« Au terme de mon mandat de Président en exercice du G5 Sahel, j’ai le plaisir et l’honneur de passer le témoin à mon frère et ami, le Maréchal du Tchad Idriss Déby Itno, qui, j’en suis persuadé, saura avec sa sagesse et son leadership consolider et promouvoir les acquis de notre jeune organisation. » Ainsi concluait Mohamed Ould Ghazwani son discours devant ses pairs du G5 Sahel réunis en sommet à Ndiaména au Tchad mi-février.
Un discours bilan qui a permis au chef de l’Etat mauritanien de rappeler que la mission qui a été assignée au cours de son mandat a été réalisée sur cinq axes majeurs. Sécurité-défense, résilience, développement humain et infrastructures, renforcement du dialogue intra et intercommunautaire, renforcement de la dynamique diplomatique d’accompagnement et enfin le dispositif institutionnel de suivi ont été les points essentiels sur lesquels le Président mauritanien s’est prononcé.
Concernant l’axe sécurité-défense, il a été marqué selon Ould Ghazwani par l’accélération de la montée en puissance de la force conjointe du G5 Sahel, le renforcement des forces de défense et de sécurité nationales et la coordination renforcée avec la Force Barkhane.
Selon lui il a été réalisé une densification des opérations dans la zone des trois frontières, le déploiement des premiers contingents de la Task force TAKUBA, le lancement des travaux de planification de l’engagement d’une force africaine au Sahel de 3000 hommes et, récemment, la planification à Nouakchott d’une opération conjointe d’envergure au fuseau ouest. « Ainsi, les forces de défense et de sécurité nationales et la force conjointe reprennent progressivement l’initiative dans les différents théâtres d’opérations et les groupes armés terroristes enregistrent de plus en plus de pertes, tant en matériels qu’en personnels avec la neutralisation de plusieurs de leurs principaux leaders. » A dit Mohamed Ould Ghazwani.
La zone des « trois frontières » regroupe les territoires du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Elle a été souvent marquée par le danger des attaques. Des pertes en vie humaines ont été caractéristiques des défis des forces engagées. On sait notamment que la France y a perdu plusieurs soldats.
En novembre 2019, des médias ont rapporté des pertes lourdes chez les forces engagées contre les djihadistes. « Quarante-neuf militaires avaient été tués lors de l’assaut du 1er novembre contre la garnison située à Indelimane, au moins 38 autres un mois plus tôt à Boulikessi. Les armées du Burkina Faso et du Niger voient elles aussi leurs rangs régulièrement décimés. Preuve de la dégradation ces derniers mois, la sous-secrétaire générale de l’ONU pour l’Afrique, Bintou Keita, a indiqué, le 20 novembre 2019, devant le Conseil de sécurité, que, « depuis le début de l’année, le Burkina Faso a enregistré 489 incidents contre 150 à la même période en 2018, tandis que le Niger connaissait 118 attaques, contre 69 en 2018 ». Rappelait le journal Le Mond e à travers un article publié sur son site https://www.lemonde.fr/afrique/ .
A l’époque, l’action militaire prenait les contours d’une impasse. La France perdait en crédibilité quant à sa présence dans la zone. Des contestations de son efficacité et de son engagement venaient de milieux intellectuels et artistiques du Mali, notamment.
Il s’en est suivi le fameux sommet de Pau au cours duquel il a été équestion mise au point et de clarification. Les chefs d’Etats des Pays du G5 Sahel ont ainsi renouvelé leur confiance à Emmanuel Macron. Depuis, l’opinion internationale croit déceler une montée en puissance continue de la Force conjointe du G5 Sahel soutenue par la France et renforcée par la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA).
Au cours du dernier sommet tenu à Ndjamena, Antonio Gutteres a indiqué que le déploiement à venir de la Task-Force Takuba, composée de forces spéciales européennes en coordination avec le G5 Sahel est une preuve de cette mobilisation. Et puis, il sera question de démonter une exemplarité en matière de respect des droits humains. A-t-il insisté. En effet, « les opérations de paix et les opérations antiterroristes africaines doivent être endossées par le Conseil de sécurité, au titre du chapitre VII, et financées de façon pérenne, y compris au moyen de contributions obligatoires. » A affirmé M. Gutteres.
Côté français, la participation par vidéoconférence d’Emmanuel Macron a valeur de réaffirmation du leadership. Le chef de l’état français a trouvé l’occasion de réitérer la nécessité de garder les effectifs de son pays dans la région. Il a promis des évolutions significatives dans le dispositif militaire au Sahel. On eut dit que c’est un Macron va-t’en guerre qui souhaite prendre une revanche contre les groupes dirigés par Aqaida et autres qui font des ravages dans la zone des trois frontières en particulier.
Dans sa prise de parole, Macron a appelé à anéantir les groupes djihadistes dans les pays du G5 Sahel.
Pour lui, il faut «une action renforcée» pour tenter de «décapiter» les organisations affiliées à al-Qaïda : le GSIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) et la Katiba Macima.
C’est clair donc que le bilan sécuritaire souligné par Ould Ghazwani trouve du répondant du côté des alliés.
Beaucoup ont insisté sur l’apport en développement comme option et solution dans la crise au Sahel. Ainsi sur l’axe relatif à la résilience, au développement humain et des infrastructures, « plusieurs projets visant la lutte contre la Covid-19, les changements climatiques, l’autonomisation des femmes et des jeunes filles, la résilience des entreprises des jeunes, l’eau et la cohésion sociale ont été conclus ou finalisés. » A affirmé le chef d’Etat mauritanien qui se dit réjoui du démarrage de 18 sur les 21 projets du Programme de développement d’urgence (PDU) avec les partenaires membres de l’Alliance Sahel.
« Des projets importants dans le domaine de l’urgence en lien avec le développement rural et la résilience face à la Covid-19 sont en cours avec, respectivement l’appui du Fonds International pour le Développement Agricole et de la Banque Africaine de Développement. » A dit Mohamed Ould Ghazwani.
Autre élément de fierté, l’intégration régionale qui selon le Président mauritanien se renforce avec le processus de suppression des frais d’itinérance, le financement, par la Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique et le Fonds Arabe pour le Développement Economique et Social en Afrique, de projets de tronçons routiers reliant les pays ainsi que la finalisation de l’étude de faisabilité du projet du chemin de fer transsahélien.
C’est comme si les dirigeants du G5 Sahel et leurs partenaires au développement veulent aller au au-delà de la seule réponse sécuritaire, conformément au souhait du SG des Nations Unies pour qui les populations civiles du Sahel paient le prix d’une insécurité ayant fait plus de deux millions de personnes déplacées et mis des millions d’autres dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë. « Malgré de récents développements prometteurs, et notamment la tenue pacifique d’élections, je reste préoccupé par la détérioration de la situation sécuritaire dans la région, en particulier à Liptako-Gourma (région commune au Burkina Faso, au Mali et au Niger), où la spirale de la violence aggrave une situation humanitaire déjà difficile », a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, dans un message vidéo diffusé lors de ce sommet du G5 Sahel.
La Tribune/Mauritanie (Avec Agences)