La CNDH organise un atelier autour du couple corruption/Droits de l’homme

Les locaux de la Commission Nationale des Droits de l’homme (CNDH) ont abrité lundi les travaux d’une journée de réflexion sous le thème : « Sensibilisation sur la lutte contre la corruption et les droits de l’homme ».L’atelier est organisé en partenariat avec l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).Des représentants de la Société Civile engagés sur cette thématique et des acteurs étatiques représentant le ministère de l’économie et du développement durable et l’Inspection Générale de l’Etat (IGE) ont pris part à cet atelier.Des responsables de l’Association Francophone des Commissions Nationales des Droits de l’homme (AFCNDH) ont également marqué leur participation et assuré des interventions par visioconférence.

Dans un discours prononcé à cette occasion, Me Ahmed Salem Bouhoubeyni,  président de la CNDH parlant de la corruption et de sa relation avec la protection des Droits de l’Homme a expliqué que : « Cela est dû aux dommages et aux pertes causés par le fléau mortel de la corruption aux droits individuels et collectifs des citoyens en général, et aux droits de l’homme civils, politiques, sociaux, économiques et culturels en particulier. »

Préconisant une synchronisation dans le but d’une prise de conscience commune et une volonté collective de la part de tous les organismes et forces nationales de la relation dialectique entre la propagation de la corruption et l’effondrement des droits de l’homme, Me Bouhoubeyni a ajouté que : « La lutte contre la corruption dans tous les secteurs et à tous les niveaux est une nécessité impérative car elle repose avant tout sur les enseignements de notre sainte religion. »

Parlant des enjeux du couple corruption/Droits de l’homme, Michel Forst Secrétaire Général de l’AFCNDH a mis en exergue le lien intrinsèque entre les deux. Et de noter que les victimes de violence des droits de l’homme dans le domaine de la corruption sont de plus en plus nombreuses. Pour lui la CNDH doit agir en tant que facilitatrice.

Affirmant que l’OIF fait de la lutte contre la corruption une de ses activités phares, l’organisation a, dit-il soutenu plusieurs activités des INDH.

Les recommandations issues des ateliers comme celui organisé par la CNDH sont des pistes pour l’élaboration du Plan d’Action Stratégique qui sera transmis à l’OIF a assuré Michel Forst.

Le cadre législatif national anti-corruption

Des présentations ont abordé plusieurs aspects de la problématique.

Abordant le cadre juridique et institutionnel de la lutte contre la corruption en Mauritanie, M. Sidi Mohamed Ould Boidé de l’Inspection Générale de l’Etat a affirmé d’emblée que le phénomène de la corruption prend une grande ampleur au niveau mondial et crée un climat favorable au développement de la criminalité.

La Mauritanie a dit-il adhéré à plusieurs conventions régionales et internationales de lutte contre la corruption dont la Convention des Nations Unis pour la Lutte Contre la Corruption (CNUCC) qui est le premier instrument contraignant ratifié aujourd’hui par 187 Etats.

Parlant des fondements du contrôle, il a affirmé que ses objectifs sont d’imposer le respect des lois et règlements relatifs à la gestion des biens publics.

Le conférencier a passé au peigne fin les différents types de contrôle : parlementaire, juridictionnel, administratif, Conseils d’administration, Inspections départementales ainsi que les concepts de contrôle comme l’audit, l’inspection, l’évaluation…

S’agissant du cadre législatif et réglementaire anti-corruption il y a la loi d’orientation N°2015-040, la loi N°2018-21 et la stratégie nationale de lutte contre la corruption (2023-2030).

Et pour ce qui est de l’incrimination, il y a le Code pénal, le Code de procédure pénale, le Code du Commerce, le Code des Douanes, le Code Général des Impôts…

S’agissant de la gestion des finances publiques, les principaux organes de lutte contre la corruption sont basés sur le premier fondement à savoir l’article 68 de la Constitution qui permet le contrôle du budget par le parlement.

