Cadre juridique et légal des élections en Mauritanie

En Mauritanie, le régime politique et l’organisation administrative déterminent le système électoral qui est fondé sur la Constitution du 20 juillet 1991 qui consacre un régime de type semi présidentiel.

Chef de l’exécutif, le Président de la République dispose de prérogatives importantes, dont la désignation du Premier ministre, et la possibilité de saisir le peuple par voie de référendum.

Il bénéficie en outre de la forte légitimité que lui confère son élection au suffrage universel direct.

La Constitution aménage néanmoins un système de séparation souple entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, exercé par le Parlement, constitué d’une Assemblée nationale.

En effet, si le Président de la République peut prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale, le Gouvernement reste responsable devant celle-ci et peut encourir la censure.

Le territoire mauritanien est organisé en 15 wilayas, entités administratives déconcentrées placées sous l’autorité d’un wali qui représente le pouvoir central. Chaque wilaya est divisée en moughataas, et les moughataas en arrondissements.

Les moughataas sont chacune placées sous l’autorité d’un hakem. Si l’organisation territoriale est caractérisée par une centralisation administrative traditionnellement forte, les réformes administratives et institutionnelles de 1986 ont initié un premier mouvement de décentralisation avec l’établissement de 208 communes. La capitale ayant été transformée en 2001 en une communauté urbaine de 9 communes, le pays compte aujourd’hui plus de 200 communes dont les conseils municipaux sont élus pour cinq ans au suffrage universel direct. La communauté urbaine de Nouakchott constitue 3 wilayas, dont les 9 communes sont en même temps les moughataas.

Des élections se sont déroulées en 2006 (municipales et législatives) et 2009 (présidentielles).

Du 17 septembre au 19 octobre 2012 s’est tenu le « Dialogue National » entre la majorité présidentielle et une partie de l’opposition qui s’est concrétisé par l’élaboration de nouveaux textes modifiant certaines dispositions des lois électorales ainsi que de la création d’une Commission Electorale Nationale(CENI) permanente chargée d’organiser les élections.

Lois électorales et mode de scrutin

La Mauritanie, depuis l’adoption de la Constitution du 20 Juillet 1991, s’est dotée d’un arsenal juridique complet qui régit les élections. Il fait état des grandes lignes du système électoral mauritanien.

Les différentes lois relatives aux élections (présidentielles, législatives et municipales) reposent sur un ensemble de principes. Parmi ces principes il faut citer l’universalité et le caractère secret du vote ; l’importance du rôle des partis politiques qui « concourent à la formation et à l’expression de la volonté politique » et troisième point, l’égalité absolue entre les acteurs de la vie politique.

Ces principes n’ont de limites que celles prévues par la constitution : le respect des principes démocratiques, de la souveraineté nationale, de l’intégrité territoriale et de l’unité de la Nation et de la République.

Quant au mode de scrutin, il est essentiellement majoritaire à deux tours à l’élection présidentielle. Toutefois la proportionnelle existe au niveau des élections municipales et législatives (en cas de scrutin de liste et dans les circonscriptions les plus peuplées) et cela afin de permettre à l’opposition et aux petites formations politiques d’accéder à ces institutions représentatives des populations.

Participation et représentation

La participation populaire s’est développée ces dernières années : non seulement le référendum sur la constitution en juin 2006 a connu un taux de participation très élevé mais, aussi, toutes les élections présidentielles, législatives et municipales depuis 2006. Les taux de participation des différentes consultations organisées depuis cette date ont dépassé les 64%. Désormais les populations participent à tous les scrutins.

L’élection du président de la République (scrutin majoritaire à deux tours) :

Le président de la république est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Son mandat est renouvelable une seule fois. Il est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour du scrutin par l’un des candidats, il est procédé, dans les quinze jours, à un second tour. Les candidatures à la présidence de la République sont adressées au Conseil Constitutionnel. Tout candidat peut présenter, par requête écrite adressée au Président du Conseil Constitutionnel, une réclamation concernant la régularité du scrutin ou du dépouillement. Le Conseil Constitutionnel étudie les cas litigieux après avoir entendu les observations de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) au sujet des questions qui lui sont soumises. Il proclame les résultats définitifs de l’élection présidentielle. La CENI proclame les résultats provisoires. Il faut ajouter que le système électoral admettait les candidatures indépendantes dont le nombre a augmenté en 2005.

