L’ONG RASS (Reprod Action Santé et Solidarité) a organisé, à Nouakchott, le 7 novembre 2024, une cérémonie de lancement pour son projet visant à combattre la violence obstétricale en Mauritanie.
Cet événement marque un tournant dans la prise en charge des violences faites aux femmes pendant la grossesse, l’accouchement et le post-partum, et entend offrir aux femmes un environnement de soins respectueux, sécurisé et humain.
« Un Projet pour Protéger les Droits des Femmes et Garantir des Soins Respectueux »
Dans son discours d’ouverture, Mme Aminata Diarra, présidente de l’ONG RASS, a posé les bases de ce projet pionnier.
Elle a souligné que l’objectif principal est de réduire les violences obstétricales, tout en améliorant la qualité des soins maternels en Mauritanie. « Ce projet vise à protéger les droits des femmes et à garantir des soins dignes et respectueux », a-t-elle déclaré.
Selon Mme Diarra, une attention particulière sera portée à la formation des professionnels de santé pour adopter des pratiques respectueuses des patientes, et à l’instauration de mécanismes efficaces de signalement et de recours pour les victimes de violences.
Le projet se déroulera dans la commune de Sebkha, un quartier de Nouakchott, où un groupe de 10 sages-femmes sera formé et accompagné pendant 7 mois pour mettre en pratique les principes de bientraitance. Mme Diarra a également exprimé sa gratitude envers ETRILABS et son programme OWLA, qui a soutenu le projet par son programme de mentorat destiné aux jeunes femmes dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive. A t’-elle conclut.
« Peut-on Accoucher Sans Violence ? » : Le Dr Raymond Najjar Ouvre le Débat
L’un des moments forts de la cérémonie a été l’intervention du Dr Raymond Najjar, gynécologue obstétricien, qui a abordé la question fondamentale : Peut-on accoucher sans violence ? Il a rappelé que depuis 2014, un nombre croissant de femmes ont exprimé leur ressenti de mauvais traitements pendant le travail et l’accouchement. « Ce phénomène est amplifié par les mouvements féministes comme MeToo, qui ont permis une prise de conscience accrue », a-t-il indiqué.
Le Dr Najjar a mis en lumière les effets dévastateurs des violences obstétricales sur la santé des femmes, à la fois physiques et mentales. « Les violences obstétricales peuvent entraîner des morbides périnatales plus élevées, des dépressions post-partum, et des syndromes de stress post-traumatique à long terme », a-t-il précisé.
Les Violences Obstétricales : De l’Acte Médical à la Violence Symbolique
Le Dr Najjar a décrit plusieurs formes de violences obstétricales : des actes médicaux non consentis, comme les césariennes sans consentement ou les épisiotomies forcées, des violences verbales telles que les cris, les insultes et les moqueries, mais aussi la discrimination raciale et sociale vécue par certaines patientes. « Les violences obstétricales ne sont pas toujours intentionnelles. Elles proviennent souvent de comportements sexistes, parfois inconscients, des professionnels de santé », a-t-il expliqué.
Pour y remédier, il a appelé à une réflexion collective sur la bientraitance, un concept essentiel visant à garantir des soins respectueux de la dignité et de l’intimité des patientes. « L’objectif est de transformer l’approche des soignants, en mettant l’accent sur l’importance du consentement éclairé et du respect des recommandations de l’OMS », a insisté le Dr Najjar.
L’Accouchement : Une Violence Inévitable ?
Le médecin a posé des questions clés : Sommes-nous violents vis-à-vis de nos patientes ? L’accouchement est-il une violence inévitable ? Il a rappelé que la violence n’est pas une fatalité et que des pratiques respectueuses doivent être instaurées pour garantir une expérience d’accouchement positive pour toutes les femmes.
