Le respect des traditions Soninkés ou le piège de l’esclavage par la coutume ou encore le piège de l’esclavage par la coutume au nom du respect des traditions Soninkés.
C’est kif kif. C’est du pareil au même.
» Nul n’a le droit d’effacer une page de l’histoire d’un peuple, car un peuple sans histoire est un monde sans âme » aime dire le journaliste panafricaniste, Camerounais Alain FOKA, sur les Onde de RFI .
La formulation est magique si bien qu’on est tenté de la copier pour dire, un peuple sans traditions est un peuple sans âme. Ce qui n’est d’ailleurs pas faux.
Les traditions, les us et les coutumes sont des composantes essentielles de toute culture : elles permettent de les caractériser, de les différencier les unes des autres, de les comprendre dans leur représentation du monde, leur philosophie, sagesse et cosmogonie – en tant qu’entité sociale, linguistique, culturelle -, et même de mesurer leur grandeur et maturité.
C’est dire jusqu’à quel point, ces éléments matériels et immatériels (les traditions) ne sont pas fantaisistes et seulement folkloriques.
Ils sont le résultat d’une multitude d’expériences humaines caractéristiques d’une façon de penser et d’être dans le temps et l’espace.
Dans un contexte de mondialisation, le patrimoine culturel reste l’identité de chaque peuple. Il permet d’exister et de résister à l’impérialisme culturel qui tend à réduire au silence les cultures des peuples en retard aux plans techniques et technologiques.
Or, toute culture exprime une singularité, une certaine sagesse et une philosophie à travers sa compréhension, sa conception du monde et sa lecture du réel: une culture ne saurait se substituer à une autre.
Cela est d’autant plus vrai que les cultures Africaines sont plus que jamais menacées par l’invasion et la déferlante occidentales sur tous les fronts.
D’où l’urgence de préserver nos traditions et coutumes dont la disparition sonne le glas de notre existence, de notre histoire et de ce que nous avions de plus profond, notre être et notre dignité.
Mais pour autant, cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas faire le ménage au sein de nos sociétés pour en éradiquer, certaines pratiques abjectes et frappées d’anachronisme.
La lutte contre l’esclavage coutumier trouve ainsi, toute sa légitimité en s’inscrivant dans cette dynamique et volonté d’assainir nos traditions, par un effet de toilettage intelligent et judicieux afin qu’elles puissent être en phase avec le temps.
Un combat qui se heurte à la résistance d’une partie de la société. Une partie et non des moindres : les groupes privilégiés et même une frange non négligeable de ceux qui subissent le poids des traditions.
Cette crainte est-elle justifiée ?
La lutte contre les manifestations résiduelles et insidieuses de l’esclavage imbriquées dans les traditions divise. Elle est perçue de manière subtile et assurément stratégique pour certains comme, la mise à mort de la société Soninké en s’attaquant à certaines valeurs : « LADANU » qui non seulement fortifient mais raffermissent également, le lien féodal entre familles d’anciens maîtres et familles d’assignation servile.
Cette posture de défenseurs inconditionnels des traditions cache un piège, si elle n’est pas simplement un refus de tout changement ; la crainte de voir se substituer à la configuration héritée de la société, une autre plus égalitaire et juste pour tous.
Ainsi, les » réactionnaires » sont sur une ligne de défense peu convaincante, même si la société traditionnelle Soninké s’arc boute sur ses classes sociales : Noble, Esclave, et les autres ( forgerons, les griots, cordonniers) qui ne vivent pas forcément, les inégalités de la même manière que les esclaves, les parents pauvres.
En effet, – forgerons, griots et cordonniers – sont plus perçus comme des statuts sociaux que véritablement des métiers.
Ils jouent également le rôle de modérateurs sociaux, par ce que dépositaires de la parole, ce qui leur donne une certaine visibilité dans les manifestations publiques et populaires pour de multiples raisons liées à leur statut qui leur offre beaucoup de passe- droits ou de dérogations sociales .
Dans le système de solidarité social, ils sont les plus choyés, jouissant de la générosité de tout le monde : des fois les présents leur sont offerts à contrecoeur, de crainte de les frustrer et d’enfreindre à la tradition. Cela est mal vu et suscite la honte .
Qu’en est-il de l’esclave ?
A contrario, l’esclave est presque effacé dans la sphère de décisions où sa présence n’est que pure figuration.
Cette présence est surtout remarquable et remarquée lors des manifestations qui exigent la force musculaire – assurer la défense et la sécurité de la communauté, assurer la production des moyens de subsistance , ou encore à travers des rôles de courtisaneries ou de bouffonneries exprimés jusque dans le langage et l’accoutrement.
Ce rôle les prédispose à être des déshérités éternels, incapables dans la plupart du temps à raisonner, à critiquer mais surtout à être indépendants aux plans mental, psychologique, religieux, social et économique etc.