La circonscription électorale pour l’élection présidentielle est le territoire national.

Cadre légal des élections présidentielles

L’élection du président de la République est régie par la constitution. En effet en vertu de l’article 26 (nouveau),

Le Président de la République est élu pour cinq (5) ans au suffrage universel direct.

Il est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour du scrutin par l’un des candidats, il est procédé à un second tour, deux semaines plus tard. Seuls peuvent s’y présenter les deux candidats qui, restés en compétition, ont recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour.

Est éligible à la Présidence de la République, tout citoyen né mauritanien jouissant de ses droits civils et politiques et âgé de quarante (40) ans au moins, et de soixante-quinze (75) ans au plus, à la date du premier tour de l’élection.

Le scrutin est ouvert sur convocation du Président de la République.

L’élection du nouveau Président de la République a lieu trente (30) jours au moins et quarante-cinq (45) jours au plus avant l’expiration du mandat du Président en exercice.

Les conditions et formes d’acceptation de la candidature ainsi que les règles relatives au décès ou à l’empêchement des candidats à la présidence de la République sont déterminées par une loi organique.

Les dossiers des candidatures sont reçus par le Conseil Constitutionnel qui statue sur leur régularité et proclame les résultats du scrutin.

Et l’article 27 (nouveau) précise que le mandat de Président de la République est incompatible avec l’exercice de toute fonction publique ou privée et avec l’appartenance aux instances dirigeantes d’un parti politique.

Le Président de la République est rééligible une seule fois (Article 28 nouveau).

Le Président de la République nouvellement élu entre en fonction à l’expiration du mandat de son prédécesseur.

Avant d’entrer en fonction, le Président de la République prête serment comme stipulé par l’article 29 (nouveau)

L’élection des députés à l’Assemblée nationale:

Le nombre des députés (176) de l’Assemblée Nationale est fonction du nombre d’habitants de la circonscription électorale qui est la Moughataa, c’est-à-dire le Département. Il est de :

  • Un député pour les circonscriptions électorales dont le nombre d’habitants est inférieur ou égal à 31 000 habitants ;
  • Deux députés dans les circonscriptions électorales dont le nombre d’habitants est supérieur à 31 000 habitants ;
  • Trois députés dans les circonscriptions électorales dont le nombre d’habitants est supérieur à 90 000 habitants ;
  • Quatre députés dans les circonscriptions électorales dont le nombre d’habitants est supérieur à 120 000 habitants ;
  • Dix-huit députés pour la circonscription électorale unique de Nouakchott ; Vingt députés élus sur une liste nationale ;
  • Vingt députés élus sur une liste nationale réservée aux femmes.

L’élection des députés devant former l’Assemblée nationale combine trois modes de scrutin distincts : un scrutin proportionnel national (à un tour), et un scrutin proportionnel dans les circonscriptions (à un tour ; plus de deux sièges) les plus peuplées et un scrutin majoritaire à deux tours dans les autres circonscriptions du pays. Il y’a plus de 50 circonscriptions électorales correspondant aux Moughataas.

L’élection des conseillers municipaux (représentation proportionnelle à un ou deux tours) :

En Mauritanie on compte aujourd’hui 13 conseils régionaux et 238 conseils municipaux.

Le nombre de conseillers municipaux est établi entre 9 et 21 en fonction du nombre d’habitants de la commune, suivant des fourchettes définies par la loi. Le scrutin sera à un tour si l’une des listes obtient la majorité absolue des suffrages exprimés. La répartition des sièges à pourvoir se fera à la représentation proportionnelle avec utilisation du plus fort reste des voies obtenues par les listes. Si au premier tour, aucune liste n’a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés, il sera procédé à un second tour. Et dans ce cas ne pourront se présenter que les deux listes ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages. Chacune des deux listes obtient un nombre de sièges proportionnels au nombre de suffrages recueillis sur la base du quotient électoral.

Les candidatures sont faites au nom des partis politiques légalement reconnus. Sont éligibles les citoyens mauritaniens âgés de 27 ans accomplis. Les listes de candidats ne doivent, en aucun cas être composées sur des bases ethniques, tribales ou ayant un caractère particulariste ou sectaire.