Un Engagement pour la Santé Mentale : L’Impact des Violences Obstétricales
Dr Kane, psychiatre, a ensuite pris la parole pour aborder l’impact des violences obstétricales sur la santé mentale des femmes. Il a expliqué que ces violences peuvent entraîner des troubles psychologiques importants, notamment l’anxiété, la dépression post-partum, et le traumatisme à long terme. « Il est crucial de prendre en compte ces aspects dans la prise en charge globale des femmes », a insisté Dr Kane, soulignant l’importance de proposer un suivi psychologique aux patientes ayant vécu des violences obstétricales.
Des Actions Concrètes pour Améliorer les Soins
Le projet de l’ONG RASS repose sur des actions concrètes destinées à améliorer la qualité des soins et à lutter contre la violence obstétricale :
- Formation du personnel médical aux bonnes pratiques obstétricales et à la bientraitance.
- Sensibilisation des patientes à leurs droits et à l’importance du consentement éclairé.
- Mise en place de mécanismes de signalement pour les victimes de violences obstétricales.
- Renforcement des capacités des professionnels de santé et des acteurs communautaires pour assurer la pérennité du projet.
- Résultats Attendus et Impact
Les résultats attendus du projet sont clairs : une diminution des violences obstétricales, une amélioration de la satisfaction des patientes, et une sensibilisation accrue des professionnels de santé aux bonnes pratiques. Le projet met également en place un cadre de suivi-évaluation afin de mesurer son impact et d’ajuster les actions si nécessaire.
Une Étude Internationale pour éveiller les consciences
Une étude menée dans quatre pays à faible revenu (Ghana, Guinée, Myanmar, Nigéria) a révélé des niveaux alarmants de violences obstétricales. Selon les résultats de cette étude, plus de 1/3 des femmes ont subi des mauvais traitements lors de l’accouchement. Parmi les violences physiques, 13 % des césariennes ont été pratiquées sans le consentement des patientes, et 75 % des épisiotomies ont été réalisées sans leur accord. Le Dr Najjar a rappelé que ces pratiques doivent cesser, conformément aux directives de l’OMS, qui recommande de garantir des soins respectueux, axés sur le consentement éclairé et la confidentialité.
Un Contexte Mauritanien Complexe
En Mauritanie, les violences obstétricales sont exacerbées par des pratiques médicales abusives, un manque de formation des professionnels de santé, des infrastructures insuffisantes et des biais sexistes profondément ancrés. La loi sur la santé reproductive, adoptée en 2017, condamne toutes formes d’abus liés à la santé sexuelle et reproductive. Toutefois, des efforts restent à faire pour que ces lois soient effectivement appliquées et respectées.
Initiatives Clés pour Éradiquer la Violence Obstétricale
Le projet prévoit plusieurs initiatives pour lutter contre la violence obstétricale, notamment :
- Renforcement des capacités des professionnels de santé.
- Sensibilisation sur les biais sexistes et de genre dans les pratiques médicales.
- Vulgarisation des lois et directives de l’OMS pour garantir des soins respectueux.
- Création d’une cellule d’accompagnement pour les victimes de violences obstétricales, avec des mécanismes de signalement.
Un Avenir Plus Digne pour les Femmes
Le projet lancé par l’ONG RASS marque un engagement fort pour éradiquer la violence obstétricale en Mauritanie. Grâce à une approche globale qui inclut formation, sensibilisation et soutien psychologique, ce projet entend offrir aux femmes un accouchement respectueux et digne. Si la route est encore longue, ce projet constitue un pas essentiel vers un avenir où chaque femme pourra accoucher dans le respect de ses droits et de sa dignité.
Hawa Bâ
La démarche de l’ONG RASS, visant à réduire les violences obstétricales et à promouvoir des soins respectueux et humains, est un signal fort pour l’amélioration des conditions de santé maternelle. L’accent mis sur la formation des sages-femmes et la mise en place de mécanismes de recours montre une approche proactive et durable. Félicitations à RASS et à ses partenaires pour leur engagement en faveur d’un environnement de soins sécurisant et digne pour les femmes !