Difficile de parler de Sélibaby sans se référer à Bambaradougou, désormais au coeur de la ville tel un noyau. C’est aussi l’une des rares fortes concentrations de populations, organisées et structurées, voire homogènes sur un territoire historiquement acquis et conquis au niveau de Sélibaby.
Aujourd’hui, Bambaradougou, fait incontestablement office du plus vieux quartier de la ville de Sélibaby. Vieux, par son attachement à son architecture traditionnelle – des maisons faites de matériaux locaux, l’argile et les excréments de vaches ou d’ânes pétrifiés – servant de ciment pour rendre les briques et les bâtiments imperméables et résistants face aux intempéries: la région était/ est particulièrement pluvieuse.
L’autre charme de ces constructions en banco, c’est sans conteste, l’emboîtement des habitations.
On a l’impression que le village est une seule famille, une concession commune tellement, les maisons s’entremêlent et s’enchevêtrent, les unes les autres. Si bien qu’en visitant le quartier, on se croirait dans un labyrinthe sans fin à cause des ruelles étroites et sinueuses qui vous emmènent vers l’inconnu.
Le visiteur étranger s’y perd facilement. Le suspens est tel que, de la rue vous pouvez brusquement, vous retrouver dans une maison, dans une cour et même dans un bâtiment.
Vieux quartier, également de part son organisation sociale traditionnelle. D’ailleurs, ses habitants, eux-mêmes, préfèrent parler de village, dans un centre urbain pour marquer, la structuration et l’organisation sociales, et communautaires qui lui sont propres, son charme et son identité propre depuis des lustres.
Cette occupation spatiale répondait au défi de la solidarité, l’arme fatale de la communauté, unie pour le meilleur et pour le pire. C’était également, une stratégie de guerre, un « village guêpier », un véritable traquenard pour contenir et contrer d’éventuels assauts des assaillants.
Jusqu’à une époque récente, et dans une moindre mesure, aujourd’hui l’évocation du nom du quartier est/ était indissociable de la résistance, du courage, du refus de la domination et de l’humiliation. Les habitants de ce quartier légendaire étaient réputés pour leur abnégation au travail, les travaux champêtres en l’occurrence, et étaient éleveurs de manière occasionnelle.
Une stature qui leur avait valu respect et considération, si non crainte ou méfiance du fait qu’ils avaient su être indépendants et autonomes, par le travail mais surtout une organisation sociale de type communautaire impressionnante, dont les piliers étaient » tous ensemble » .
Bambaradougou, c’est imposé comme le quartier rebelle dans la conscience collective, une espèce de zone interdite pour ceux qui n’y habitent pas. Même le colonisateur évitait de s’y aventurer tellement, ses habitants étaient des hommes et des femmes durs à cuire et solidaires à toute épreuve.
Ce quartier est un véritable musée, un trésor patrimonial malheureusement peu connu, faute d’une politique cohérente de promotion culturelle, soucieuse de ratisser large pour une meilleure représentativité, en vue de revitaliser, de répertorier tout le patrimoine culturel national à la hauteur de notre diversité culturelle.
Le quartier a résisté autant que faire se peut aux vents de modernisation tous azimuts, en conservant difficilement l’âme et le génie du quartier : les vieux bâtiments au style architectural d’antan, le charme de son aménagement de l’espace communautaire, soit le témoignage d’un passé enchanteresse, et d’une vie austère et laborieuse à la fois. Un village historique non reproductibles à l’identique où l’esthétique, le sacré et le profane s’expriment au bout de chaque ruelle.
La mosquée du village, récemment rénovée, aux frais des habitants, et son mirador qui servait de lieu de rencontres des sages, de prise de décisions importantes dans la vie de la communauté ou encore de tribunal populaire pour rendre des décisions de justice, sont autant de symboles de nature à rendre éligible, ce village au statut de site historique.
Ce lieu emblématique, de pouvoir et de culte était le cadre approprié pour régler les différends, et les autorités traditionnelles avaient obtenu l’aval de l’administration coloniale pour jouer ce rôle d’auxiliaire de justice. Certainement, une manière de désengorger les tribunaux.
C’est également dans ce quartier où se trouve l’Ecole I de Sélibaby, une institution qui a formé les premiers cadres de la région, et dont les premiers bâtiments, même réhabilités, donc quelque peu travestis, faute de professionnels de restauration de ce type d’ouvrage racontent à bien des égards le passage du colonisateur.
On raconte que pour la construction de cet établissement, les hommes ont été astreints à des travaux forcés. Pour ce faire, les infortunés étaient réduits à porter de grosses pierres de 40 à 50 kilos nécessaires à la construction sur la tête depuis plusieurs kilomètres.
Et, non loin de là s’élève au ciel, le Silo, la Tour Eiffel de la capitale du Guidimakha, un autre vestige colonial qui servait de magasin, où étaient stockés les céréales et les produits forestiers non ligneux, spécifiques au climat de cette zone géographique.
Un peu plus bas, au nord c’est le cimetière colonial, dans le quartier de la justice, des tombes désormais complètement englouties par les nouvelles construction.
A l’ouest du quartier, c’est le pont colonial construit sur le marigot mythique, chargé d’histoires dont les eaux viennent de « Goursi « , de « Bafoullabé » et d’ailleurs pour se croiser à quelques mètres, seulement de la colline majestueusement, autrefois lieu de sacrifices pour implorer la clémence du ciel, ce mont veille sur le quartier et ses cimetières.
Ce puissant cours d’eau aux torrents tumultueux, violents et capricieux pendant la saison des pluies isolait le quartier et même la ville de Sélibaby notamment dans son flanc sud : la route de Bakel. Le colonisateur y a construit un pont, » le pont de collège » fait de pierres, de fer et de béton, l’infrastructure est l’un des symbole du projet colonial, notamment dans sa mission d’ouvrir des voies de communication pour assurer l’acheminement de nos richesses pillées, volées, ou encore issues des travaux forcés vers, un port ou un fleuve en vue de leur transport par bâteau vers la métropole. Le fleuve Sénégal est à seulement 45 km de Sélibaby et le pont est bien construit sur cet axe.
Cette infrastructure, aujourd’hui délabrée est toujours praticable, et sert encore de passage obligatoire pendant la saison des pluies pour se rendre au quartier collège, né dans les années 80 à la faveur de l’extension de la ville de Sélibaby.
Dans ce répertoire, je n’oublie pas les traditions( chants et danses) qui caractérisent les cérémonies de mariage et autres manifestations populaires…
Seyre Sidibe