du changement, non pour construire, mais pour préserver leur emprise. Le progrès y est freiné par une logique rétrograde, qui ne recule devant rien : ni le pillage des ressources nationales, ni les deals opaques avec des multinationales, ni la fraude budgétaire dans des secteurs déjà sinistrés.

Mais le mal le plus insidieux réside dans l’état psychique du peuple, atteint d’une sorte de schizophrénie collective, balloté entre :

· une peur palpable d’un présent instable,

· une fascination paralysante pour les moules du passé,

· une élite instruite mais moralement naufragée, prisonnière de ses propres contradictions : elle prêche le savoir tout en trahissant ses valeurs, elle fuit l’effort pour se perdre dans le confort de la duplicité.

D’où une situation opaque, déroutante, où même les plus lucides peinent à comprendre les dynamiques du pays. La lecture du réel devient brouillée par le contraste entre l’image idéalisée qu’on se faisait, et la réalité crue d’un pays en difficulté, sapé sur tous les plans : économique, moral, culturel, institutionnel…

Pendant que le monde célèbre l’art, la pensée, la beauté publique et le progrès civique, ici, on se croirait débarqué d’une machine à remonter le temps, atterrissant dans un coin oublié, où même la poésie n’a plus d’asile, ni d’audience.

L’improvisation y est devenue norme, dans une atmosphère saturée :

· de disputes byzantines,

· d’appétits voraces,

· du culte de la ruse, de la duplicité et du calcul mesquin.

Les conflits s’enchaînent, rythmés par les tambours de la discorde. On y met le feu pour mieux se vendre comme pompier, et en tirer profit. La corruption devient un système, la morale un souvenir, l’argent sale une institution.

Et au sommet de cette tragédie absurde, l’on reste fidèle aux vieilles habitudes anachroniques. Rien ne change, tout se recycle : les vices, les justifications religieuses tordues, l’impunité généralisée.

La religion devient pour des sphères influentes un alibi, les textes sont détournés, la vertu travestie. Le droit, la citoyenneté, la réforme ? Autant de concepts dilués dans un marécage d’intérêts.

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