L’Observatoire Mauritanien de Lutte Contre la Corruption (OMLC) a organisé le 30 Août à Nouakchott un atelier de restitution de l’étude du cadre juridique et réglementaire des industries extractives, en relation avec la promotion des espaces civiques, la participation citoyenne et le rôle des OSC dans la gouvernance du secteur.
Cet atelier a vu la participation de représentants des ministères du Pétrole et des Mines,des Affaires Economiques, du Comité National-ITIE, des OSC bénéficiaires , des membres de l’OMLCC, des membres de la CM/PCQVP, des focus Groups et espaces civiques, des PTF
Et des Journalistes d’investigation.
La présentation du rapport a permis aux participants de discuter de son contenu et de faire des recommandations allant dans le sens d’une plus grande implication de la Société Civile dans le processus de gestion des revenus issus des industries extractives.
Aperçu du rapport
Les 33 pages du rapport font le point sur le cadre juridique et réglementaire des industries extractives.
En effet la Mauritanie dispose d’un potentiel important en ressources minérales varié et riche (l’or, le sel, le gypse, le zinc, l’uranium, le pétrole, le gaz, le cuivre, le quartz, le fer, etc.). Le minerai de fer est exploité depuis le début des années 60 et le pétrole a connu une exploitation en offshore pendant une dizaine d’années (2006-2017). Aussi, un grand projet de développement gazier est attendu d’ici 2024.
Le pays est membre de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) depuis 2005, date à laquelle il a mis en place un Comité National composé de représentants du gouvernement, du secteur extractif et de la société civile. La mission du Comité est d’assurer la mise en œuvre des principes et normes de l’ITIE en Mauritanie, dans le but de s’assurer que les investissements dans l’industrie extractive contribuent à terme à la réduction de la pauvreté et au développement du pays. Le Comité s’est engagé à publier régulièrement les bénéfices extractifs et les redevances versées au gouvernement par les entreprises extractives.
La Mauritanie a adopté des textes législatifs pour l’encadrement des activités extractives (Code minier en avril 2008 et Code des Hydrocarbures bruts en juillet 2010), ainsi qu’une règlementation pour l’application de ces deux textes. La gestion environnementale des ressources naturelles, y compris les industries extractives, a connu elle aussi la promulgation d’un certain nombre de textes transversaux (Loi-cadre de juillet 2000 sur l’environnement, loi de décembre 2018 sur la pollution atmosphérique…), et des décrets d’application, notamment celui relatif à l’évaluation environnementale (EIE). Il existe également des textes sectoriels qui comportent des dispositions d’ordre environnemental.
Des structures ont été également créées en vue de l’encadrement du développement des industries extractives dans lesquelles les OSC y sont représentées. Certaines ont des rôles décisionnels et d’autres ont juste des avis consultatifs (CESE, CNEDD, CCNL…etc.).
En 2019, l’ITIE a adopté de nouvelles exigences en matière de transparence, de réglementation environnementale et d’égalité des sexes qui sont obligatoires pour tous les contrats signés dans les pays membres. Après le 1er janvier 2021, l’ITIE a commencé à examiner les paiements des entreprises de l’industrie extractive, encourageant le partage d’informations sur la surveillance environnementale et exigeant une sensibilité au genre lors de l’embauche ainsi que le partage des données sur l’emploi par sexe et par entreprise.
S’agissant du secteur minier, le rapport note que a loi minière d’avril 2008 constitue le cadre juridique d’intervention dans le domaine minier. Elle prévoit divers types de titres miniers : l’autorisation de prospection, le permis de recherche, le permis d’exploitation et l’autorisation d’exploitation artisanale. Elle définit les conditions d’obtention, les droits conférés et les caractéristiques de chaque type de titre minier et de carrière.
En Mauritanie la loi minière simplifie les procédures d’octroi des titres et en garantit la stabilité du régime fiscal et des droits acquis pendant toute la durée de la convention minière.
La loi prévoit la signature d’une convention minière (Convention minière type : Loi de 2012)avant l’émission du permis de recherche. Cette convention couvre la phase recherche et production et permet d’accentuer le caractère contractuel des relations entre l’État et l’investisseur. La convention minière a pour objet de préciser les conditions générales, juridiques, fiscales, économiques, administratives, douanières et sociales dans lesquelles la société́ procèdera aux travaux de recherches et/ou d’exploitation à l’intérieur du périmètre défini au permis de recherche ou d’exploitation.