Ce portrait est celui de l’esclave jusque dans un passé récent, pas trop loin de nous. Aujourd’hui, les choses ont connu, certes une dynamique mais beaucoup de personnes d’ascendances serviles n’échappent, malheureusement toujours pas à ce triste destin, résultant de la chosification et la stigmatisation portant la signature de la société féodale.
Ainsi, les traditions sociales Soninkés sont difficilement séparables du démon féodal qui classe les individus sur la base de la naissance.
Dès lors, les conservateurs fustigent inlassablement le combat pour l’émancipation des classes serviles, qui veulent en finir avec certaines manifestations sociales et populaires » appelées « LADANU « .
Pour la plupart, nostalgiques et partisans de l’immobilisme social, ces conservateurs, souvent issus des classes privilégiées, se cachent derrière une prétendue lutte pour la préservation des us et coutumes, justifiant ainsi la continuité des « traditions pièges ».
Les dépositaires de la culture ne peuvent être une menace contre les traditions sociales.
En effet, les véritables ambassadeurs de la tradition, chez les Soninkés ce sont les groupes stigmatisés – esclaves, forgerons, griots -, les animateurs par excellence des manifestations et cérémonies populaires culturelles et sociales.
Et pour preuve, regardez le Festival International Soninké ( FISO) , qui chantent ?
Qui dansent ?
Qui perpétuent les savoir-faire ancestraux , – la pêche, le travail de la forge, la chasse, l’agriculture, le tissage -? J’en oublie. Un ensemble d’activités et de pratiques culturelles, rythmé par une production orale enrichissante à tous égards qui constituent la colonne vertébrale de l’identité Soninké.
Ces gens-là constituent la mémoire et les gardiens de la tradition Soninké, ils ne peuvent opter pour la table rase et l’effacement de leur propre mémoire.
Vous les avez mal compris !
Non, vous faites exprès de ne rien entendre !
Et tant pis pour la Société Soninké.
Personne n’est prêt à payer la facture, le prix de son unité et de sa cohésion sur de nouvelles bases.
Aujourd’hui l’aspiration populaire et quasi unanime, perceptible et audible chez les groupes déshérités est le renoncement aux aspects qui rappellent une histoire honteuse et déshonorante pour leur famille.
L’apologie de l’esclavage par la culture : une cause peu vendable
Si les partisans du changement peuvent écrire ou parler à visage découvert, les soutiens du statu quo éternel portent des masques, ils se cachent derrière l’anonymat du clavier sous des noms d’emprunt pour exister, sachant que leur cause est perdue d’avance et ne convainc plus personne.
Certains vont jusqu’à traiter la majorité, celle qui réclame et appelle de ses voeux les réformes sociales, d’étrangers.
Étrangers, cela reste à démontrer, mais ils demeurent quand même Soninkés et de véritables « tirailleurs, » des « légionnaires »qui ont fait la richesse et la Gloire de « leur maître » et partant de la société Soninké jusqu’à une époque non lointaine.
Étranger n’est pas esclave, et esclave n’est pas étranger.
Quand un système est à bout de souffle, on peut aisément, déceler le malaise dans le discours qui souffre d’absence de rationalité, de rigueur scientifique sur fond de contradictions aberrantes.
Eranger. Etrangers. Le mot est dans l’air du temps. Quand la république va mal, chacun accuse son prochain d’étranger.
Étranger, c’est l’argument et le prétexte juridique employé par nos États pour exclure un candidat sérieux mais aussi encombrant pour le régime. la Côte d’Ivoire post Félix Houphouët-BOIGNY se souviendra pendant longtemps encore des mots « ÉTRANGER et NATIONALITÉ » . Il semble que les autres Africains n’aient pas tiré les leçons de la malédiction Ivoirienne.
Le sens de la marche de l’histoire voudrait que ceux dont les parents etaient esclavagistes ou propriétaires d’esclaves aient honte, aujourd’hui de s’en vanter, même si eux ne sont nullement responsables de la forfaiture de leurs ancêtres.
Mais s’ils continuent de défendre et de s’accrocher obstinément à ce passé lointain mais encore présent, le présentant comme exempt de tout reproche, ils passeront progressivement du statut d’innocent actuellement à complice et plus tard coupable.
En effet, ces derniers devraient assumer cet héritage pour le moins lourd et pesant dans certains de ses aspects, en agissant dans le sens du pardon et de la réparation.
Si les personnes d’extraction servile souffrent d’un complexe d’infériorité, celles issues de la classe nobiliaire regardent les autres avec une certaine condescendance.
Pas toutes heureusement!
La paix au Guidimakha dépendra des efforts des deux camps mais surtout de ceux qui sont détenteurs des privilégies. C’est à eux d’avoir le courage et l’audace d’engager les réformes sociales demandées, réclamées et même exigées par les progressistes.
La provocation et le déni doivent laisser place à l’humilité, à la repentance en regardant vers l’avenir.
Aussi, les insultes et insanités qui prolifèrent sur les réseaux sociaux doivent-elles cesser, par ce que contre-productives dans la recherche de l’apaisement ainsi que dans la construction de la paix sociale. Seyré SIDIBE