Les nouveautés du cadre juridique des élections de 2023

Les élections législatives, régionales et municipales qui ont eu lieu les 13 et 27 mai 2023 ont été précédé par la révision, par les autorités compétentes de certaines dispositions du cadre juridique, suite à l’accord politique intervenu entre le Gouvernement et les partis politiques le 26 septembre 2022.

Dans cette optique, la révision du cadre juridique a conduit à l’adoption des textes suivants, au cours du premier trimestre de l’année 2023 :

-La Loi organique n° 2023-009 /PR/ du 23 février 2023, modifiant certaines dispositions de la Loi organique n°2012-032 du 12 avril 2012, modifiant certaines dispositions de l’Ordonnance n°87-279 du 20 octobre 1987, modifiée, abrogeant et remplaçant l’Ordonnance N°86-134 du 13 août 1986, instituant les Communes ;

-La Loi organique n°2023-010/PR/ du 23 février 2023, modifiant certaines dispositions de l’Ordonnance n°87-289 du 20 octobre 1987, modifiée, abrogeant et remplaçant l’Ordonnance N°86-134 du 13 août 1986, instituant les Communes ;

-La Loi organique n°2023-011/PR/ du 23 février 2023, modifiant certaines dispositions de la Loi Organique n°2018-010 du 12 février 2018 relative à la Région ;

-La Loi organique n°2023-012/PR/ du 23 février 2023, modifiant certaines dispositions de la Loi organique n°2018-007 du 12 février 2018, relative à l’élection des députés représentant les mauritaniens établis à l’étranger ;

-La Loi organique n°2023-013/PR/ du 23 février 2023 modifiant les dispositions de l’article 3 (nouveau) de la Loi organique n° 2018-030 du 17 juillet 2018, modifiant l’Ordonnance n° 91-0128 du 07 octobre 1991, modifiée portant Loi organique relative à l’élection des députés à l’Assemblée Nationale ;

-La Loi organique n°2023-014/PR/ modifiant certaines dispositions de la Loi organique n°20212-029 du 12 avril 2012 modifiant l’Ordonnance n°91-028 du 07 octobre 1991, modifiée, portant Loi organique relative à l’élection des députés à l’Assemblée Nationale ;

-Le décret n°172.2022 en date du 31 Octobre 2022 portant la nomination des membres du comité directeur de la CENI ;

-Le Décret n°2023-056/PR du 13 mars 2023 portant dissolution de l’Assemblée Nationale ;

-Le Décret n° 2023‐015 du 10 janvier 2023 fixant les modalités du Recensement Administratif à Vocation Electorale (RAVEL) ;

-Le Décret n°2023-055/ PM du 13 mars 2023 portant convocation du collège électoral pour l’élection des députés à l’Assemblée Nationale ;

-Le Décret n° n°2023-056/ PM du 13 mars 2023 portant convocation du collège électoral pour l’élection des Conseillers Régionaux et des Conseillers Municipaux ;

-L’Arrêté conjoint n°0140/MAECME/MIDEC/ du 26 janvier 2023 portant établissement de la liste des pays concernés par le vote des Mauritaniens établis à l’étranger pour les élections législatives de 2023.

L’arsenal juridique des élections a été renforcé par le Comité Directeur dont les activités en matière d’adoption de textes réglementaires (Délibérations), ont été de nature à clarifier davantage le cadre juridique en vigueur, en lui apportant à chaque fois, les dispositifs et mécanismes appropriés et nécessaires à leur application convenable.

Dans le cadre des réformes du système électoral, les principales nouveautés ont porté au niveau de l’élection des députés sur l’introduction d’un quota de représentation des femmes, d’une dose de représentation proportionnelle pour l’élection des députés, d’une liste nationale réservée aux femmes et d’une grande représentativité des circonscriptions électorales en fonction de leur poids démographique.

Des quotas ont aussi été réservés aux jeunes et aux mauritaniens de l’étranger.

A noter que les dernières mesures ont contribué, entre autres à garantir une plus grande représentativité de l’assemblée élue.

Par Bakari Gueye

Source : Magazine mensuel HORIZONS/N°045/Avril 2024

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