Il y a aussi le contrôle administratif, le contrôle interne ;

Et tout cela est chapeauté par les institutions supérieures de contrôle que sont la Cour des Comptes créée en 2003, l’IGE créée en 2005, l’Inspection Générale des Finances créée en 1983 et l’Autorité de Régulation des Marchés Publics.

Quant aux instances judiciaires compétentes, l’inspecteur Boidé a cité la Direction Centrale de Lutte Contre la Criminalité Economique et Financière ; le Pôle du Parquet anti-corruption créé en 201 ; le Pôle d’instruction anti-corruption créé en 2017 ; le Tribunal compétent en matière d’infractions relatives à la corruption créé en 2017.

On note aussi l’existence d’un cadre de relations entre les instances.

Le travail de contrôle est préventif et la loi est de plus en plus coercitive. En effet avec la nouvelle loi anti-corruption de 2016, les auteurs de détournements des deniers publics n’ont plus droit à des circonstances atténuantes. Il ne suffit plus seulement de rembourser mais le dossier est directement transmis par l’IGE ou la Cour des Comptes au Parquet qui détient seul le pouvoir d’appréciation.

Mise à jour de la Stratégie Nationale de Lutte contre la Corruption

Pour sa part, M. Abderrahmane, directeur au ministère de l’économie  et du développement durable, il a présenté la Stratégie Nationale de Lutte contre la Corruption, une stratégie qui s’étale de 2023 à 2030 et dont le plan d’action prévoit le financement de 120 projets avec une enveloppe de 11 milliards MRO.

Il a rappelé que la 1ère stratégie a été mise sur pied en 2010 ; La seconde a été mise à jour en 2016. Elle dispose d’un plan d’action budgétisé et d’une stratégie de communication.

Cette stratégie a été adoptée suite à un diagnostic minutieux qui avait fait ressortir les principales problématiques et contraintes. Celles-ci se résument à l’opacité de l’administration publique, à des procédures et normes administratives peu efficaces, au digital qui est peu exploité, à l’absence de motivation à lutter contre la corruption, au faible niveau de poursuite et d’investigation, au cadre réglementaire globalement inopérant et à une volonté politique non encore aboutie.

Notons qu’un récent rapport du FMI non encore rendu public fait état de beaucoup d’obstacles encore existants qui freinent la lutte contre la corruption en Mauritanie.

Corruption et droits de l’homme : Un lien étroit

Dans son intervention, Mme Barbara Dotanta, Vice-présidente de la Coordination des Institutions nationales des Droits de l’Homme affiliées à l’ l’AFCNDH a parlé entre autres du lien entre la corruption et les Droits de l’Homme et du rôle des INDH.

Elle a fait état de la convention des Nations Unies Contre la corruption ratifiée par plusieurs états et qui est juridiquement contraignante.

Il y a aussi la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et ses pactes même si note-t-elle celle-ci ne mentionne pas expressément la lutte contre la corruption.

Également cités les organes conventionnels tels que le Conseil des Droits de l’Homme qui mentionne à travers 3 de ses résolutions ce lien entre droits de l’homme ; des résolutions qui établissent un lien entre corruption et jouissance des droits.

Autres instruments mis en avant, la charte Africaine des droits de l’homme et des peuples et la Convention de l’Union Africaine sur la corruption qui mentionne la nécessité du respect des droits de l’homme.

Enfin comme a eu à le souligner le président de la CNDH dans son mot d’ouverture, les recommandations issues de cet atelier devraient contribuer à mieux diagnostiquer la situation actuelle de la corruption en Mauritanie et définir les moyens les plus efficaces pour la combattre.

Notons enfin que cet atelier était modéré par Mohamed Abdellahi Belil, Président de l’Observatoire Mauritanien de Lutte contre la Corruption (OMLCC).

Bakari Gueye

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