Cette loi est précisée par un certain nombre de textes règlementaires :
-Décret n° 2008-158 du 4 novembre 2008, fixant les taxes et redevances minières ;
-Décret n° 2009-051 du 4 février 2009 modifiant et complétant le décret no 2008-159, portant sur les titres miniers et de carrières ;
-Décret n° 2009-176 du 17 mai 2009 modifiant et complétant le décret n°2008-158 du 4 novembre 2008, fixant les taxes et redevances minières ;
-Décret no 2009-131 du 20 avril 2009, portant sur la Police des Mines ;
-Décret n°2010-140 du 14 juin 2010 réglementant la collecte, le stockage, le transport, l’achat, la vente et l’exportation de la ferraille en Mauritanie ;
-Décret 134-2017 du 20 novembre 2017 portant sur la petite exploitation minière ;
-Arrêté n° 2474 du 02 novembre 2010 fixant les conditions d’application du décret n° 2010-140 du 14 juin 2010 réglementant la collecte, le stockage, le transport, l’achat, la vente et l’exportation de la ferraille en Mauritanie.
-Arrêté conjoint n°0002 du 02 janvier 2018 portant organisation des professions de l’activité de l’exploitation artisanale de l’or.
Il existe des conventions minières particulières promulguées par des textes législatifs et ont force de loi :
-Convention minière particulière signée entre la Mauritanie et la SNIM ;
-Convention minière d’établissement signée entre la Mauritanie et MCM.
Pour ce qui est du secteur aurifère, la loi n°2022-026 du 12 décembre 2022 organise l’activité minière artisanale et semi- industrielle de l’or et détermine le statut juridique de l’Agence Nationale ‘ MAADEN Mauritanie.
Le domaine des hydrocarbures en Mauritanie comprend deux secteurs : l’amont, qui englobe toutes activités onshore et offshore portant sur l’exploration, le développement et l’exploitation du pétrole brut ainsi que le gaz naturel, et l’aval qui regroupe les activités d’importation, d’exportation, de transport, de commercialisation, de distribution, de stockage, de raffinage, d’enfutage et de réexportation des produits pétroliers raffinés liquides et gazeux.
C’est le secteur amont des hydrocarbures qui a été concerné par cette étude. En effet, le Code des Hydrocarbures bruts de juillet 2010modifié définit le régime juridique et fiscal des activités de recherche, d’exploitation, de transport par canalisation et de stockage des hydrocarbures, ainsi que des ouvrages et installations permettant leur exercice. Il définit également le cadre institutionnel permettant d’exercer, de règlementer et de contrôler les activités susvisées, les droits et obligations des personnes exerçant une ou plusieurs des activités susvisées.
De prime abord, la loi fixe le principe de la propriété de l’État des gisements ou accumulations naturelles d’hydrocarbures sur l’ensemble du territoire mauritanien et aménage ensuite les modalités et conditions d’exploration et d’exploitation de ces gisements du domaine pétrolier national. Elle instaure un cadastre pétrolier chargé d’enregistrer et de suivre les titres pétroliers.
La loi prévoit la conclusion d’un contrat d’exploration-production avec l’État (CEP), qui confère au contractant le droit exclusif d’exercer dans le périmètre qui lui est attribué.
Le Code des Hydrocarbures bruts prévoit en outre, que le contractant doit exécuter les opérations pétrolières en se conformant aux normes et standards édictés par la réglementation nationale en vigueur, ou à défaut internationale, en matière de protection de l’environnement et de sécurité industrielle.
Tout plan de développement doit faire l’objet d’une étude d’impact environnemental. L’étude d’impact doit être soumise à l’approbation du Ministre chargé de l’environnement. Le brûlage à la torche du gaz naturel est interdit sauf pour des impératifs de sécurité ou en phase de démarrage de la production ou lorsqu’est délivrée une autorisation ministérielle exceptionnelle.
Place de la société civile dans la gestion des industries extractives
C’est l’objet du 3ème chapitre de l’étude.
Les campagnes menées ces dernières années par les OSC ont mis en exergue la transparence des recettes en tant que facteur essentiel de la promotion de la richesse minière au service du développement socioéconomique. Les principaux éléments de cette transparence sont les suivants :
- Un bon dispositif pour collecter, recevoir et enregistrer l’ensemble des recettes publiques provenant de l’industrie extractive ;
- Des mécanismes permettant une communication obligatoire, régulière et ouverte de l’information, concernant tant les recettes reçues par les organes publics que les paiements effectués par chaque société engagée dans de telles opérations à des institutions et agents publics ;
- Des processus et institutions crédibles pour tenir la comptabilité et assurer l’audit des recettes et des paiements ;
- Des moyens de participation du public, à l’échelle nationale et locale, au contrôle et à l’exécution des obligations des institutions publiques, des agents et des compagnies en matière de transparence ;
La participation publique dans le processus décisionnel constitue une autre norme largement reconnue comme souhaitable.
