A l’occasion de la Journée de l’Education organisée hier en grande pompe au Palais des Congrès Almourabitoun à Nouakchott, le Président de la République et le ministre de l’éducation nationale ont édifié l’opinion sur les grandes lignes du projet d’école républicaine qui verra cette année un début de concrétisation avec le lancement de la 1ère année du Fondamental au niveau de l’enseignement public.
Dans une brève allocution prononcée pour la circonstance, le président de la République a repris la rhétorique habituelle en parlant de la priorité accordée à l’éducation, de la réforme en vue et des efforts déjà entrepris pour la mise sur pied d’un système éducatif performant.
Le président Ghazouani a qualifié l’année scolaire qui est à nos portes de tournant décisif saluant au passage la contribution appréciable de l’enseignement privé considéré comme un partenaire.
Il a souligné les énormes défis à relever invitant toute la famille scolaire à redoubler d’efforts afin de les relever.
Aucune annonce spéciale donc dans ce discours dans lequel on s’attendait à la révélation de la feuille de route pour la mise en œuvre de la loi d’orientation qui suscite pas mal d’interrogations.
Rien de concret non plus pour les responsables de l’enseignement privé qui s’attendaient à une bouée de sauvetage de la part du président de la République.
Pas d’annonce spéciale non plus du côté du ministre de l’éducation et de la Réforme du Système Éducatif, M. Brahim Vall Ould Mohamed Lemine qui s’est contenté d’énumérer un chapelet de réalisations au cours des trois années écoulés.
40 milliards d’ouguiyas ont été injectés dans le système depuis 2019, nous apprend-il. C’est beaucoup d’argent certes mais ses répercussions sur l’amélioration de la productivité du système laissent à désirer au vu des résultats catastrophiques des élèves aux examens nationaux (BEPC/Baccalauréat).
Le ministre a cependant annoncé certaines mesures générales dont le raccordement du système d’information avec le système national d’état civil pour faciliter l’éducation, la généralisation de l’uniforme scolaire, le développement de l’enseignement numérique et la distribution de plus de trois millions de manuels scolaires.
Pas un mot cependant sur la motivation des enseignants et sur la nouvelle loi d’orientation qui risque de plomber tous les efforts promis.
Le ministre garde peut-être des annonces plus novatrices pour son discours à l’occasion de la rentrée scolaire.
En effet cette loi dont l’objectif noble est de créer une école républicaine basée sur l’équité et l’harmonie constitue à ce jour une véritable pierre d’achoppement.
Elle consacre le retour en force de la langue arabe dans le système éducatif et entretient le flou sur l’enseignement des langues nationales, ce qui n’est pas du goût de certaines franges de la société qui se sentent lésées.
Cette loi d’orientation contient en son sein plusieurs contradictions et certaines de ses dispositions sont tout simplement inapplicables, du moins dans le court terme.
L’article 65 polarise tous les mécontentements. En vertu de cet article : « L’arabe est enseigné à tous les enfants dont ce n’est pas la langue maternelle comme langue de communication et langue d’enseignement. » Et, plus explicite encore : « L’enseignement est dispensé en langue arabe à tous les niveaux d’enseignement et de formation, que ce soit dans les établissements d’enseignement public ou dans les établissements d’enseignement privés. »
Dans ce même article on souligne que : « Au primaire, chaque enfant mauritanien étudie les matières scientifiques dans sa langue maternelle, en tenant compte des contextes locaux et en respectant les exigences de cohésion sociale. »
Comment est-ce possible sachant que cette loi entre en vigueur dans 3 jours. Qu’est-ce qui a été fait pour préparer le terrain. Où sont les enseignants et le matériel didactique en langues nationales ?
N’est-ce pas mettre la charrue avant les bœufs. Et là on risque de tomber dans exactement les mêmes erreurs que celles de la réforme précédente de 1999.
Pourquoi n’a-t-on pas tiré d’abord les leçons de cet énorme fiasco cautionné par les ténors de l’arabisation à outrance au sein du système éducatif avec le résultat qu’on connait.
Cette loi nous ramène deux décennies en arrière. Il s’agit d’une véritable bombe à retardement qu’il conviendrait de désamorcer pendant qu’il est encore temps.
En fait, l’optimisme béat côté officiel tranche nettement avec l’amère réalité sur le terrain.
Bakari Gueye