Hommage à Sidi Baylel le Stevie Wonder de Kaedi

Alors que le deuil frappe Kaédi en raison des meurtres tragiques de jeunes à la fleur de l’âge, un autre événement assombrit encore le ciel de « Dimmbee » : la disparition soudaine de Sidi Baylel Thiam. Cet aveugle à la voix suave, dont chaque sonorité évoquait notre passé, faisait partie intégrante de notre patrimoine immatériel par son répertoire musical.
La puissance évocatrice de sa musique célébrait discrètement l’amour du terroir, mais touchait invariablement les sensibilités des véritables habitants. Les oreilles initiées reconnaissaient les histoires liées aux toponymes mentionnés et aux personnalités mythiques célébrées par ce subtil parolier.

Il est des jours où la peine est si grande qu’elle nous rappelle que certains noms et sons ne résonnent qu’aux oreilles des initiés, évoquant des personnalités mythiques ou des souvenirs précieux.
Des noms d’hommes et de femmes, inconnus de certains mais inoubliables pour d’autres, ressurgissent en mémoire, rappelant le Kaédi d’autrefois.
En parcourant les dédales de ces souvenirs, des noms mythiques et des sons que seuls les initiés peuvent comprendre refont surface. Associer cette belle époque à des figures comme Youssouf Koita, Abdoul Aziz Ba, Moussa Mbarodi, Bedel Ba, Niamé, Hamet Worgua, Khalilou Guertel, Boudi Kelefa, et Djawona ne peut se faire sans mentionner Sidi Baylel Thiam, dont la voix et les paroles sont gravées dans le patrimoine immatériel de notre chère Kaédi.
Originaire de Dolol, Sidi Baylel a adopté Kaédi depuis des décennies, et cette ville l’a également adopté, le considérant comme un digne fils. Tout comme Ousmane Hamadi, autre artiste de Kaédi, il était un monument de la culture Pulago.
Sans se limiter à un air particulier du répertoire Pular, Sidi Baylel a su, tel un troubadour, créer sa propre voie musicale, innovant avec des rythmes et des rimes diffusés par Radio Mauritanie et rapidement adoptés par le public.
Chantre de la musique de variété, poète lyrique d’inspiration romantique, accompagné d’un complice hodu, Sidi Baylel, avec sa belle voix, interprétait le rap à sa manière pour un public qui le vénérait depuis des décennies. Il faisait rire et pleurer les amateurs de variété populaire Pular lors de soirées artistiques, immortalisant la culture Halpular. Père du Wango, il nous a fait danser avec des pas endiablés et pleurer pour le sort tragique de Fatima Hawa l’orpheline, maltraitée par une méchante marâtre. Au-delà des deux rives du fleuve, le peuple du Fouta voyait en lui un adepte du Mayo Wona Kérole (le fleuve n’est pas une barrière).
Il est sans doute le dernier des « Mohicans » de la culture Halpular, refermant avec sa mort une des plus belles pages du Pulago.
Sidi Baylel weltima, Sidi Baylel yaa dagne djam.


Mohamed Askia Toure

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