Dans le secteur extractif mauritanien, l’implication des OSC se fait essentiellement au travers de deux portes : les évaluations environnementales des projets pétroliers et miniers et l’ITIE.
Pour les évaluations environnementales préalables, dès qu’il a déposé sa proposition de termes de référence, pendant la phase de cadrage, le promoteur d’un projet extractif informe par tout moyen approprié le Hakem (Préfet du département), le Maire et la population du lieu d’implantation des projets envisagés, de la réalisation prochaine de l’étude ou de la notice d’impact sur l’environnement.
Afin de permettre aux personnes intéressées de réagir au plus tôt sur le projet, une consultation publique est organisée pendant la réalisation de l’étude d’impact. Le promoteur en collaboration avec les organes compétents de la circonscription administrative et de la commune concernée assure l’information et la participation du public. Concrètement, il s’agit d’une part, de réaliser une ou plusieurs réunions de présentation du projet regroupant les autorités locales, les populations, les administrations impliquées, les OSC et autres organisations concernées. D’autre part, un registre accessible aux populations doit être ouvert auprès du Hakem territorialement compétent. Les appréciations, observations et suggestions formulées sur le projet y sont consignées. Il serait intéressant d’imposer au promoteur de répondre sur les points soulevés dans ce registre vis à vis du projet dans son étude d’impact.
Les lois sur les industries extractives en Mauritanie (Code minier de 2008 et Loi sur les hydrocarbures bruts de 2010) renvoient systématiquement à la règlementation environnementale et donc nécessairement à la mise en place de la procédure de l’évaluation préalable de l’impact environnemental de tout projet pétrolier ou minier, notamment l’organisation des consultations du public et forcement l’implication des OSC, avec un droit de regard sur les aspects environnementaux, sociaux et sanitaires.
Au niveau de l’ITIE, la société civile joue souvent un rôle clé dans le plaidoyer en faveur de l’adhésion d’un pays à l’ITIE. Elle doit être en mesure de désigner librement ses représentants au groupe multipartite et d’influencer les objectifs du processus ITIE.
La participation de la société civile est essentielle à la réussite de la mise en œuvre de l’ITIE. Conformément à l’Exigence 1.3 de la Norme ITIE, la société civile doit participer pleinement, effectivement et activement au processus ITIE. La relation entre les entreprises, les OSC et le gouvernement est officialisée à travers le groupe multipartite.
Le Protocole relatif à la participation de la Société Civile fait partie intégrante de la Norme ITIE et précise la manière dont il faut entendre cette disposition.
Dans chaque pays, c’est le groupe multipartite qui décide des objectifs et de la portée de la mise en œuvre de l’ITIE. La participation active de la société civile aux travaux du groupe multipartite est essentielle afin que cet organe reflète effectivement ses points de vue.
La société civile peut également proposer au groupe multipartite d’examiner la situation et de faire un bilan de la participation des citoyens à la gouvernance du secteur extractif. Le plan de travail de l’ITIE doit refléter l’ensemble des objectifs et des activités visant à renforcer l’engagement, ainsi que les divulgations intéressant le secteur.
Cette représentation et ce rôle sont repris par les dispositions du décret de 2018 relatif au comité national de l’ITIE, dans lequel les OSC sont représentés par quatre membres.
Notons qu’au cours de cette journée plusieurs recommandations ont été faîtes par les participants, des recommandations qui permettront d’améliorer cette étude et qui pourraient être prises en compte lors de la revue en vue de l’arsenal juridique régissant le secteur.
Rappelons que le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), s’appuyant sur son mandat, son expérience et son expertise, accompagne la mise en œuvre du projet de renforcement de l’engagement des OSC dans les espaces civiques pour renforcer la transparence et la redevabilité dans les secteurs extractifs. Il s’appuie également sur son mandat, son expertise et son expérience dans le renforcement de la gouvernance économique, la lutte contre la corruption et la promotion des outils de redevabilité, notamment par le renforcement de la surveillance citoyenne active à travers la société civile et le Parlement.
Le présent Projet ITIE/PNUD/USAID vise à renforcer les mécanismes de dialogue et de concertation, permettant une meilleure participation des citoyens à la gestion des revenus miniers.
L’OMLCC est bénéficiaire d’un appui du PNUD, en tant qu’agence d’exécution du projet « Transparence et responsabilité dans les secteurs extractifs en Mauritanie » financé par l’USAID, pour la réalisation d’une étude sur le cadre juridique applicable aux industries extractives en Mauritanie.
C’est dans ce cadre qu’il a recruté un consultant pour mener cette étude qui a fait l’objet d’une restitution et d’une discussion approfondie.
Bakari Gueye